Ressources humaines
Comment mener de front grossesse et fonctions de direction? Pour y parvenir, les femmes managers misent sur les nouvelles technologies.

Ne pas couper le cordon avec leur entreprise tout au long de leur grossesse! Voilà le nouveau leitmotiv des femmes managers. Ces cadres supérieurs, qui ont accédé à moins de quarante ans à des fonctions clés en entreprise, ne veulent pas pour autant faire une croix sur la maternité. Et la conjoncture morose des trois dernières années a même créé des vocations: comme il était impossible de se faire embaucher ailleurs et que la plupart des projets restaient enfouis dans les tiroirs, pourquoi ne pas lancer des projets plus personnels? «Il est vrai qu'avec la crise, les perspectives d'augmentation ou de promotion étaient limitées. Ainsi, dans l'agence, davantage de femmes ont décidé de faire des enfants», confirme Céline Marchal, directrice générale associée chez TBWA Corporate, trente-cinq ans, et maman depuis quelques mois.

Du coup, elles inventent des solutions pour concilier responsabilités et grossesse. Et les technologies, sans être une solution miracle, offrent plus de souplesse pour mener ces desseins de front. «Une fois que j'ai été arrêtée, je n'ai pas coupé le lien avec l'agence. Grâce à mon Blackberry, j'ai pu me tenir au courant des appels d'offres, des départs et arrivées de nouveaux collaborateurs…», poursuit Céline Marchal.

Smartphone, connexion haut débit et clé 3G offrent clairement plus de flexibilité. «J'avais décidé de continuer à travailler tant que je serai en forme. Le fait de pouvoir utiliser les nouvelles technologies m'a permis de limiter les déplacements et même, les dernier mois, de diriger l'entreprise depuis mon domicile», explique Yseulys Costes, trente-huit ans, présidente de 1000 Mercis, qui vient d'avoir deux enfants coup sur coup (onze mois d'écart).

Bien sûr, quand il s'agit de sa propre société, le choix est plus cornélien. «Couper complètement le contact avec ma société aurait été trop anxiogène pour moi, note Yseulys. Et puis, aujourd'hui, on peut manager à distance sans problème: les logiciels de “reporting” permettent de surveiller l'activité et les outils collaboratifs, comme les wikis, évitent de perdre le fil de la vie de l'entreprise.» Y compris après la naissance. Ainsi, pour Catherine Helfenstein, directrice du développement et de la communication de Publicis Dialog, qui vient d'avoir un deuxième enfant, la coupure avec le bureau a été de courte durée. «Je me suis rebranchée un mois après l'accouchement, en consultant mes e-mails une fois par jour, car je voulais rester dans la boucle des grandes décisions, ne pas être évincée», explique-t-elle.

Il faut dire que les entreprises tournent à un rythme tel qu'il suffit de s'absenter quelques semaines pour être vite dépassée. «Et puis, la vie est pleine de savonnettes, il y a toujours des ambitieux qui seront ravis de voir une femme partir en congé maternité pour tenter de prendre sa place», rappelle Émilie Devienne, coach et auteur du livre Les50 Lois des femmes qui réussissent (éditions L'Archipel).

La «jurisprudence» Dati n'a pas fait d'émules

Pour d'autres raisons, la dernière grossesse de Gabrielle*, directrice d'une agence de communication en pleine restructuration, n'a pas été une promenade de santé. «J'avais une fonction assez politique, qui impliquait des relations quotidiennes avec mes actionnaires. Or, c'était difficile à gérer sans être sur place, relate-t-elle. Ils m'ont vite fait comprendre que 2009 n'était pas la bonne année pour avoir un enfant.» Quelques mois après son retour au travail, elle était remerciée. À l'inverse, Céline Marchal a été promue directrice générale associée, un mois après son retour de congé de maternité.
Mine de rien, ces mères managers, qui portent la double casquette de dirigeante et maman, sont aussi très observées par les autres femmes de l'entreprise. «Vous n'imaginez pas le nombre de collaboratrices qui sont venues me voir, pendant ma grossesse, pour me demander si j'allais respecter mon congé maternité, raconte Agathe Bousquet, trente-sept ans, directrice générale adjointe d'Euro RSCG C&O et sur le point de mettre au monde son deuxième enfant. Je les ai rassurées en leur disant que je prendrais bien mes quatre semaines avant et trois mois après. Pas question de revenir à l'agence trois jours après l'accouchement.»

La plupart des femmes managers que nous avons interrogées sont sur la même longueur d'ondes. Elles prennent leur congé légal: 16 semaines aujourd'hui (et peut-être 20 semaines prochainement, car les députés européens viennent de voter une directive en ce sens). En tout cas, la «jurisprudence» Rachida Dati – l'ex-ministre de la Justice était revenue au gouvernement en janvier 2009 cinq jours après avoir accouché – n'a pas fait d'émules.
Enfin, si les outils de travail à distance offrent une vraie chance pour tenter de concilier l'inconciliable – réussite et vie familiale –, le problème est qu'à mesure qu'ils s'imposent, ils deviennent une véritable norme, voire un carcan. Selon Gabrielle, «aujourd'hui, si l'on se permet de couper totalement ce cordon ombilical avec l'entreprise, on est mal vue.»

(*) Le prénom a été changé pour préserver l'anonymat.

 

 

encadré

Le congé paternité a la cote

En presque dix ans (il a été créé en janvier 2002), le congé paternité a su s'imposer. De plus en plus de papas le prennent, selon la dernière étude sur le sujet réalisée par TNS Sofres, rendue publique en 2008: 69% des pères de bébés de 0 à 24 mois l'avaient pris en 2007; ils n'étaient que 61% en 2003. Ce congé de onze jours séduit. «À l'agence, pratiquement tous les hommes l'utilisent, constate Catherine Helfenstein, la directrice du développement et de la communication de Publicis Dialog. Comme il y a plusieurs semaines pour le prendre, c'est aussi plus facile en termes d'organisation.»

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