Tribune

Faire court, jouer sur les sonorités ou encore utiliser des images sont quelques-uns des ingrédients utilisés par les politiques dans leur slogan pour marquer les esprits.

Convaincre des millions de personnes en seulement quelques mots, c’est tout l’art du slogan politique. En cette période électorale, tous les candidats s’adonnent à l’exercice, chacun maniant à sa façon cet instrument de conviction au moins aussi ancien que la démocratie athénienne. Mais pour réussir à frapper les esprits, mieux vaut respecter certaines règles.

1. Faites court

Beaucoup de slogans politiques ne dépassent pas les trois mots. Les dernières élections américaines ont vu s’affronter le «Build Back Better» (Reconstruire, en mieux) de Joe Biden et le «Keep America Great» (Préserver la grandeur de l’Amérique) de Donald Trump. À l’échelle locale, les socialistes espagnols ont fait campagne pour la mairie de Madrid en 2021 avec ce slogan : «Hazlo por Madrid» (Fais-le pour Madrid). En France, aux élections municipales de 2020, Anne Hidalgo promettait : «Paris en commun».

Les slogans d’un seul mot ne sont pas rares. Le parti au pouvoir au Québec, la CAQ, a remporté les législatives de 2018 avec ce mot : «Maintenant». François Fillon a gagné la primaire de 2016 avec un verbe : «Faire». Quant à Barack Obama, il a été réélu en 2012 en lançant : «Forward !» (En avant).

La concision a une double utilité. D’abord, les slogans sont plus facilement retenus. Ensuite, faire court est une preuve d’efficacité : si l’on fait tenir une pensée en peu de mots, c’est que l’on est capable de résoudre la complexité.

2. Jouez avec le rythme et les sonorités

En 1952, Eisenhower remporte l’élection présidentielle avec le célèbre «I like Ike» (J’aime Ike), qui repose sur l’assonance entre trois mots d’une seule syllabe. Slogan au son étrange, entre le bégaiement et le cri d’oiseau, inoubliable. Rien d’étonnant si, au moment de voter, plutôt que de cocher la case «Eisenhower» du bulletin, certains électeurs vont jusqu’à écrire son surnom, «Ike», dans la case vierge prévue à cet effet (la pratique du write-in candidate). C'est la preuve que la musicalité d’un slogan peut participer à l’émergence d’un candidat, et à sa victoire.

On peut aussi penser de nouveau au «Build Back Better» de Joe Biden. Il associe rythme ternaire et allitération en B, produisant un effet de martèlement destiné à imprimer les mémoires.

3. Chantez !

Bien qu’ayant exercé le mandat le plus court de l’histoire des États-Unis, William Henry Harrison, neuvième président américain, est resté dans l’histoire pour sa campagne, la première à massivement utiliser une chanson. Tippecanoe and Tyler Too - c’est son titre - fait référence à la bataille de Tippecanoe, dont Harrison a été un héros, et à John Tyler, son co-listier. Le texte satirique encourage tout un chacun à le reprendre, et à y ajouter ses propres paroles. Empruntant sa mélodie à un air populaire, la chanson connaît un tel succès qu’elle est ensuite reprise comme slogan de campagne. Harrison est élu avec 80% des voix.

Autres temps, même mécanique, quand, en 2017, le président du Venezuela, Nicolas Maduro, détourne le tube de l’été Despacito pour porter son programme politique. La reprise est critiquée par les auteurs de la chanson, mais permet à Nicolas Maduro de s’inscrire dans la culture populaire et de frapper les esprits. Il est finalement réélu.

4. Adressez-vous directement à votre public

Beaucoup de slogans de campagne sont écrits à l’impératif pour pousser à l’action. On l’a vu plus haut, en 2021, les socialistes espagnols enjoignaient : «Fais-le pour Madrid». En 1948, les démocrates-chrétiens italiens s’adressaient au peuple en personnifiant la République, lui faisant dire : «Difendetemi !» (Défendez-moi).

En 2016, Hillary Clinton capte son auditoire avec un slogan à la première personne, «I’m with her» (Je suis avec elle), qui semble donner la parole à ses partisans et les impliquer à ses côtés dans la campagne. C’est le même effet fédérateur que devait viser Emmanuel Macron quand, aux dernières élections, il a fait évoluer son slogan en pleine campagne : «Avec vous» est devenu «Nous tous».

5. Utilisez des images

En 1944, Franklin Roosevelt, seul président américain à avoir été élu plus de deux fois, vise un quatrième mandat. Son argument auprès des électeurs : l’importance d’une continuité politique alors que la guerre n’est pas terminée. Plutôt qu’un langage conceptuel, son slogan utilise une métaphore populaire : «Don’t change horses in midstream» (Ne changez pas de cheval au milieu du gué). C'est une façon de toucher les esprits de manière sensible au lieu de s’adresser seulement à la raison, qui permet à Roosevelt d’être réélu.

À Vienne, lors des élections municipales de 2015, le parti écologiste promettait plus de justice sociale en scandant : «Bye Bye Miethai». Un Miethai est littéralement un «requin des loyers», c’est-à-dire un propriétaire véreux, un marchand de sommeil. Les affiches accompagnant le slogan utilisaient la photo d’un sanguinaire requin blanc, redoublant l’effet de peur et de dérision suscité par la comparaison-caricature.

Toucher la corde sensible du public, c’est aussi ce que de Gaulle fait en 1965 quand il doit, pour la première fois, se faire élire au suffrage universel et donc faire campagne. Sur des affiches devenues célèbres, il représente la Ve République sous les traits d’une fillette qui supplie : «j’ai sept ans, laissez-moi grandir». Cette image provoque de l’empathie et positionne De Gaulle en protecteur de la République fragile.

6. Et si vous n’avez toujours pas d’idées… recyclez !

Pour créer votre propre slogan, n’ayez pas peur de vous inspirer du passé voire de le copier. Avant d’arriver dans la bouche (et sur la casquette) de Donald Trump, «Make America Great Again» a été créé par Reagan en 1980, puis repris en 1992 par Clinton. Le slogan culte de Hoover, «A chicken in every pot and a car in every garage» (Un poulet dans chaque marmite, une voiture dans chaque garage), qui a eu une telle résonnance en 1928, en pleine Grande Dépression, s’inspire d’une formule… du roi français Henri IV, qui annonçait : «je ferai qu'il n'y aura point de laboureur en mon royaume qui n'ait une poule dans son pot». La version américaine de la formule est aujourd’hui un dicton populaire aux États-Unis.

À vous maintenant de reprendre ces règles, de les tester, de vous les approprier… Pour faire vos débuts en politique !

Merci aux membres de l’équipe JoosNabhan : Annaëlle Ber, Victoria Pullen, Anatole Tomczak, ainsi que Buster Burk, Julian Cabedo, Florian Langhammer, Giuliano Tedesco, Martin Witt.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.