Art
Le réalisateur Bruno Aveillan est l'un de ceux qui ont intronisé les maisons de luxe dans le grand bain de la publicité. Si aujourd’hui elles marquent encore les esprits, c'est grâce à l'émotion qu'il transmet dans ses films. Rencontre avec l'auteur de certaines des plus grandes pubs du 21e siècle.

Assis près de la cheminée du salon Proust au Ritz, le réalisateur de l’ombre Bruno Aveillan semble absorbé par les braises. Au-dessus trône une peinture de l’auteur d'À la recherche du temps perdu. «Nous sommes sous le regard de monsieur Proust. C’était le salon où il venait observer les gens de la haute société, il prenait des notes pour enrichir son livre.» À l’instar de l'écrivain, Bruno Aveillan est un observateur de la nature humaine : les corps et les mouvements sont disséqués dans chacune de ses productions. À sa manière, lui aussi est un homme de l’art. Même si ce fan de bandes dessinées se prédestinait dessinateur, c'est durant sa formation aux Beaux-Arts qu'il découvre la peinture. «J’ai découvert des peintres, avec une approche graphique avec le pop art et cinématographique comme Edward Hopper, grâce à un professeur qui a tout de suite saisi ma personnalité. Même si je n’ai plus le temps, j’aime beaucoup peindre. C’est peut-être pour cela que mes photos ont une approche picturale.» De cette passion est né un amour pour la photographie, puis le film.

Multi-primé

Dès lors, il est adoubé par le monde de la publicité avec Perrier et le film «La Fête». Sa renommée naissante le conduit vers les maisons de luxe. Nous sommes alors dans les années 2000, une époque où le secteur boude encore la télé. Contre toute attente, en 2008, la maison Louis Vuitton lui confie son tout premier film publicitaire intitulé «A journey». À la manière d'un carnet de voyage, le réalisateur prend le temps d’arpenter la Chine, l'Inde et Paris. «Aujourd’hui encore, quand les annonceurs viennent à moi, ils me demandent de leur livrer un film comme celui de Louis Vuitton. Pas plus tard que la semaine dernière, une marque de luxe m’a montré ce film comme principal référence.» Suivre les phénomènes de mode, les grandes marques en sont les pro. ChanelCartierShangri-La, toutes se passent le mot. «Le film avec les loups a été le tout premier film de Shangri-La, c'était il y a dix ans lors du lancement de l'hôtel. Ils n'ont jamais réussi à en faire un autre. Si vous appelez l'hôtel, leur musique d'attente est toujours celle tirée du film.»

S’il génère principalement ses sources de revenus grâce aux annonceurs, il n’oublie pas de donner de son temps aux associations au moins une fois par an, en réalisant des films tout aussi marquants. Reporter sans frontières, La Banque alimentaire, L’Unicef… Le dernier en date, «L’Appel», pour la Fondation 30 Millions d’Amis. Il est également l’auteur de la campagne «Onde de choc», qui a scotché le monde entier en 2018 pour la Sécurité routière. Elle aurait raflé 68 prix, de quoi agrémenter sa collection déjà bien fournie. Il aurait accumulé plus de 250 prix. Selon lui, c’est grâce à l’émotion qu’il transmet dans ses films. «Pour 30 Millions d’Amis, nous montrons les choses telles qu’elles sont. Je mets la force filmique au service d’une idée qui doit toucher les gens parce que c’est le propos. Mais le rôle d’une banque ou d’un supermarché n’est pas de faire pleurer les gens. Cette émotion qui dégouline donne des campagnes mal filmées, souvent stéréotypées, sans saveur et sans âme.»

Maison hybride

Ce jusqu’au-boutiste admet son exigence. Quand il n’est pas en vadrouille à l’autre bout du monde, il se concentre sur sa boîte de production hybride créée en 2014. Située entre la maison de production, la maison d’édition et l’atelier de création, Noir a trouvé un équilibre économique. «Même en étant passionné de livres, il faut être un peu inconscient pour se lancer dans l’édition aujourd’hui. C'est pourquoi nous travaillons sur la conception et production de contenus originaux pour les marques de luxe. Ces contenus peuvent être déclinés en films, photos et éditions. Ce travail s’apparente à du sur-mesure.» Toujours dans ce registre de l’atypique, il avoue ne pas souhaiter de site internet pour sa société. Comme dans un club très sélect, tout passe par le réseau. Parmi ses clients, très luxe, il compte Warldorf Astoria NY, La Mer, The Harmonist, Château Margaux. «Je ne ressens aucune frustration créative, quand on m’appelle pour des projets, on me laisse suffisamment de liberté.» Un privilège qui lui permet de rêver toujours plus grand. Le seul terrain qu’il n’a pas encore pratiqué reste le cinéma. «Je reçois des sollicitations mais si je me lance, je perdrai trois à quatre ans de ma vie, il faut vraiment que cela en vaille la peine.» Il finira peut-être par se consacrer à l’écriture de son propre script. Pour l’heure, il travaille sur un nouveau livre et une exposition. Rien ne semble l’arrêter, pas même l'inconnu.

1- Bruno Aveillan sur le tournage du documentaire Divino Inferno. Et Rodin créa la porte de l'enfer.

2- The Harmonist

3- Red, L'Oréal 

4- Tequila 1800

5- Berluti

6- Waldorf Astoria NY

7- Kartell

8- Château Margaux

9- La Mer

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