politique
56% des Français sont favorables à un renforcement des pouvoirs nationaux

Et si Nicolas Sarkozy, avec ses ultimatums à l'Union européenne, avait surtout voulu coller aux attentes de l'opinion? De fait, la menace d'une application unilatérale d'un «Buy European Act», qui consiste à imposer dans les marchés publics des produits fabriqués en Europe – comme le font les Etats-Unis –, et le spectre d'une suspension de la participation de la France à l'espace Schengen en cas de contrôle insuffisant des flux migratoires aux frontières européennes, vise à fortifier le candidat dans sa capacité à tenir l'agenda médiatique... des sondages.

En l'occurrence, le chef de l'Etat n'ignorait sans doute pas le week-end dernier à Villepinte le sondage Ipsos Logica-Business Consulting réalisé pour Le Monde du 10 mars et qui montre que «56% de Français souhaitent renforcer les pouvoir nationaux face à Bruxelles». Ou, comme l'explique l'éditorialiste du journal, que «l'école souverainiste est aujourd'hui majoritaire dans l'opinion».
Faut-il le regretter, en constatant comme Le Monde que la crise de l'euro vient aussi d'un pouvoir accru des Etats qui ont décidé de s'affranchir des règles communes de stabilité du déficit budgétaire? Ou, comme Nicolas Sarkozy, surfer dans le creux d'une vague de «repli sur soi» dont témoigne le sondage Ipsos qui atteste qu'une majorité souhaite une consolidation des pouvoirs nationaux et que seule une minorité (38%) estime qu'il faut renforcer les pouvoirs de décision de l'Europe (les tenants de pouvoirs nationaux accrus au détriment de l'Europe étant d'ailleurs plus nombreux qu'en décembre 2011).

Résultat, ils sont quand même 35% (notamment parmi les sympathisants du FN et chez les souverainistes) à déclarer que leur principale attente à l'égard du prochain président de la République en matière de politique européenne est qu'il défende l'indépendance nationale.

Au risque de perturber les négociations de la France à Bruxelles au sujet de Schengen, Nicolas Sarkozy a donc décidé de parler de l'Europe mais à sa façon, très nationale. Il fait montre, là encore, d'une bonne connaissance des attentes de ses compatriotes dans leur majorité.

Les Français, en effet, n'expriment pas de rejet massif de l'Union européenne (lire ci-dessous). Selon un sondage BVA du 12 mars pour 20 Minutes, ils sont d'ailleurs les moins nombreux de l'Union à souhaiter un abandon de l'Euro (18%). Ils veulent donc bien de l'Europe mais à condition que la France y joue un rôle prépondérant. 84% estiment ainsi que la France occupe une place importante dans les décisions prises au niveau européen et une majorité d'entre eux estime cela tout à fait justifié.

Pourtant, en dépit de l'activisme de Nicolas Sarkozy aux côtés d'Angela Merkel au plus fort de la crise de l'euro, ils ne sont que 25% à considérer que le rôle de la France est «très important», 23% jugeant même ce rôle moins important que celui qu'il devrait être.

Le chef de l'Etat semble ainsi tenir compte de l'évolution de la perception européenne. Dans un contexte de crise et d'austérité, «les Français ont tendance à se replier sur les finalités historiques de l'Union européenne, comme la paix, mais ne croient plus vraiment au rayonnement ou au rôle moteur de l'Europe dans le monde», souligne Christelle Craplet, directrice d'études d'Ipsos Public Affairs. Priment les mesures en faveur de l'environnement et du climat (54%), de la croissance économique (66%) et surtout du maintien de la paix en Europe (77%). Plutôt que l'intégration européenne.

 

Parole d'expert

 

Christelle Craplet, directrice d'études (Pôle Opinion) d'Ipsos Public Affairs

 

«Un renforcement des pouvoirs»

 

«En cette période de forte inquiétude à l'égard de l'Union européenne, ils sont nombreux à demander un renforcement des pouvoirs de décision de la France même s'ils doivent conduire à limiter ceux de l'Europe. Ce sont aussi des résultats très ambivalents: les Français sont à la fois critiques et attachés à l'Europe. Ils sont loin d'être indifférents à la question européenne mais l'euroscepticisme est en hausse depuis dix ans. Ils sont plutôt partisans d'un président de l'Union mais ne veulent pas être noyés dans la masse. Ils veulent que la France soit représentée à son juste poids et, pour certains, cela passe par un appel à plus d'indépendance nationale.»

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