Chronique

[Chronique] Disruptions de business models, hybridation des usages et des parcours, hyper-volatilité de consommateurs zappeurs... Au gré des révolutions technologiques successives, le temps s’est contracté. Pour tous. Dans tous les secteurs. Pour rester dans la course, il faut aller vite.

Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans de métier en retail design ne peuvent pas connaître. Un temps où l’on avait un an pour développer un concept. Esquisse. Pré-projet. Projet. Puis un an – voire deux – pour le tester et le valider. Et enfin plusieurs années pour le déployer sur tous les magasins, à grand renforts de copieuses chartes. Au total s’étaient ainsi écoulés trois à cinq ans entre le brief et le déploiement à l’ensemble du réseau. Les projets étaient mitonnés. Lentement, à petit feu. On les laissait parfois reposer. Souvent on en rectifiait les ingrédients jusqu’à obtenir la recette parfaite et immuable pour les années à venir.

Et puis, insidieusement, au gré des révolutions technologiques successives, le temps s’est contracté. Pour tous. Dans tous les secteurs. Accélération des process industriels. Disruptions de business models. Hybridation des usages et des parcours. Hyper-volatilité de consommateurs zappeurs. Baisse du pouvoir d’achat. Urgence climatique. Pour les marques-lieux en charge d’inventer dans ce contexte les nouvelles conditions de la rencontre «in real life» avec leurs publics, il est dorénavant urgent, pour rester dans la course, d’aller vite, très vite.

Alors on POC. On poquait déjà depuis de longues années dans les secteurs du digital et du service. On poque dorénavant aussi en retail design. Un POC (pour Proof of Concept), phase d’expérimentation permettant de démontrer la performance d’un concept, est devenu en quelques années une étape incontournable pour la validation rapide et sans risque d'un projet d’expérience client en magasin. Une étape sous forme de test grandeur nature qui permet, avant un déploiement à grande échelle, de «faire la preuve» du concept, de démontrer son efficacité et sa pertinence pour ses utilisateurs. De gagner du temps et donc de l’argent. Ce nouveau paradigme nous a imposé à nous, designers d’expériences, de revoir en profondeur notre approche en termes de conception, et il faut bien le dire, en grande partie pour le mieux.

Un accélérateur de collaboration

Pour le mieux tout d’abord parce qu’il s’agit d’un process qui permet de tester l’idée, la fonction et l’ergonomie avant de mettre au point définitivement le style et l’esthétique. De placer l’usage et la performance comme critères de validation très en amont de la conception. De valider le fond avant la forme. Pour le mieux aussi parce qu’il s’agit d’un process flexible et très «couteau suisse». On peut ainsi choisir de poquer en magasin, dans les conditions du réel, pour vérifier l’efficacité d’une signalétique ou valider l’ergonomie de vente d’un mobilier. Mais on peut a contrario préférer poquer à l’abri des regards, le plus souvent dans un hangar, par exemple pour tester l’impact du réaménagement d’un rayon d’hypermarché, mesurer l’efficacité d’un nouveau comptoir de restauration rapide ou la performance d’un nouveau dispositif d’enseignes. Pas de limite et des possibilités infinies. Pour le mieux enfin parce que le POC est un mode de travail actif entre l’agence et son client. Autour du POC ensemble on dessine, on ajuste, on mesure, on adapte. Autour du POC on accélère aussi la montée en connaissance des contraintes des uns et des autres, on apprend à communiquer bien et vite. Le POC est aussi un accélérateur de collaboration.

Évidemment le POC n’est pas exempt de quelques pièges qu’il faut savoir déjouer… Aller vite n’est pas bâcler. Le process induit par le POC ne doit pas sacrifier le nécessaire temps de la recherche indispensable à l’approche design. Pour aller loin et vite il faut sacraliser le temps de la recherche créative. Cela est non négociable. Aller vite n’est pas décider seul. Le POC doit au contraire être le moment privilégié de la décision collective, de l’implication de tous les métiers en simultané pour une adhésion au projet pleine et partagée. Aller vite enfin n’est pas aller au plus simple. Le process de design doit rester un process de recherche de singularité. Le POC est l’occasion rêvée pour l’audace, la rupture, l’innovation. C’est un laboratoire vivant qui ne doit pas être détourné de sa fonction première de booster de créativité.

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