Droits voisins

Le géant Google a accepté de souscrire à des engagements qui l’amèneront à négocier avec tous les éditeurs et agences de presse. Exposé de la méthode.

L’expression est de Benoît Cœuré, le président de l’Autorité de la concurrence : « On a fait la preuve qu’on savait manier la carotte et le bâton ». Moins d'un an après une sanction qui avait abouti à une amende record de 500 millions d’euros, assortie d’astreintes, pour non-respect des injonctions à négocier de bonne foi des accords de droits voisins avec les éditeurs de médias, Google s’est engagé à respecter un cadre de négociations stable et « équitable » défini avec l’institution. Des engagements soumis en novembre dernier à un test de marché qui a abouti à une offre finale améliorée en mai. Le géant est désormais tenu par le résultat de tout arbitrage qui le concerne, il doit communiquer ses revenus directs et indirects et il ne fait pas appel de la décision le condamnant à l’amende de 500 millions d’euros.

Extension

Pour ce qui est des engagements, il s’agit d’abord d’une extension à tous les éditeurs et agences de presse et pas seulement à ceux de l’information politique et générale (IPG). Un « alignement par le haut » est possible pour les éditeurs et agences qui ont déjà signé un accord. Enfin, les négociations, qui obéissent à des critères transparents et non discriminatoires, doivent être menées de façon distincte du service Showcase du géant. « Google ne peut pas noyer ses négociations dans une offre générale », résume Benoît Cœuré.

Mais c’est surtout sur la méthode que le président de l’Autorité espère inspirer ses homologues en Europe, convaincu que la France « est le pays du monde où Google a le plus concédé ». Le géant s’engage à transmettre des informations permettant une évaluation de ses revenus publicitaires directs et indirects. Les droits « liés à l’attractivité de l’écosystème » pourront ainsi être appréhendés quand une recherche sur l’Ukraine, par exemple, aboutit à un article puis à passer du temps sur la plateforme.  Un « socle d’informations minimales » mis à jour tous les ans devra être transmis dans un délai de 10 à 15 jours (nombre d’impressions, taux de clics, données sur les revenus) mais des infos complémentaires pourront être demandées sous le contrôle d’un mandataire indépendant payé par Google. Sa décision s’imposera et il pourra recruter des experts (en data, pub digitale…) si on lui oppose une impossibilité technique.  

Procédure de sanction

L’Autorité se félicite que Google ait accepté de partager avec le mandataire des données sensibles sur Search ads ou Display ads. Il s’engage aussi à ce que les négociations n’affectent pas l’indexation et la publication des contenus ni les autres relations économiques avec les éditeurs de presse. « Si Google essaye de peser sur une négociation commerciale, cela peut entraîner une procédure de sanction », prévient Benoît Cœuré.

Dans les trois mois suivant le début de la négociation, le géant devra faire une proposition de rémunération. En cas de blocage, un tribunal arbitral devra trancher sur le montant, et Google devra s’y conformer. Rien n’interdit, comme en Australie, de mettre cette approche dans la loi. Quant à savoir si le mandataire sera bien en mesure d’avoir accès à toutes les informations nécessaires, ça reste toute la question : « Je suis plus inquiet sur les compétences que sur l'indépendance », reconnaît Benoît Cœuré.

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