Comment la télévision parle-t-elle de l’immobilier d’exception ? Plongée dans un monde qui fascine.

De splendides appartements à Manhattan, des vues sur la skyline, des biens rares autour de Central Park… Voilà ce que pourrait logiquement donner à voir la quatrième saison de L’Agence, téléréalité mettant en scène les Kretz, famille d’agents immobiliers spécialisés dans les biens de luxe, qui débute ce 7 décembre sur TMC. Cette saison devrait notamment être marquée par un développement à New York, porté par Valentin, membre de la fratrie. Du pain béni pour les preneurs d’images…

Affichant près de 700 000 téléspectateurs (800 000 en incluant les visionnages digitaux), passé de 3 % de part d’audience sur les saisons 1 et 2 à 4 % sur la saison 3, L’Agence symbolise la place grandissante - quoique pas encore écrasante - qu’a prise l’immobilier de luxe sur le petit écran. Et ce, de façon « relativement récente » pour Carine Farias, enseignante-chercheuse à l’Ieseg, école de commerce. « Stéphane Plaza a démarré le mouvement autour de l’immobilier, puis des émissions autour de la décoration ont vu le jour. Pour le luxe, la tendance est venue des États-Unis avec des programmes comme Million Dollar Listing New York ou Selling Sunset », indique l’experte. Toute ressemblance n’étant pas fortuite, Selling Sunset est portée par deux frères. Par ailleurs, l’émission se décline par zones : Californie (Selling the OC), Floride (Selling Tampa). Au-delà de L’Agence, citons French Riviera, sur RMC Story. Lancé en septembre et déprogrammé depuis, le programme a toutefois été écourté, faute d’audience.

Comment comprendre cet intérêt pour les maisons et appartements de prestige ? D’abord, le mix entre le côté immobilier, qui fait rêver tout en flattant l’envie d’être propriétaire, et le côté humain. « On dit immobilier de “prestige”, comme “illusion” : il y a donc à la fois une part de rêve, et des facteurs concrets, qui rendent le bien unique : une vue, une hauteur sous plafond… Le support vidéo permet d’atteindre ces deux niveaux d’émotion », détaille Raphaël Elie Lorin, cofondateur d’Archides, entreprise d’appart’hôtels haut de gamme à Paris.

Sur le volet humain, la famille Kretz est décrite comme attachante. « Je ne cherchais pas une émission sur l’immobilier quand Réservoir Prod est venu me voir. À 12 h 55, juste avant le déjeuner, à la fin de notre réunion, j’ai vu la bande-annonce de la famille et c’était génial. C’est le programme que j’ai acheté le plus rapidement », témoigne Julien Degroote, vice-président exécutif en charge du développement des contenus du groupe TF1. S’y ajoute le fait que l’émission nourrit un idéal de reconversion professionnelle réussie (les Kretz n’étaient pas des spécialistes au départ) : un moyen de favoriser l’identification du téléspectateur. Autre facteur de succès, la thématique coche toutes les cases : argent, pouvoir, glamour…

Dans ces programmes, la France semble pour l’heure épargnée par certaines dérives. « Selling Sunset montre moins les biens que les scandales entre les négociateurs immobiliers. Ce n’est pas le cas en France, même s’il y a, à L’Agence, de petits conflits familiaux à happy ending », explique Carine Farias. « Il y a pas mal d’émissions sur les métiers d’art en France, un côté plus patrimonial que bling », renchérit Raphaël Elie Lorin. Au-delà, même si l’immobilier de luxe ne connaît pas la crise, les contextes sociaux des régions où se situent les biens ne sont pas évoqués. Autre composante d’une potentielle déconnexion du réel, « ce type de programmes nourrit le rêve de l’accumulation à l’infini », alerte Carine Farias. Plutôt incompatible avec les nouveaux enjeux planétaires.

La belle rente du Figaro

Investir dans la pierre est une aubaine à laquelle s’adonne le groupe Figaro, via Figaro Classifieds, qui fait la part belle à l’immobilier. Avec le bimestriel Propriétés Le Figaro, diffusé à 56 000 exemplaires, le groupe consolide sa place de leader sur le secteur de l’immobilier de luxe. « Notre approche est unique car nous avons des médias via notre site avec des contenus, du conseil, de l’open data, des émissions dédiées sur la chaîne Le Figaro TV présentées par Olivier Marin, rédacteur en chef d’une équipe de neuf journalistes, détaille Stéphane Anfosso, directeur général de Figaro Classifieds. Nous proposons aussi des événements en province comme récemment à Orléans ou à Toulouse. Et nous avons surtout une marketplace avec un site de petites annonces ». Le Figaro est devenu le troisième acteur du secteur derrière Leboncoin et Se Loger. La croissance du chiffre d’affaires de ce segment avoisine les 15 % depuis trois ans. Le groupe s’est même lancé sur le marché américain avec un site qui progresse de 40 % par an depuis deux ans. Caroline Bonacossa