Le rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde revient sur les grandes actualités du continent africain.

L'arrivée massive de migrants africains à Lampedusa depuis la rentrée.

On a atteint des niveaux records avec ce chiffre de 6 000 migrants débarqués en une seule journée à Lampedusa (Italie), mi-septembre. Idem en Espagne. Cela ne concerne pas que l’Europe, il y a une nouvelle filière d’immigration importante pour les Africains : ils prennent l’avion pour le Nicaragua, pays d’Amérique centrale qui ne demande pas de visa, puis ils remontent jusqu’au Mexique et aux États-Unis. Ils représentent une part de plus en plus importante des nouveaux migrants aux États-Unis, au point que le Maire de New York a récemment lancé une alerte, en expliquant qu’il n’arrivait plus à faire face à ce grand nombre de sans-domiciles rejoignant sa ville.
Ce qui est important, c’est de comprendre pourquoi ces milliers de jeunes quittent le continent Africain. Ils quittent aussi bien le Congo, le Sénégal, la Mauritanie, la Côte d’Ivoire, et toute l’Afrique de l’Ouest. Certains de ces pays comme le Sénégal et la Mauritanie sont stables, et malgré tout, il y a des départs, c’est nouveau et c’est d’autant plus grave. Cela veut dire qu’il y a une incapacité de ces pays à offrir un avenir à leur jeunesse.

Pour compléter, il faut dire qu’il y a un vrai problème : la croissance en Afrique est basée sur les matières premières et ne crée que très peu d’emplois. Tout comme les investissements chinois ou turcs qui ne génèrent pas d’emplois pérennes.

Et surtout, il y a un facteur que l’on sous-estime systématiquement dans le débat sur la migration, c’est le changement climatique. Quand les habitants n’arrivent plus à vivre de leur travail en tant que pêcheurs, éleveurs… Ils quittent leur pays. C’est une cause majeure des départs cette année où il y a eu beaucoup de catastrophes naturelles.

Il est temps que l’on relie ces questions de migration avec le réchauffement climatique, plutôt que de les considérer seulement sous l’angle de la peur, en réfléchissant à comment se barricader davantage, renvoyer les migrants chez eux, ou édicter des nouvelles lois vouées à l’échec.

Ces gens sont déterminés à mourir. On n’arrête pas autant de désespoir et d’instinct de survie avec des lois ou avec des murs. Les questions d’immigration irrégulières ne se jouent pas en Europe mais dans les pays de départ.

L’aide au développement peut-elle être une réponse à cette situation ?

L’aide au développement est devenue quasi symbolique. Des pays comme la France, et son président Emmanuel Macron n’ont pas tenu leurs engagements. Lors du nouveau sommet Afrique-France de Montpellier, en octobre 2021, Emmanuel Macron avait dit qu’il fallait en finir avec l’aide et avait suggéré de rebaptiser l’Agence Française de Développement (AFD). Rien n’a été fait car avec l’arrivée de la crise ukrainienne en février 2022, les Occidentaux ont tourné les yeux vers l’Ukraine. Et en parallèle, l’AFD a été obligée de suspendre une partie de ses activités en Afrique de l’Ouest au Sahel hostile à la France.

L’interdiction de Jeune Afrique au Burkina Faso, après l’exclusion de France 24 et RFI au Mali, Niger et au Burkina Faso l’année dernière.

On est entrés dans une guerre médiatique. Au Sahel, l’information est devenue d’abord et avant tout une arme de guerre. C’est regrettable pour les journalistes qui en payent le prix. Mais ces journalistes sont vus comme symbolisant la France, même si ce n’est pas vrai car les journalistes dans les pays démocratiques ont un minimum de liberté, et n’hésitent pas à être critiques vis-à-vis de leurs propres gouvernements. D’ailleurs, ce n’est pas tant le travail individuel de ces journalistes ou des médias qui sont visés mais leur caractère libre et indépendant. Enfin, ils sont souvent les derniers sur place, une fois que les diplomates et les ONG sont partis.

Pour les nouveaux dirigeants de ces pays, la critique de la France et de l’Occident est un outil de légitimation de leurs propres régimes. Au Mali, par exemple, on demande aux journalistes de réaliser « un traitement patriotique de l’information ». Le gouvernement impose une pensée unique au nom de la guerre. Ce « journalisme patriotique » est en train de faire des dégâts au Sahel.

La Côte d’Ivoire face au défi de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations qui se tient dans deux mois et demi…

La Côte d’Ivoire a un avantage et un préjugé favorable : c’est un pays qui a une tradition d’accueil de grands événements internationaux. Les chantiers pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) avancent bien mais il y a eu un incident qui a créé des frayeurs : un des stades flambant neuf a été inondé. Dans la foulée, le ministre des Sports chargé de la CAN a été limogé. Et le ministère des Sports a été rattaché directement au nouveau Premier ministre afin de se charger directement du projet.

L’Algérie qui refuse d’accorder un visa à l’écrivaine Annie Ernaux.

Ce n’est pas surprenant. L’Algérie ces dernières années a refusé des visas à de nombreux intellectuels et journalistes. Le pays a également expulsé des journalistes du Monde, de France 24.

Le régime algérien est toujours dans une logique de fermeture malgré l’espoir immense d’ouverture du pays, lié au mouvement Hirak qui a duré des mois avec des manifestations hebdomadaires pacifiques de 2019 à 2021. Dans la foulée il y a eu le décès du président Abdelaziz Bouteflika en septembre 2021. Je me demande si le gouvernement d’après n’est pas plus dur alors que les Algériens pensaient acquérir des libertés. Ihsane El Kadi, une des figures du journalisme algérien, est actuellement en prison. Cet élan de liberté a été totalement balayé.

L’annulation des Assises du journalisme à Tunis en raison de la guerre Israël-Hamas.

Il y a eu aussi récemment l’annulation des rencontres cinématographiques de Carthage qui accueillent les réalisateurs africains. La Tunisie est davantage tournée vers les pays arabes que vers l’Europe. Cela aurait été très compliqué d’accueillir un événement autour de la liberté des journalistes dans un contexte de fermeture du pays, de recul des libertés publiques. Et en parallèle, son président Kaïs Saïed stigmatise les immigrants africains, et la Tunisie leur réserve un sort inacceptable.

En Somalie, six femmes qui se sont associées pour fonder le média Bilan, premier média uniquement féminin de Somalie…

C’est une bonne nouvelle pour un pays en guerre depuis 1990. C’est un pays qui était le premier à faire face à Daesh et à l’islamisme armé : les Shebabs étaient aux portes de Mogadiscio et l’on craignait que cela devienne l’Afghanistan.

Alors la création de ce média Bilan, c’est le signe qu’il y a une nouvelle génération qui arrive. Il y a des initiatives qui essayent de s’inventer un destin dans un pays où les femmes étaient reléguées à un second rôle.

Orange accélère le déploiement d’Orange Energies, et lance une offre de congélateurs solaires en partenariat avec Koolboks dans douze pays africains.

J’ai trouvé cette initiative solaire intéressante. C’est assez parlant que ce soit une entreprise privée française importante qui la lance. Cela signifie que le solaire peut être rentable en Afrique.

La plupart des pays africains subissent une crise énergétique alors que ces pays sont les plus ensoleillés au monde. Il y a une incapacité de ces pays-là à avoir des développements autour du solaire. Cette initiative privée met en lumière l’inertie des États sur le solaire.

Par exemple, le Sénégal a actuellement un programme de construction de milliers de logements mais il n’inclut pas le solaire. À Bamako ou à N'Djamena, les foyers manquent d’électricité et il y a délestages très fréquents. À N'Djamena, il y a des quartiers où il n’y a pas d’électricité pendant une semaine.