Ressources humaines
Le management bienveillant n’est plus une idée de doux dingues déconnectés du monde de l’entreprise. La preuve: un master vient d’ouvrir pour l’enseigner. Et le groupe de distribution Casino y croit dur comme fer.

Une vingtaine de managers du groupe Casino ont entamé début octobre, à l’université de Saint-étienne, un master 2 en distribution qui comprend un module de management bienveillant. Pendant plus d’une année, ils seront formés à ce concept. Bienveillance au travail, journée de la gentillesse… Après les incantations, enfin des actes. « De nombreux cercles de dirigeants sont mobilisés sur le sujet », constate Arnaud de Saint-Simon, directeur du magazine Psychologies, qui avait lancé en 2011 un appel à plus de bienveillance, signé par 400 entreprises. C’est le cas aussi bien du Club des jeunes dirigeants (CJD), d’Entreprises & Progrès que de l’Association progrès du management (APM).

Le thème du management bienveillant sera aussi abordé lors de l’Université du bonheur au travail (Ubat), qui se tiendra du

29 au 31 octobre à l’Inseec. A l’origine du projet, la Fabrique Spinoza fondée par Alexandre Jost : « Nous sommes un think tank qui veut placer le bonheur citoyen au cœur du débat public et influencer les décideur­s. Nous avons par exemple obtenu­, en juillet dernier, que la satisfaction de vie fasse partie des dix indicateurs clés pour le Parlemen­t chaque année. » Et, dans l’entreprise­, si la bienveillance était la clé pour remobiliser les collaborateurs­ ?

« Il y a un problème, constate Alexandre Jost : 70 % des managers ont le sentiment de formuler de la reconnaissance, alors que 30 % des salariés disent en recevoir. » On observe donc un léger décalage et un sacré problème de communication ! « D’autant que des études ont démontré que pour compenser les effets d’un feedback négatif de la part d’un manager, il fallait au moins trois retours positifs », poursuit l’expert. Dans l’urgence, la plupart des managers ne pointent que les trains qui n’arrivent pas à l’heure.

A l’action

Pourtant, Arnaud de Saint-Simon constate une prise de conscience quant à la nécessité de remettre de la bienveillance dans l’entreprise : «Je reçois trois invitations par semaine pour intervenir à des conférences sur ce thème. On en parle beaucoup, mais c’est peu suivi d’actions. Ou alors cela aboutit à des crèches d’entreprise, une distribution gratuite de fruits, des soirées festives… Instaurer de la bienveillance, cela passe par la mise en place de choses plus structurantes, comme une formation des managers à la communication managériale, via du coaching. »

Redonner du sens

Au sein du groupe Casino (350 000 collaborateurs), dans un secteur où le management est réputé dur, le directeur des ressources humaines Yves Desjacques (lire ici son interview complète) a décidé d’utiliser le levier de la bienveillance en renforçant le sens du travail de chacun, pour faire en sorte que chaque collaborateur sache à quoi il sert : « Ils ont mis en place des formations d’une demi-journée sur le thème du sens, et des tables rondes où les managers ont pu faire remonter leurs bonnes pratiques, précise Philippe Rodet, urgentiste, auteur du Bonheur sans ordonnance. Tous ces témoignages ont été compilés dans un ouvrage. Il s’agit de faire comprendre l’utilité du magasin dans une ville. » En parallèle, le groupe Casino a monté, avec l’université de Saint-Etienne, ce module en management bienveillant. Et devrait développer ce programme avec d’autres écoles.

« Aux Etats-Unis, un cabinet d’audit a formé ses managers à la bienveillance pendant 21 jours, relate Alexandre Jost. Apprendre à formuler des compliments, savoir faire preuve de gratitude, encourager… Après une phase où les managers se sont un peu forcés, cela a eu un réel impact : des collaborateurs qui se sentent mieux, sont plus joyeux et ont le sentiment de bien travailler. » Enfin, la bienveillance devient aussi un enjeu d’attractivité, selon Arnaud de Saint-Simon : « L’ambiance de travail devient un critère de choix important pour les jeunes diplômés. Au même niveau que le salaire. »

Avis d'expert 

La charte du manager bienveillant

Philippe Rodet, urgentiste de formation, spécialiste du stress, auteur du Bonheur sans ordonnance (Eyrolles, janvier 2015).

 

 

Donner du sens. Lorsqu’un individu prend conscience de l’utilité de son travail, il est, en partie, protégé des effets du stress. En plus le sens est un facteur de réussite: avec ce principe les collecteurs de fonds américains qui récoltent, auprès d’entreprises, l’argent destiné aux boursiers, ont accru leurs performances (400% de hausse des fonds récoltés). Leur idée: faire se rencontrer les collecteurs et les bénéficiaires (étudiants boursiers). Ces derniers ont expliqué l’importance de cette aide pour leurs études.

Fixer des objectifs ambitieux et réalistes. Il s’agit d’appliquer les idées du psychologue hongrois Mihály Csíkszentmihályi: si les objectifs sont trop élevés, on génère du stress, s’ils sont trop bas, on provoque de l’ennui. La solution: établir des objectifs juste au-dessus des capacités du collaborateur, afin que celui-ci entre dans un état de «flow», de concentration optimale. Il sent qu'il progresse, et prend conscience de son utilité pour son entreprise.

Accorder de l’autonomie. La liberté d’action diminue les effets du stress, et puis c’est un moyen d’exprimer de la confiance à son collaborateur. Du coup cela revient à faire émerger des émotions positives qui diminueront le niveau de stress, amélioreront les relations et renforceront la créativité.

Ne pas oublier les encouragements. Les encouragements  permettent d’augmenter le sentiment d’efficacité personnelle, c’est-à-dire la conscience que, dans un domaine bien précis, le collaborateur a du talent. Cela accroît la confiance en soi, la persévérance, l’optimisme, autant de facteurs de réussite…

Reconnaître ses maladresses. Lorsqu’un manager a été trop ferme avec un collaborateur, il doit être en mesure de lui présenter des excuses. Cela permettra de renouer l’échange, d’éviter les frustrations, sources de démotivation et de stress. Autre levier important: le sentiment de justice. Le manager doit être capable de faire trois fois plus de compliments que de reproches à ses collaborateurs… En effet, l’humain mémorise davantage les critiques que les compliments.

 

Les quatre saisons du Printemps de l’optimisme

A écouter Thierry Saussez, le printemps, c’est toute l’année. L’ancien président de l’agence Image et stratégie et ex-conseiller en communication du président Nicolas Sarkozy, est à l’origine du Printemps de l'optimisme, dont la 3e édition se tiendra en mars à Paris. Un rendez-vous qui va se décliner à Bruxelles, et à Nice en 2016. Or le communicant veut désormais diffuser de l’optimisme pendant les quatre saisons: «Je lance actuellement une offre d’ateliers, de conférences, de journées ou rendez-vous mensuels, sur-mesure destinés aux entreprises, détaille Thierry Saussez. Des experts interviennent pour parler valeurs d'optimisme, et peuvent aider la société à réfléchir à la plateforme de la marque, afin de lui donner du sens. Autrement dit créer un incubateur d’énergie positive, pour ne plus être seulement focalisé sur ce qui ne marche pas».

 

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