Tribune
Delphine Pinel, directrice associée d'Angie rappelle que les rapports annuels, qu'on croyait en fin de vie avec l'avènement du web, ont encore de beaux jours devant eux... S'ils sont bien réalisés.

La saison des compétitions pour les rapports annuels débute… A cette évocation nombre d’entre nous/vous sont pris d’un certain découragement. Côté annonceurs: le défilé des agences qui vont recycler le même fond de sauce, le bras de fer avec les achats, et la perspective d’une production toujours sous tension. Côté agences: le défilé des cahier des charges copiés-­collés de l’an dernier, des conditions de sélection parfois opaques, et la perspective d’une production toujours sous tension (balle au centre…). STOP.

 

Regardons l’affaire sous un jour moins déprimant. Ce média qu’est le rapport annuel imprimé fait de la résistance. Les Cassandre qui annonçaient son engloutissement par la vague digitale se sont trompés. C’est donc que les entreprises «en ont pour leur argent», pour leur temps, pour leur stress…

 

Car c’est l’inverse qui s’est passé: dans un monde de plus en plus gazeux-liquide-fluctuant, dans un monde de l’immédiat et de l’infini, dans un monde du temps réel, le rapport annuel répond aux besoins toujours vitaux, de points de repères, de médiation, de «finitude», de mise en perspective et de prise de recul. Mieux, quand il est bien fait, le rapport annuel est l’un des seuls «moments» de communication qui rassemble des interlocuteurs habituellement éloignés, voire opposés: salariés (souvent cible principale!), actionnaires, clients et associations.

 

Quand il est bien fait… La réserve n’est pas mineure. La routine guette toujours ce bel et vieil outil. Alors, c’est quoi un rapport annuel réussi en 2015 ? Pas de recettes bien sûr, mais trois pistes qui peuvent nous guider.

 

«Parle-moi de tes progrès.» Les lecteurs ont un esprit critique. Ils comprennent que le rapport annuel est un moment de valorisation de soi, mais ils ne supportent plus l’autocélébration emphatique. Dire qu’on a évolué, corrigé, ajusté le tir, et qu’on va encore progresser…, c’est évidemment dire en creux que tout n’est pas parfait, mais c’est infiniment plus intéressant, plus crédible. Et plus vrai.

 

«Regarde dans le rétro, regarde dans le viseur.» Nous sommes en mai-­juin, un document paraît qui me parle de l’année précédente… dans un monde en prise à la dictature du temps réel, c’est le risque de paraître périmé à la naissance. Alors prenons un autre risque: celui de situer le rapport annuel comme une passerelle entre deux exercices, celui de se projeter, de raconter le projet autant que les acquis.

 

«Parle-moi de toi, vraiment.» C’est paradoxalement le plus difficile. Beaucoup de rapports fonctionnent comme dans l'allégorie de la caverne de Platon: on fait bouger des ombres et des images, mais la réalité nous échappe. Or, que veulent les lecteurs? D’abord saisir vite et bien le modèle de développement actuel et à venir. Les Anglo-­Saxons et les Nordiques savent «ramasser» cela en un schéma bien senti… Inspirons nous de leur concision. Ensuite percevoir la singularité de l’entreprise, un peu de son âme, un peu de son style. Mais pour nous, agences, cela suppose de travailler à partir d’une plateforme de marque.

Trois pistes qui n’épuisent pas le sujet mais, surtout, qui supposent de cheminer ensemble, annonceur et agence, pour défricher et cultiver les territoires qu’elles ouvrent. Très belle saison à tous.

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