Dossier Dossier OOH-DOOH

Épinglés sur leur consommation énergétique à l’heure où le maître mot est « sobriété », les acteurs de la communication extérieure s’unissent et argumentent, chiffres à l’appui, sur l’impact moindre de leurs mobiliers par rapport à d’autres médias publicitaires, notamment internet. Un article également disponible en version audio.

Écoutez cet article :

Dans un pays qui connaît de nombreuses manifestations, les panneaux d’affichage publicitaire se trouvent régulièrement détériorés. Ils sont érigés en symbole d’un monde capitaliste destructeur pour la planète, selon plusieurs experts qui estiment que l’affichage est devenu le « bouc émissaire » de tout un secteur depuis la promulgation de la loi Climat en août 2021. Et ce, alors même que « seul l’affichage est encadré par le code de l’environnement », rappelle Caroline Mériaux, directrice marketing et communication de Clear Channel.

La publicité extérieure est également dans le viseur de certains maires, que la loi Climat rendra seuls compétents en la matière sur leur commune en janvier 2024. Précurseur d’un mouvement, Éric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, a décidé dès 2014 de retirer les panneaux publicitaires dans sa ville. La tendance est, depuis, en marche dans plusieurs villes françaises comme à Nantes, Rennes ou encore Lyon. Ces politiques publiques, qui ne sont pas forcément soutenues par les préfets, d’après le président de l’Union de la publicité extérieure (UPE) Stéphane Dottelonde, souhaitent préserver le paysage et réduire la pollution visuelle. Il s’agit aussi de ne pas pousser les citoyens à la surconsommation.

Mais la plus grande accusation faite à la publicité extérieure concerne sa dépense énergétique, dans un contexte où les foyers français ont été appelés à maîtriser la leur. En octobre 2022, Emmanuel Macron a annoncé un « plan de sobriété », sur fond de crise climatique et de guerre en Ukraine. Deux décrets concernant l’affichage ont été pris à la même période. Le premier, qui entrera en vigueur en juin 2023, prévoit d'éteindre les dispositifs de publicité lumineuse la nuit entre 1 heure et 6 heures du matin. Le deuxième impose l’extinction en cas de menace grave sur l’approvisionnement en électricité. La mise en conformité de tous les éclairages est évaluée par l’UPE à 30 millions d’euros pour l’ensemble des opérateurs.

Lire aussi : Le programmatique à la conquête de l'affichage numérique

L’écran DOOH est le principal mis en cause. En 2015, le film documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent révèle qu’il consomme chaque année autant d’électricité que deux à trois foyers français, hors chauffage. Depuis, les mobiliers ont évolué et, d’après un récent rapport de l’Ademe, un écran publicitaire LCD numérique de 2 m² consomme 2 000 kWh par an, soit la consommation moyenne d’un ménage en électricité (éclairage et électroménager), hors chauffage. « On renouvelle le mobilier et on dédensifie », énonce Alexandra Lafay, directrice développement durable et communication de Mediatransports. L’opérateur prévoit de baisser de 71 % sa consommation électrique entre 2022 et 2031 au sein des gares SNCF, et de la baisser de 35 % d’ici à 2026 au sein des stations RATP. Et en termes de CO2, sur les mêmes périodes, Mediatransports souhaite réduire ses émissions de 45 % sur son exploitation SNCF et de 17 % pour la RATP.

« On n’a pas attendu l’Accord de Paris et la Convention citoyenne pour le climat pour se mettre en ordre de bataille », proteste Caroline Mériaux. La cadre dirigeante retrace la politique RSE de Clear Channel, qui remonte à 2011, avec l’éco-conception des mobiliers, puis l’obtention en 2013 de la certification ISO 14001, portant sur le management environnemental. En 2015, l’opérateur choisit le renouvelable lorsqu’il souscrit les contrats d’électricité en propre et, cette même année, commence le remplacement de ses éclairages (actuellement la moitié de son parc est équipé de la technologie led). En 2019, Clear Channel réalise son premier bilan carbone et crée, en 2020, un comité sur la transition écologique.

« Nos régies ont réalisé l’Analyse de cycle de vie (ACV) de leur mobilier publicitaire », affirme Stéphane Dottelonde. « Cette analyse comprend l’impact de la fabrication du mobilier, le transport vers le point d’installation, l’usage et la maintenance, et son fin de parcours », détaille Alexandra Lafay chez Mediatransports, l’opérateur ayant réalisé son ACV dès 2018. Autre signe de leur bonne volonté, depuis trois ans, les acteurs de la filière se réunissent tous les mois au sein d’un comité sur la question du développement durable, initié par l’UPE. L’organisation représentative, qui compte une trentaine d’adhérents, se démène pour défendre la filière sur la question climatique.

Lire aussi : Un nouveau nom qui ne suffit pas pour sauver Giraudy

L’UPE a d’ailleurs pris des engagements en mars 2021 pour réduire les émissions de CO2 de la publicité extérieure de 20 % d’ici à 2025 et de 48 % d’ici à 2030. Ceux-ci ont été consignés en juin 2022 dans un contrat climat déposé auprès de l’Arcom et du Commissariat général au développement durable, et font l’objet d’un rapport annuel. L’UPE a également mis en place en mars 2022 une calculette carbone, baptisée AdOOHcc, permettant d’estimer l’empreinte d’une campagne pluri-afficheurs. Concernant la consommation énergétique de la filière, le syndicat a commandé à l’automne une étude au cabinet KPMG. Publiée en mars 2023, elle chiffre à 0,028 % le poids de l’affichage dans la consommation énergétique totale du pays. Et la filière montre patte blanche en s’engageant à réduire sa consommation énergétique de 10 % (par rapport à 2019) d’ici à l’année prochaine.

Cette étude comparative démontre aussi le moindre impact de l’affichage comparé à d’autres médias publicitaires. Il en ressort que la publicité sur internet est la plus énergivore (70 % de la consommation énergétique de tous les médias publicitaires), suivie de la pub TV (27 %), tandis qu’elle ne s’élève qu’à 2,7 % pour l’affichage. « Le DOOH et l’OOH ont une consommation énergétique rapportée à l’audience 6 à 17 fois plus sobre que les autres médias », note KPMG. Car c’est aussi le caractère public de l’affichage que met en avant la filière. « Un écran DOOH est vu par des milliers de personnes », commente Stéphane Dottelonde, qui s’exaspère que la publicité extérieure soit « le seul secteur où vous n’avez pas le droit à la transition numérique ». Et à Caroline Mériaux de souligner que l’affichage sert aussi le bien commun puisque la moitié des panneaux est dédiée à la communication locale et que « ​​​​​le média est le seul à redistribuer sa valeur, notamment aux villes avec la redevance ».

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.