La vente programmatique, au départ associée à la publicité sur le web, commence à se développer pour les panneaux digitaux en France, en tenant compte des spécificités du média publicitaire. Reste à convertir les annonceurs. Un article également disponible en version audio.

Écoutez cet article :

Après avoir conquis le digital et gagné la publicité télé, le programmatique se développe dans le monde de l'affichage. « Le DOOH programmatique, c’est la promesse de pertinence du digital, soit du quasi temps réel, alliée à la puissance de la communication extérieure », loue Clément Lion, directeur du développement du DOOH chez JCDecaux. L’entreprise opère actuellement 2 500 écrans en France au sein de plusieurs environnements (villes, vitrines, aéroports, retail…), et tous sont connectés à ce nouvel écosystème. Car, accompagné par la plateforme SSP (supply side platform) VIOOH, JCDecaux est le premier opérateur à avoir lancé une offre programmatique en France, à l’été 2021. 

« Le DOOH est au carrefour entre la notoriété de l’affichage, pour faire émerger une marque, et la génération de visites [sur le web ou en magasin] », complète Laure Malergue, fondatrice et directrice générale de Displayce, plateforme DSP (demand side platform). Cette dernière cite en exemple le cas des crèmes solaires Avène, dont la campagne publicitaire a été activée sur les écrans JCDecaux et Mediatransports situés à proximité de parapharmacies où était mis en vente le produit. La campagne a été adressée à une cible de femmes âgées de 25 à 54 ans, grâce aux données mobiles anonymisées d’Adsquare, en des lieux ensoleillés où l’index UV se situait au-dessus de 3 (une donnée fournie par OpenWeather).

La formule séduit. En l’espace de six mois, le programmatique représentait déjà une part significative du chiffre d’affaires DOOH de JCDecaux (que l’entreprise ne souhaite pas rendre public pour l'instant). Cette nouvelle façon de commercialiser les inventaires nécessite tout de même une évangélisation auprès des annonceurs. « On est face à un marché publicitaire habitué à acheter à l’emplacement et non à l’audience, il y a donc un switch à opérer. Et le marché a encore besoin de preuves sur l’efficience », constate Clément Lion. « Mais si l’on se tourne vers le Royaume-Uni ou la Belgique, des pays plus mûrs sur cette technologie, on remarque une bascule de la vente en gré à gré vers le programmatique », poursuit-il.

Lire aussi : Sur le climat, la publicité extérieure prend les devants

« Le programmatique n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, même dans un parc DOOH qui n’évoluerait pas », le rejoint Guillaume Jaccarini, directeur de la stratégie et du marketing de la société Clear Channel, qui préfère ne pas détailler son chiffre d'affaires. La société opère 3 000 écrans dont la quasi-totalité est disponible à l’achat programmatique depuis la fin de l’année 2021 (dont 50 écrans géants exclusivement commercialisés en gré à gré). Et les derniers chiffres du Bump, le Baromètre unifié du marché publicitaire de France Pub, l’Irep et Kantar, promettent un futur radieux pour le programmatique, les investissements publicitaires dans le DOOH étant en progression depuis plusieurs années. En 2022, la hausse était de 24,4 % par rapport à 2021, et de 8,8 % par rapport à 2019, année de référence avant covid.

La force du DOOH programmatique réside dans la facilité d’achat. « Comme les autres médias, nous sommes confrontés à des acteurs comme Google, qui sont arrivés avec une nouvelle façon de commercialiser, un hyperciblage et une souplesse pour l’utilisateur qui peut programmer lui-même une campagne dont la diffusion s’adapte à la pression publicitaire », recontextualise Valérie Decamp, directrice générale de Mediatransports. À titre informatif, la part de l'achat programmatique dans le total des investissements display était de 59 % en 2022, d’après le Bump.

Mediatransports a amorcé la transition vers le programmatique avec « un premier essai, il y a quatre ou cinq ans, pour Dentsu et FreeWheel », se souvient Valérie Decamp. L’entreprise opère actuellement 2 700 écrans en gares et dans le métro à Paris, Marseille et Lille, dont la totalité est connectée aux plateformes programmatiques depuis le mois d’avril. « Le premier niveau de la fusée a consisté à digitaliser nos inventaires, avec une accélération en 2016, via l’installation des supports numériques. Le deuxième niveau a été de rendre ces écrans ultra-dynamiques, pilotables à distance, écran par écran. Le troisième niveau est de connecter l’écosystème à la data, relate-t-elle. Aujourd’hui, nous avons une connaissance de notre audience à la demi-heure par écran. »

Ainsi, pour les afficheurs, la vente programmatique apparaît comme une suite logique pour le DOOH, tant l’écran présente de similitudes avec le smartphone. Valérie Decamp cite notamment le format Instagram de six secondes, qui est devenu un standard publicitaire à Mediatransports. L’avenir de la publicité extérieure digitale sera donc programmatique. Et la stratégie de développement de JCDecaux ne dit pas le contraire. Dès 2018, l’afficheur a lancé VIOOH, une plateforme programmatique mondiale, indépendante et automatisée, de planning et de trading, et s’est doté d’une direction data baptisée DataCorp. En 2022, JCDecaux a pris une participation majoritaire dans Displayce. « Le DOOH programmatique permet de toucher des cibles jeunes qui ne sont plus présentes sur certains médias, comme la télévision, mais bien présentes dans la rue et les centres commerciaux », renchérit Laure Malergue. 

Lire aussi : Un nouveau nom qui ne suffit pas pour sauver Giraudy

La technologie a aussi des avantages pour les marques. « Ce que l’on reproche à l’affichage papier, c’est qu’il n’est pas assez souple, avec une communication sur sept jours. La communication numérique permet des communications sur des plages horaires. On peut imaginer un boulanger communiquer le matin pour vendre ses croissants », explique Valérie Decamp. Le modèle qui prévaut actuellement est celui de private marketplace, avec un prix fixe (non à l’enchère) pour le moment plutôt accessible, entre 10 et 15 euros au CPM (coût pour mille impressions), compétitif par rapport à internet. 

Le DOOH programmatique comporte cependant des spécificités. « Il n’y a pas un stock infini d’espaces publicitaires, contrairement au digital online. On est donc sur un média extrêmement qualitatif et très sélectif », rappelle Clément Lion chez JCDecaux. D’ailleurs, les campagnes sont prévalidées par les opérateurs avant leur diffusion. Quant à l’installation des écrans DOOH en France, Guillaume Jaccarini de Clear Channel ajoute que le pays reste à part en raison de ses règlements locaux de publicité, parfois stricts sur les écrans numériques. « L’avenir du DOOH sera particulièrement indoor », prédit-il.