Tribune
Les entreprises ne peuvent plus aujourd'hui mener leurs activités décorrélées des grands mouvements sociétaux et environnementaux. Elles doivent écouter la société, prendre part aux débats qui les concernent et s'investir.

Maîtrise du sens, l’influence a de beaux jours devant elle. Jamais, en effet, l’humanité n’a été à un tel croisement d’incertitudes. D’un côté, les progrès technologiques et scientifiques ouvrent des horizons vertigineux. De l’autre, ces contraintes en forme de défis planétaires qui nous assujettissent au réel : environnement, changement climatique, démographie, choc des cultures. En tous domaines, les directions à prendre et les choix à faire sont l’objet d’âpres débats, générant de nouveaux clivages. Et c’est là un euphémisme.

Tous les secteurs sont impactés par ces enjeux. Quelle agriculture demain ? Quelle industrie ? Où investir ? Quel système de santé ? Quels modèles de distribution ? Quelles transformations stratégiques opérer ? Quelles mobilités ? Quelles énergies ? Quelles villes bâtir ? Etc. Ces questions, qui résonnent dans toute la société, ne sont plus l’affaire de quelques-uns : elles nous interpellent collectivement et individuellement, elles mobilisent nos consciences citoyennes, nos valeurs de consommateurs et de parents, nos aspirations d’êtres humains. Et celles-ci dictent nos choix et nos actions, que nous portons désormais en étendard.

Dans un tel contexte, qu’est-ce que l’influence ? Ce n’est plus le secret : vivre (et agir) caché pour vivre heureux. Ce n’est plus le « réseau » contre la vulgate. Ce n’est plus l’intérêt particulier contre l’intérêt général. Ce n’est plus la fable contre le réel… Une certaine idée de l’influence est morte, et nous devons nous en féliciter. C’est cette toile de fond cependant, persistante dans les esprits (et dans certaines pratiques), qui explique pourquoi les entreprises peinent tant à gagner en crédibilité, en dépit des dispositions notables qu’elles ont pu engager sur le terrain de leur responsabilité sociale.

Mais ce n’est pas seulement une question de crédibilité qui est ici en jeu. La société change en profondeur, elle est traversée par de nouveaux courants. Et cette réalité mouvante complexifie les choix stratégiques des entreprises pour lesquelles il est difficile de tracer l’avenir, de structurer leurs offres et leurs transformations. L’influence n’est plus seulement descendante, elle est aussi ascendante : c’est un tourbillon de forces. A tel point qu’une entreprise peut parfois compter sur la fidélité de ses consommateurs et cependant voir monter des mouvements de société qui la bousculent et finiront par fragiliser ce lien de confiance. On ne peut donc pas les ignorer : l’influence, c’est aussi la révélation de tendances fortes qui n’ont pas encore été formulées en attentes institutionnalisées.

« Tout comprendre, c’est tout confondre », a dit un jour l’écrivain viennois Joseph Roth. Aujourd’hui, la perception de la performance et de la valeur d’une entreprise ne dissocie plus son offre et l’appréhension qu’elle a des impacts sociaux, environnementaux, sanitaires, culturels, de son activité. La convergence des enjeux sociétaux est une réalité. Les valeurs deviennent créatrices de valeur… C’est pourquoi la confluence est avant tout intelligence avec la société : écoute, analyse et compréhension de ses mouvements, maîtrise du temps (y compris celui de la décision), réinvention de ses contributions positives.

Les entreprises n’ont plus le choix, et c’est une opportunité : elles doivent asseoir leur crédibilité sociétale, nourrir le dialogue, s’inscrire dans les débats qui les concernent, porter des réflexions prospectives, être forces de propositions, engager des actions durables sur les terrains où elles se mobilisent… Pour mener à bien leurs activités, indissociables de combats et d’engagements plus larges qu’elles apprennent à s’approprier, nos entreprises doivent désormais légitimer et animer leurs raisons d’agir dans la société.

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