Chronique
J’ai tant de choses à vous dire. Je suis heureux de vous retrouver. Mobilis immobile, tout s’est étonnamment accéléré alors que nous étions enfermés.

StopCovid mérite un roman. Comment arriver aussi tard et péniblement ? En plein et en creux, c’est l’histoire douloureuse de notre rapport aux technologies et je cite The Economist : « le respect des données personnelles est devenu la religion officieuse de l’Union Européenne », doctrinaire, avec ses saints et ses anathèmes. Si on a pris l’affreuse habitude de légiférer dans l’urgence et de ne pas progresser entre deux situations critiques (attentats ou Covid), il est d’autant plus nécessaire de maintenir ce sujet au même niveau de priorité et de créer un consensus public éclairé et partagé par les acteurs en capacité et en responsabilité. Parce qu’on en aura entendu des bêtises et des contre-vérités : comment en arriver au point où on accepte que nos enfants donnent leur âme numérique à TikTok, les célibataires leur localisation à Tinder pour refuser – avec de bonnes raisons – de partager les siennes dans la pire des épidémies connue en cinq générations ? Cela mérite bien un roman, et un Grenelle ou un Ségur.



Je dois aussi vous parler des Gafa. Pendant cette crise, ils sont pour ainsi dire les seuls gagnants, ils ont écrasé non pas leur concurrence (on sait qu’elle n’existe pas !) mais toute l’économie. Ils sont l’économie désormais. D’ailleurs, Microsoft, qui ne donne pourtant pas son initiale à cet hydre à cinq têtes, vaut depuis le Covid, à elle-seule, presque l’intégralité de toutes nos entreprises du CAC40. Et ces Gafam pourraient payer avec leur seule trésorerie disponible les 500 milliards du plan de relance européen. Quel décrochage… Vous rendez-vous compte ?

Il serait temps de réagir, et pour une auto-promotion à propos je vous signale qu’avec Fabernovel nous avons enfin publié notre bible Gafanomics. Vous y apprendrez à maîtriser les sept super-pouvoirs de ces géants, à les utiliser pour faire mieux que survivre.

Mais, doté de seulement 4000 caractères pour commenter cette époque épique, je dois passer au plat de résistance, sans abandonner nos Gafa puisqu’ils sont partout.



La mère de toute les causes et des industries doit rester la Culture.L’Europe vient de sauver l’Automobile et en a fait sa priorité. L’Allemagne, forte, riche et généreuse, sortie victorieuse sur tous les plans de cette crise comme les Gafa, a gagné cet arbitrage. Je suis très inquiet : notre exception à nous, notre soft power déclinant (tellement marre de n’entendre parler que de la Nouvelle Vague pour encenser notre créativité) sont à risque et ça mériterait un plan à la hauteur de celui qu’on réserve aux bagnoles, et tant mieux si elles sont électriques et si on ne désespère ni Boulogne-Billancourt ni Flins ni Wolfsburg. 

Dans la torpeur du confinement, j’ai proposé naïvement de vendre La Joconde, d’abord sur Facebook, puis sur Usbek & Rica. On en a parlé dans le monde entier, de la perfide Albion qui aimerait nous voir perdre nos bijoux de famille à la Chine qui en a fait des stories kikoulol et des millions de vues, de Cyril Hanounaau Corriere della Sera. Fox News a obligé le Louvre à commenter. L’idée : il nous faut un plan, un électrochoc et les moyens de maintenir notre modèle et son exception, idéalement de l’amplifier. Au moment où Etats-Unis et Chine se partagent le monde – dont l’Europe, alors que nous cherchons où sont nos masques, nos données personnelles et qui nous achètera nos voitures. 

Obtenir les moyens et le temps de négocier aussi. Et c’est là que je reviens à la tech et aux Gafa. Tout y mène. Ce confinement a démontré avec la réussite de Netflix et le lancement de Disney+, le rôle d’Amazon quand les commerces sont fermés, celui de Google et d’Apple quand on veut lancer une application de suivi de la population en situation de pandémie, que la messe des usages était dite. Toutefois, la répartition des flux est plus que discutable. Alors, c’est une grande discussion à avoir au plan européen pour un nouveau traité de Rome ou même un Yalta. Ne nous accrochons pas seulement à La Joconde et à la Nouvelle Vague, ayons des ambitions pour nos industries culturelles au moins autant que pour nos voitures après la crise : qu’à la fin du mal, on paie aussi les musiciens.

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