ressources humaines
C'est ce que propose l'Apec depuis quelques semaines. En quête de chefs de rayon ou de commerciaux, plusieurs grandes entreprises y voient l'occasion d'élargir leurs canaux de recrutement.

Le CV est démodé! Tel est le postulat de l'Association pour l'emploi des cadres  (Apec) qui, depuis mai dernier, déploie à grande échelle une pratique de recrutement baptisée «Question de compétences, recruter sans CV». Surfant sur les thèmes de l'égalité des chances et de la lutte contre les discriminations à l'embauche, l'Apec propose aux entreprises de dénicher l'oiseau rare en s'intéressant davantage aux compétences qu'aux diplômes et à l'expérience.

Une approche qui s'inspire directement de celles du CV anonyme et de la méthode des habiletés utilisée par Pôle emploi pour tester les aptitudes des chômeurs à travers des mises en situation de travail. Il s'agit aussi pour l'Apec d'étoffer ses services payants aux entreprises, à l'heure où s'aiguisent les appétits sur le marché de l'emploi des cadres.

Concrètement, le candidat intéressé par une offre du site de l'Apec est invité à répondre en 30 à 40 minutes à un questionnaire anonyme de 20 ou 30 items, élaboré avec les services ressources humaines et les cadres opérationnels de l'entreprise. Sont ainsi jaugées sa motivation et sa capacité à exercer la fonction visée.

«Il doit expliquer pourquoi il postule, s'il a déjà encadré, quelle est son expérience la plus significative, comment il a surmonté les difficultés rencontrées, ce qu'il attend de sa hiérarchie, comment réagir si un concurrent s'installe en face de son magasin, comment gérer un subordonné en retard, etc., détaille Géraldine de Prémont, responsable projet au département marketing stratégique de l'Apec. Celui qui va jusqu'au bout est vraiment motivé et en apprend davantage sur l'entreprise. Cette première étape va ensuite alimenter l'entretien et contribuer à le rendre plus riche

Travail de réflexion en amont

Toujours en quête de commerciaux, Konica-Minolta, qui en emploie déjà 300 (sur 1 100 salariés en France), interroge les postulants sur leur capacité à convaincre, leur façon de gérer un client qui se rétracte, leur défense d'une offre chère, leur comportement en cas d'objectifs non atteints, etc.

«Nous pouvons ensuite entrer dans le vif du sujet lors de l'entretien, développer certains points abordés dans le questionnaire et nous concentrer vraiment sur les compétences», évalue Julie Applincourt, directrice recrutement, formation et évolution professionnelle chez Konica-Minolta.

Désireux d'élargir leurs canaux de recrutement sur des postes de chef de rayon ou d'ingénieur, Auchan, Danone, Areva et Veolia Eau se sont, eux aussi, pris au jeu. S'affichant volontiers favorable à la diversité, Veolia y voit l'occasion de réinterroger ses pratiques de recrutement. «L'intérêt est de s'affranchir complètement du CV. Nous souhaitons savoir si ce type d'approche peut élargir les horizons en levant les appréhensions des candidats, témoigne François Ludemann, directeur du développement des cadres chez Veolia Eau. La construction du questionnaire nécessite en amont un travail de réflexion plus approfondi sur les compétences nécessaires à l'exercice du poste, qui associe RH et opérationnels.»

Julie Applincourt, de Konica-Minolta, abonde. «Cette approche est particulièrement intéressante pour des besoins récurrents, car elle exige un travail colossal en amont pour faire coïncider les problématiques des RH et des opérationnels, et définir des critères pertinents.»

Reste qu'il est trop tôt pour savoir si le fait d'occulter le CV bouscule les pratiques en faveur des profils atypiques. Sur le plan quantitatif, du moins, le bilan semble positif. «Les offres génèrent plus de candidatures, les personnes intéressées ne se censurent plus si elles n'ont pas le bon niveau d'études. Quant aux recruteurs, en se focalisant moins sur les diplômes, ils limitent l'effet de clonage qui aboutit à recruter toujours les mêmes profils», se réjouit Géraldine de Prémont, de l'Apec.

Pour Julie Applincourt, qui a reçu entre 130 et 140 réponses et retenu 80 prétendants au poste de commercial (dont un spécialiste de l'intelligence économique), «cette opération permet de multiplier les sources de candidatures sur des métiers en pénurie». Chez Veolia Eau, 2 500 candidats ont parcouru l'annonce d'ingénieur hydraulique habituellement réservée aux bac+5 et écoles d'ingénieurs. Sur 478 qui ont commencé à remplir le questionnaire, seuls 43 ont été jusqu'au bout. Une grosse poignée ira à l'entretien. L'avenir dira si l'heureux élu diffère du sempiternel mouton à cinq pattes…

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