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Alors que Netflix sortait la très attendue deuxième saison d’Emily in Paris, l’application Duolingo en a profité pour faire du prosélytisme en invitant toutes les Emily du monde à perfectionner leur français. Retour sur une opération digitale empreinte d’autodérision réalisée par l’agence BETC.

Impossible de passer à côté de la série phénomène Emily in Paris qui a cartonné lors de sa sortie en 2020 durant un énième confinement et qui semble connaître le même succès pour sa saison 2. C’est durant les fêtes de fin d’année que la plateforme Netflix, hébergeuse de la série, a choisi de lâcher sa nouvelle bombe. Même si Netflix ne dévoilera pas ses scores d’audience, sur les réseaux sociaux le hashtag Emilyinparis figurait en top trend en tant que série la plus aimée/détestée. De son côté, la plateforme Duolingo qui suscite autant de crispation pour sa chouette intrusive qu’elle recrute d’utilisateurs, a profité de cette brèche grande ouverte pour communiquer sur son service d’apprentissage de langues avec l’aide de l’agence BETC.

« En premier lieu, l’application voulait faire une campagne en collaboration avec Netflix pour la sortie de la série. Mais ils ont vite compris que ce serait hors de prix avec un budget marketing énorme, Emily in Paris est la série la plus chère. Mais comme Duolingo est plutôt du genre taquine, l’application a choisi de sortir une opération digitale sans dire le nom de la série. Elle a tout de même prévenu Netflix histoire de ne pas avoir de problème juridique, la plateforme était donc au courant mais ne voulait avoir rien à voir avec ça », avance David Martin Angelus, directeur de création chez BETC. Puisqu’Emily n’a toujours pas pris la peine d’apprendre le français dans la saison 2, si ce n’est pour commander des « croissants », Duolingo propose à toutes les Emily du monde un accès gratuit à la version premium de sa plateforme pour les cours d’anglais et français.

Emily de Paris

Pour en faire la promotion, l’agence a réalisé en un temps record – trois semaines se sont écoulées entre le tournage et la postproduction d’un film d’une minute à destination des réseaux sociaux. Dans la Ville Lumière sont rassemblées cinq vraies Emily irritées par les erreurs de langage du personnage principal interprété par Lily Collins. Elles déplorent que le succès de la série ait fait des Emily un cliché et implorent les détentrices du nom à redonner de la dignité à leur prénom par l’apprentissage de la langue. « Nous avons réalisé les scènes à Paris, dans tous les endroits mythiques de la série dont la boulangerie, les ponts… Nous ne pouvions pas nous permettre d’aller dans certains musées du fait de notre budget serré. La météo a également été un frein dans notre tournage, notamment avec la Emily blonde : nous devions tourner sa scène aux Tuileries, mais à cause du temps, nous nous sommes rabattus dans une charcuterie parisienne qui a bien voulu nous laisser tourner gratuitement », rapporte David Martin Angelus.

Même si le casting est inégal en termes de jeu d’actrices, la campagne est très plaisante à regarder. « Nous avons déniché cinq filles qui ne sont pas des actrices, et même si ces Emily devaient dire ce qu’elles pensaient de la série, il a fallu prendre du temps avec elles pour les coacher, les aider avec les répliques et aussi les rassurer. Encore une fois, nous n’avons pas été aidés avec la météo, nous étions fin novembre en pleine vague de froid. Chaque Emily a un style différent dans le film dont une plus fashion que les autres, c’était la Emily qui joue place Vendôme. Elle mourait de froid mais pour les besoins de la scène, on ne pouvait pas la mettre en doudoune. On a dû couper au montage les moments où elle grelottait », déplore le créatif.

Autodérision

Netflix a eu tort de se priver de ce hijacking qui est devenu viral, avec plus de 2 millions de vues, sans achat media et près de 10 000 Emily inscrites issues de plus de 121 pays en moins de 48 heures. « Il y a même une Emily du Brunei qui a participé, c’est fou, cela montre bien que ça a touché beaucoup de monde », lance David Martin Angelus. Lily Collins, l’actrice qui joue Emily dans la série, a elle aussi réagi à la campagne sur Instagram et sur Twitter en partageant le film et en se joignant aux commentaires élogieux sur le compte de Duolingo. À ce jour, l’opération a été le plus gros succès de la marque, notamment grâce à sa capacité d’autodérision. Le créatif se rappelle d’ailleurs une campagne réalisée par Duolingo au Brésil : « Ils reconnaissent que leur chouette [qui ne cesse de rappeler aux utilisateurs, les larmes aux yeux, de revenir sur l’appli finir leurs leçons] peut être oppressante : c’est pourquoi ils ont recréé ses notifications "pushy" avec des drones et les ont diffusées devant les maisons de chacun de leurs utilisateurs. Ils ont compris qu’il fallait jouer avec leurs codes. Ils incarnent le client moderne, ouvert d’esprit, qui n’a pas peur de se moquer. »

Le créatif souligne également l’agilité et la capacité à réagir aux phénomènes de la plateforme. Quand les annonceurs prennent en général six à douze mois pour réaliser une campagne, Duolingo préfère travailler sur le temps court. « Le monde devient immédiat et beaucoup de campagnes sont désormais pensées pour les réseaux sociaux. Il faut être rapide pour être en accord avec les timings. C’est un travail intéressant pour nous les créatifs. Si parfois, les choses peuvent être faites à l’arrache, cela nous stimule beaucoup », plaide David Martin Angelus. D’ailleurs, l’agence informe que les équipes sont déjà en train de plancher sur une prochaine campagne pour le compte de Duolingo. Stratégies a tenté d’en savoir plus mais il faudra attendre courant mars pour la découvrir. Pour l’heure, la chouette reste muette.

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