«On est plus forts à plusieurs», assurait Isabelle Edessa, responsable open innovation du groupe PSA, lors d’une table ronde sur la collaboration start-up/grands groupes qui a eu lieu le 19 avril. Le ton a bien évolué chez les grands groupes. Longtemps habitués à travailler et à se développer seuls, grâce à des départements innovation très étoffés, les grandes entreprises sont en train de changer leur fusil d’épaule. Une brise d’ubérisation souffle sur leur écosystème. S’ouvrir vers l’extérieur est une question de survie. Résultat, elles ont créé ces dernières années des incubateurs de jeunes pousses au milieu de leurs open space. Une hybridation indispensable pour ne pas rater le train de l’innovation.
Les start-up, de leur côté, ont souvent besoin des grosses boîtes pour se développer et décrocher leurs premiers contrats. Pour mieux travailler de concert, le groupe PSA a créé un Business Lab en 2015, dont la mission est de «détecter, expérimenter et transformer de nouveaux business». Composé de sept employés, il imagine les services de demain dans une logique d'«open innovation». Reste que cette collaboration entre acteurs de tailles différentes n’est pas toujours un long fleuve tranquille.
«Si les deux entités veulent travailler ensemble, encore faut-il avoir les mêmes codes, et la clé, c'est la bienveillance», explique Martin Duval, président de Bluenove, agence de conseil en open innovation. Pour ne pas perdre son agilité, la start-up doit réfléchir en amont aux conditions de collaboration. Le bénéfice sera réciproque si chacun garde les qualités qui font leur unicité. «Avec les start-up, nous découvrons de nouveaux secteurs, de nouvelles offres et façons de travailler», soutient Anne Laliron, directrice du Business Lab de PSA.
Copropriété intellectuelle
Mais un sujet freine les jeunes pousses: celui de la propriété intellectuelle. «Même si les start-up ont toujours peur de se faire piquer leurs idées, c’est en les évoquant qu’elles vont les affirmer et se faire respecter par les grands groupes», témoigne le fondateur de Digifood (application de livraison), Ronald Gautruche. Anne Laliron l’a bien compris: «la propriété intellectuelle de la start-up est sa raison d’être, le groupe PSA apporte son savoir-faire et ensemble nous créons une copropriété intellectuelle. Le fruit du travail commun reste partagé.» Un engagement tenu, selon le baromètre réalisé par Bluenove (lire ci-contre), puisque 78% des start-up trouvent que la confidentialité a été plutôt respectée ou très respectée dans le cadre de leurs partenariats.
De leur côté, les grands groupes ont toujours la volonté de poursuivre leur transformation digitale et de faire évoluer leurs modes d’organisation, par exemple en se rapprochant des start-up dans une logique de co-construction: «Certains n’hésitent pas à s’ouvrir aux start-up, c’est dans leur ADN. Notamment dans les secteurs de la santé ou de l’énergie», affirme David Le Louarn, créateur du réseau social d’open innovation Kinov. D'autres s'inscrivent dans une logique de protection, de peur de se faire doubler par les petits.
Faire preuve d'humilité
Pour que cette relation fonctionne, les start-up doivent également faire preuve d’humilité: «Elles sont hyper exigeantes envers les groupes, indique David Le Louarn, se plaignent de leur manque de réactivité, qu’ils paient mal… Mais les start-up vendent un produit ou un service pas toujours finalisé.» Cela peut aboutir à des déconvenues allant jusqu'à mettre en danger les groupes.
En plus des simples partenariats, de nouvelles initiatives ont vu le jour: prêt de salariés, de matériel et aide financière des groupes par l’intermédiaire de fonds d’investissement. Mais cette collaboration reste encore trop limitée: «Aujourd’hui, tout passe par l’équipe innovation des entreprises alors qu’avec l’open innovation, n’importe quel employé d’un groupe doit pouvoir sourcer, qualifier et travailler avec une start-up», juge David Le Louarn. D’autant que ces services sont complétement saturés de sollicitations de start-up, un état de fait qui freine cet élan d’innovation. Des progrès restent encore à faire pour améliorer cette prise de contact directe en favorisant les liens entre start-up et grands groupes, pour qu'ils forment à terme un seul et unique écosystème.