CINÉMA

La notation sur Allociné a été remise en cause après une série de mauvaises notes contre un film sur les violences policières, que son réalisateur attribue à l'extrême droite.

Prescripteur incontournable du cinéma en France, le site Allociné voit sa notation au cœur d'une polémique après une avalanche de mauvaises notes contre un film sur les violences policières, que son réalisateur impute à « l'extrême droite ».

Sorti le 15 novembre en France, Avant que les flammes ne s'éteignent, réalisé par Mehdi Fikri avec Camélia Jordana, est un cuisant échec, avec seulement 18 000 entrées pour sa première semaine. Un revers que son réalisateur et la Société des réalisateurs de films (SRF) attribuent à une couverture négative par des médias qu'ils classent à « l'extrême droite », mais aussi à sa « note spectateurs » extrêmement basse sur Allociné, à savoir 1,5/5 pour 600 votes vendredi. La moyenne presse, pour sa part, atteint 3/5 pour 18 critiques.

En guise d'avertissement, Allociné a assorti la fiche du film d'un message sur leur « répartition inhabituelle ». En clair, le long-métrage a pu être ciblé par des militants qui ne l'ont probablement même pas vu. « Allociné devrait cesser de se cacher derrière son algorithme et nommer ce qu'il se passe, ce sont des raids d'extrême droite, qui font partie d'un harcèlement d'ensemble du film », dénonce le réalisateur.

« Score de crédibilité »

Si l'affaire est sensible, c'est qu'Allociné, créé en 1993 comme un répondeur téléphonique pour connaître les horaires des séances, a su s'adapter à toutes les mutations du secteur et devenir la référence en matière de cinéma, avec 14 millions de visiteurs uniques par mois.

Selon la SRF, d'autres oeuvres ont déjà subi le même sort, notamment deux films évoquant l'immigration, signés Emilie Frèche et Philippe Faucon. « Malheureusement, le sujet de la haine en ligne existe. On essaie en permanence de le traiter et de s'améliorer », répond Julien Marcel, directeur général d'Allociné. Un « score de crédibilité » permet d'accorder moins d'importance aux notes données par les utilisateurs qui viennent de s'inscrire. Et une modération « 7J/7 » contrôle les 300 000 à 500 000 notes et 25 000 critiques mensuelles.

Outre le racisme, « l'homophobie, la religion, la grossophobie, le bashing anti-comédie française, qui se développe un peu », sont surveillés par le deuxième acteur mondial sur son créneau, derrière l'américain Imdb. Pour autant, « on s'interdit de supprimer des notes », sauf commentaire haineux, préférant mettre un avertissement en cas de signes de manipulation, poursuit-il.

En ce qui concerne le film de Mehdi Fikri, l'alerte a d'abord été donnée par des commentaires positifs postés par de nouveaux comptes, avant même la sortie du film, affirme-t-il. Allociné défend sa rédaction d'une quarantaine de journalistes et met en avant son travail éditorial. Le site, surtout connu pour ses bandes-annonces, ses horaires de séances et ses notes, agace aussi des critiques qui voient leurs articles résumés à une « note presse » sur cinq étoiles.

Cible de la « fachosphère »

« Les notes Allociné participent au succès ou à l'insuccès d'un film », acte un distributeur indépendant, Eric Lagesse (Pyramide). Et faire de la pub sur Allociné est devenu incontournable, au même titre que la publicité sur les bus, explique-t-il. « Allociné doit protéger les gens qui le font vivre ! Ce ne sont pas les fachos qui mettent des notes pourries sur un film qu'ils n'ont même pas vu qui doivent décider de la note », s'exclame-t-il.

« C'est le premier site de découverte de films en France, donc ça a un impact, surtout sur les films art et essai, en décidant les spectateurs à y aller ou non », ajoute Mathieu Robinet (Tandem), distributeur du film d'Emilie Frèche, ciblé par « la
fachosphère
» il y a un an. « C'était clairement des raids liés au sujet mais, au final, difficile de savoir dans quelle mesure ça a impacté la carrière du film ».

Sous couvert d'anonymat, des acteurs du secteur relativisent l'influence d'Allociné : « Aucun exploitant de salle ne regarde ces notes pour programmer ou non un film », souligne l'un d'eux. Un autre juge que les notes n'ont pas « changé la carrière » du film de Mehdi Fikri : « vu son démarrage en salle, le film était déjà mort le premier jour ».

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