En sept ans de proximité avec le pouvoir, le tout jeune mais déjà expérimenté Gabriel Attal est devenu à 34 ans le plus jeune Premier ministre de la Ve République. Une accession fulgurante qu’il doit beaucoup à sa stratégie de communicaIon bien ficelée.

Gabriel Attal n’aura été un «simple député de la majorité» que très peu de temps car dès le début de l’année 2018, soit moins d’un an après son arrivée au Palais Bourbon avec La République en Marche, Emmanuel Macron lui confie le porte-parolat du mouvement. Le risque ? Qu’il reste dans une posture de politicien fade et dépassée, notamment cultivée par son passé de jeune militant issu d’un appareil politique.

Un poste politiquement judicieux, formateur et exposé seulement si l’on sait le manier avec justesse. C’est ce qu’il parvient à faire : le début de l’ère Attal commence par la culture de l’image d’un jeune homme qui parle vrai et qui parle franc. Des mots simples, une attitude accessible et proche des Français, bien éloignée de ce qu’il aurait pu représenter par son parcours et son origine socioculturelle.

En quelques mois, il entre au gouvernement pour représenter la jeunesse et défendre notamment le Service national universel (SNU). Un chantier complexe mais qu’il parvient à mobiliser grâce à une omniprésence médiatique que plusieurs de ses compères lui envient. Il devient le plus jeune secrétaire d’État sous la Ve République mais surtout le plus exposé. Sa signature émerge alors progressivement : une hyper accessibilité avec la presse et un travail de réseau en sous-marin bien rôdé. Ce pari payera plus tard.

Cultiver la presse est un atout mais c’est une stratégie caduque si on ne parvient pas à modeler son image notamment par les réseaux sociaux. Gabriel Attal et son conseiller en communicaIon Louis Jublin usent de la digitalisation de l’information pour se rapprocher de la cible du secrétaire d’État, les jeunes. Des «posez-moi vos questions» sur Instagram et TikTok à la participation à des émissions sur Twitch et YouTube, Gabriel Attal n’hésite pas à partager son quotidien pour montrer qu’il travaille et qu’il le fait dans la rigueur et la simplicité.

Opération délissage

Depuis le second quinquennat d’Emmanuel Macron, Gabriel Attal s’approprie des sujets très politiques qu’il cultive notamment par son poste très crucial et convoité qu’est le Budget. Le tournant est pris, il ne fait plus que de relayer les mesures comme il a pu le faire en tant que porte-parole du gouvernement ou pour le SNU, mais il prend position et corne enfin son image.

À son arrivée à la tête de l’Éducation nationale, les Français prennent conscience de tout le parcours effectué en découvrant une personnalité politique forte qui prend des positions osées mais populaires. Les sondages le montrent, c’est encore un pari gagnant. Il dit, il fait et il fait savoir. Cette communication performative détonne et est ponctuée par des passages médiatiques où il se dévoile, comme dans l’émission Sept à Huit sur TF1, où il parle du harcèlement qu’il a subi alors enfant, ou encore de son homosexualité.

Des premiers instants toujours révélateurs

Alors que sa nomination à Matignon a été préparée dans une discrétion perfectible et qu’il est attendu pour la passation de pouvoir avec Élisabeth Borne, Gabriel Attal tient à terminer une visioconférence avec plus de 14 000 proviseurs et principaux. Ce souci de remplir sa mission avec sérieux pour entretenir son identité de travailleur rigoureux montre que sa quête de légitimité n’est pas terminée.

L’image est forte et circule sur les chaines d’information en continu et sur les réseaux sociaux. Un ministre de l’ÉducaIon nationale en exercice qui s’apprête à devenir le plus jeune Premier ministre de la Ve République ne veut pas donner l’impression d’un homme politique quittant le navire.

Dans la foulée de son discours parsemé d’éléments de langage basés sur la reconnaissance envers ses pairs, il tient à se rendre immédiatement dans le Pas-de-Calais pour venir en soutien aux victimes des récentes inondations et tenter de camoufler les difficultés de l’État à répondre aux risques et aux crises. Un premier déplacement dans l’action pour faire corréler ce qu’il dit et ce qu’il fait. Une nouvelle quête de proximité qui acte la rupture avec sa prédécesseure.

Ces premiers heures nous ont montré que la méthode Attal allait continuer à être ponctuée par une communication de l’image et de l’action mais elle va devoir être étoffée. Le fond doit se construire et se baser sur une capacité à rassembler, à décider et à imposer. Force est de constater que le premier combat du remaniement a été perdu au profit des cadors du gouvernement et anciens loups de mer de la politique.

Désormais plus jeune Premier ministre de la Ve République, l’apparatchik devenu monstre politique populaire et apprécié humainement à droite comme à gauche va devoir désormais montrer qu’il peut se faire respecter au Parlement. Une mission bien plus périlleuse.

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