Le billet vert de Gildas Bonnel

[Chronique] Qu'il est tentant au quotidien de procastiner, de faire des arbitrages malicieux que l'on sait pas forcément bon pour la planète mais que l'on fait quand même. Il manque la récompense de l'effort, qui permettrait à chacun d'avoir la certitude de participer à la solution.

À l’heure où tout le monde (ou presque !) sait qu’il nous faut, collectivement, changer nos comportements, transitionner, nous faisons tous, tous les jours, l’expérience individuelle de la procrastination, des petits renoncements, des arbitrages intimes et malicieux qui nous font finalement préférer une entrecôte sur la carte car : « c’est bon, à la fin, ça va me faire du bien et puis ce bœuf il est déjà mort ;-) » ou partir en avion pour une semaine d’été en plein hiver parce que « là, je sais c’est pas bien mais j’en ai VRAIMENT besoin ... ». On connaît la chanson, on se berce avec tous les jours. Il faut dire que ces tous ces efforts sont bien peu gratifiés. Voire même, de plus en plus souvent considérés comme des positions dérangeantes, radicales qu’il est tentant d’ostraciser. « Tu fais suer à ne pas manger de viande, c’est galère quand tu viens dîner ! »…

Car elle est essentielle, la récompense de l’effort. La conviction que son geste compte, la certitude de participer à la solution. Quand nous sommes si nombreux à avoir pris conscience des enjeux de la crise environnementale et climatique, le changement personnel attendu ou supposé nous poursuit dans notre quotidien. Qui ne se pose pas aujourd’hui la question de sa place dans le mouvement du monde ? Nous sommes des mammifères connectés, toutes nos antennes perçoivent le danger de l’inaction. L’inaction collective, l’inaction individuelle. Ce qui nous met à cran est certainement ce décalage entre ce que l’on sait et ce que l’on fait... L’Énergie de l’action fait partie des grandes réponses à l’éco-anxiété, qu’un nombre croissant de personnes déclarent ressentir. C’est Jane Goodall qui la cite comme l’une des raisons majeures de garder espoir. Primatologue, aux premières loges de l’effondrement de la biodiversité des espèces sauvages depuis des décennies, la dame ne manque pourtant pas de raisons de désespérer. 

Question de ressenti

Alors comment nourrir notre volonté d’agir ? Nous récompenser de l’effort ? J’ai pour ma part un repère un peu basique : le don de sang. Quand on s’organise pour arriver à le faire, là, par magie, on ressent absolument que l’on fait bien. C’est un shoot de fierté, un moment de petite gloire personnelle qui ne dure que quelques instants, mais c’est immédiat et probant, incontestable physiquement. Existe-t-il la même chose pour nos gestes écologiques ? Quand nous agissons pour les équilibres planétaires, ressentons-nous, intimement, le bien que nous faisons ? Pensons-nous assez à qui cela fera du bien, quand nous prenons un train au lieu d’un avion, quand nous achetons plus local, baissons le chauffage ou encore partons en vacances plus près, pour cette fois ?... Personnellement, ça m’est plus spontané avec le don de sang. Je ne me dis jamais : « je vais donner mon voyage en avion, mon steak tartare, mon week-end à Madrid, pour sauver des vies ». Pas encore. Alors que, soyons clair : ça peut en sauver (sauf à nier les sécheresses, les canicules, la chute des rendements agricoles, etc.). Ça peut aider les jeunes générations à décider de devenir parents, eux aussi, en leur donnant foi en l’avenir. Et leur permettre de goûter, à leur tour, aux voyages lointains, aux produits d’élevage, aux commodités du plastique et du chauffage dans leur vie. 

Parler, écrire, débattre, participent aussi d’une manière d’agir, contrairement à ce que l’on pense parfois, et ce n’est pas neutre pour les communicants que nous sommes. Casser le silence, prendre la parole, faire entendre sa voix sont des actes d’engagement qui peuvent briser des tabous, ouvrir des consciences, changer par réaction en chaîne des quantités d’autres comportements. On connaît le pouvoir des mots, tellement puissant, quand il s’agit d’ « idées dont le temps est venu ». Et si nous goûtions le plaisir de notre propre volonté à accompagner le changement, le nôtre, celui de nos clients, celui de toutes celles et tous ceux à qui nous parlons tous les jours ? Dégustons !

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