Tribune

La responsabilité des médias dans les inégalités qui perdurent entre les hommes et les femmes est énorme. Et ce qu'ils font à l'occasion de la journée internationale des Droits des femmes ce mardi 8 mars n'y change rien.

Le 8 mars, journée internationale des Droits des femmes, est l’occasion pour beaucoup de médias d’information de souligner les inégalités qui perdurent. Mais le 9 mars, tout est oublié. Et surtout, ces médias refusent d’admettre leur part de responsabilité dans ces inégalités. Pourtant, cette responsabilité est énorme. La place que les médias accordent aux femmes et aux hommes, les questions qu’ils posent ou ne posent pas, les sujets qu’ils abordent ou négligent, les mots utilisés pour qualifier ou disqualifier… : ces éléments forment un miroir. Et chacun, chacune d’entre nous va se conformer à ce miroir.

Quelques exemples. Les rubriques sport d’abord. Les hommes occupent plus de 90% de la surface éditoriale consacrée au sport dans les journaux. Conséquences ? Les femmes ne se sentent pas légitimes dans la compétition sportive. Tout le monde trouve normal que le dimanche, papa aille faire du sport avec les copains pendant que maman s’occupe de la maisonnée. Les sportives ne trouvent pas de sponsors, donc elles ne peuvent pas performer, et donc elles ne sont pas médiatisées…

La presse économique ensuite. Dans ces journaux, les rares portraits de femmes évoquent plus la problématique de conciliation entre vie professionnelle et vie privée que les ambitions des femmes, ce qui n’est jamais le cas pour les hommes. Implicitement, les journaux économiques disent aux femmes que leur place est ailleurs.

Inversion de culpabilité

Autre exemple : les médias interrogent plus volontiers la tenue vestimentaire ou le comportement d’une victime de viol que le passé de l’accusé. Ils parlent de «drague lourde» quand il est question de viol. Une inversion de culpabilité qui dissuade les femmes de parler.

Depuis 1995, tous les cinq ans, une grande étude internationale, Le Global Media Monitoring Project (GMMP), dresse un panorama de la place et de l’image des femmes et des hommes dans les médias. Et les résultats évoluent très peu d’une étude à l’autre. En France, les hommes occupent plus de 70% de la surface éditoriale des journaux citant ou interrogeant des personnes. Ces hommes sont le plus souvent décideurs, experts, héros, créateurs. Les femmes sont sous-représentées et ont, le plus souvent, une fonction décorative, un statut de victime ou de témoin anonyme.

De l’affaire DSK, qui a vu dans un premier temps les médias prendre fait et cause pour l’ex-patron du FMI, à la crise sanitaire, qui a vu les médias tendre leurs micros à des «experts» hommes pour dessiner le monde d’après, le «male gaze» (regard masculin sur l’actualité) est vertigineux.

Guerre des sexes

Et ça continue. Lors de la présentation du dernier GMMP, très peu de médias étaient présents. Très peu ont rendu compte de cette étude. Ils étaient trop occupés à offrir le plus possible de visibilité à Emmanuel Todd et son pamphlet antiféministe fait de déni du patriarcat et d’attaques contre des féministes imaginaires.

Accuser les féministes de tous les maux est d’ailleurs une habitude dans les médias mainstream. Elles mèneraient la guerre des sexes. Inversion de culpabilité. Les chiffres qui sortent le 8 mars font état d’agressions sexuelles, de féminicides, d’injustices économiques, d’injustice de santé... «Le féminisme n’a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours», écrivait Benoîte Groult. Il est temps que les médias remettent l’information à l’endroit.

Le livre Journalisme de combat pour l’égalité des sexes. La plume dans la plaie du sexisme, écrit par Isabelle Germain, est paru en mars 2021 chez LNN édition.

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