Au travail, on n'est pas là pour se marrer ! Pour Marco Sampietro, professeur de management à la prestigieuse université de Bocconi à Milan, ce vieux couplet ne rime à rien. À ses yeux, travail et rigolade peuvent faire bon ménage. Sa thèse «Humor in International Project Teams» révèle que le rire améliore les performances de l'entreprise. «L'humour est l'un des fondamentaux du management, explique-t-il. Il permet entre autres de désamorcer les conflits, mais aussi aux collaborateurs de se protéger de situations difficiles et de réagir avec optimisme et énergie.»

Problème: en entreprise, le rigolo est rarement pris au sérieux. Difficulté supplémentaire: on a de moins en moins envie de rire au bureau et, de fait, on rigole de moins en moins. L'entreprise est-elle devenue un «tue-l'humour»? Même dans les agences de pub, territoires réputés pour la déconne, ce n'est plus ça. «Depuis que les patrons d'agence sont des gestionnaires et non des créatifs, on ne se marre plus», résume Jacques Séguéla.

Acte politique

Dans les autres secteurs? «Ce qui marche encore, c'est la grosse blague, l'humour potache, estime Florian Sala, professeur de management et de ressources humaines à Skema Business School. Mais pour le reste, l'exercice humoristique est extrêmement cadré.» Et de citer en exemple la mode des discours à l'américaine où l'humour se résume à «une blague introductive pour capter l'auditoire, une autre au milieu pour le réveiller et une dernière pour finir en beauté». «Le vrai humour, ce n'est pas cela, reprend-il. C'est un révélateur grinçant, un acte politique.» Que faut-il alors penser de l'impact de ces consultants qui interviennent à la demande des entreprises pour dérider les troupes, sachant que leurs «numéros» sont toujours validés en amont par la direction?
«Notre public, ce sont quand même les salariés, explique Philippe Boré, directeur associé de Multicomédie, une société spécialisée dans le rire en entreprise. Nous sommes obligés d'être un minimum décapants pour les faire rire. Heureusement, les entreprises qui font appel à nous ont cette ouverture d'esprit.» Dernier exemple en date, ce sketch pour une grande entreprise du CAC40 où, pour désamorcer les difficultés relationnelles vécues en interne, Philippe Boré et sa troupe campaient, devant collaborateurs et direction, des consultants en «pourrissement d'entreprise». Les uns riaient jaune, les autres aux éclats. À chacun son humour.

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