Dans l’ombre du très médiatique Christophe Deloire, Thibaut Bruttin œuvre au quotidien pour faire de Reporters sans frontières une organisation de combat au service de la liberté de la presse.

« Un amoureux déçu de l’Arcom. » C’est ainsi que Thibaut Bruttin définit sa relation avec le régulateur français, qui a été prié le 13 février 2024, par une décision du Conseil d’État, de revoir sa manière de contrôler le pluralisme des programmes de télévision. À l’origine de la procédure, qui visait spécifiquement le manque de diversité d’opinions sur l’antenne de CNews, l’association Reporters sans frontières (RSF), dont Thibaut Bruttin est l’adjoint au directeur général. Dans l’ombre de Christophe Deloire, c’est lui qui a préparé le contentieux contre l’Arcom, comme le permet la loi Bloche depuis fin 2016.

« Je regarde beaucoup les nouveaux modes d’actions du monde militant et le contentieux juridique en fait partie. Jusque-là, l’Arcom était dans une approche de sanction des incidents, au motif du non-respect de la dignité humaine notamment, sans agir sur les causes de ces incidents. C’est peut-être là le signe qu’il y a quelque chose qui cloche », s’emporte le numéro deux de RSF, qui a plongé dans les méandres du droit administratif durant ses études à Sciences Po.

Passionné d'histoire du cinéma

À seulement 36 ans, il place l’organisation, connue pour son soutien aux journalistes dans les zones à risque, dans l’action, y compris dans les pays démocratiques. « Nous sommes apolitiques, mais nous ne sommes pas l’Amnesty international du journalisme, nous ne voulons pas être dans la réaction mais dans l’action, en portant le combat là où il faut. En France, ce qu’il se passe aujourd’hui au sein des médias contrôlés par Bolloré n’est pas anodin, ça ressemble à ce qu’on a vu dans certains pays de l’Europe de l’Est », insiste le jeune homme.

Thibaut Bruttin est aussi passionné d’histoire du cinéma. Après avoir commencé sa carrière comme chargé de mécénat au Musée du Louvre puis comme responsable de la collecte de fonds à RSF, il quitte l’ONG pour rejoindre une société de production cinématographique, Echo Studio. Mais le militantisme lui manque, le monde du cinéma porte sur des projets à « trop long terme » pour lui, d’où ce retour à RSF, d’abord comme chargé de mission auprès de Christophe Deloire, puis en tant qu’adjoint.

Pour autant, il n’a pas renié son amour pour le cinéma, bien au contraire. Il a déjà signé quatre livres, dont deux consacrés à Michel Audiard. « Dans une société du commentaire comme la nôtre, il y a un intérêt à regarder comment Michel Audiard écrit et comment il a travaillé avec Jean Vautrin. Cela m’a fait réfléchir à ma relation avec Christophe (Deloire), qui m’a fait grandir professionnellement », analyse-t-il.

Parmi ses prochains chantiers à RSF, il veut notamment raconter le quotidien et le destin de celles et ceux qui incarnent le journalisme à travers le monde. « Il y a un virage à prendre : être plus dans le storytelling, raconter l’expérience humaine, sur la longueur, au-delà des datas qu’on publie. » Pour que vive la liberté de la presse.

Parcours

Mai 1987. Naissance.

2010. Master Affaires publiques à Sciences Po.

2010-2014. Chargé de mécénat pour le Musée du Louvre.

2014. Rejoint Reporters sans frontières comme chargé de développement.

2019. Directeur du développement et des partenariats à Echo Studio.

Mars 2021. Nommé adjoint au directeur général de Reporters sans frontières.