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Dans la presse comme ailleurs, les discours sur la rigueur exaspèrent les salariés, qui, devant les signes de reprise, réclament des augmentations de salaire.

Après la crise, la crise continue. Dans les entreprises, face aux bons résultats financiers de 2010, les salariés n'ont plus une once de patience pour les discours sur la rigueur budgétaire dont les dirigeants ont usé et abusé afin de justifier les fréquents gels des salaires. Les revendications salariales ont été l'objet de mouvements sociaux dans des entreprises comme Alcatel-Lucent, Thales Communications ou JCDecaux, groupe qui comptait 17% de grévistes le 8 mars sur un effectif de 3 500 personnes en France.

Cette fois, c'est au tour des salariés des groupes de presse magazine de s'y mettre. Prisma Presse a ainsi vécu la grève la plus longue de son histoire: 5 jours, du 4 au 11 mars dernier. Le récent déménagement du groupe, qui a investi ses locaux de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) entre décembre 2010 et janvier 2011, a servi de catalyseur.

«Le changement de locaux va permettre de réaliser 3 millions d'euros d'économie de loyer en 2011, explique Emmanuel Vire, délégué SNJ-CGT chez Prisma Presse (878 employés en CDI en France), où le salaire moyen s'élève à 3 800 euros brut. Par ailleurs, en 2010, les bénéfices sont passés de 18 à 30 millions d'euros, notamment du fait d'un plan de départs volontaires, qui a concerné 90 CDI et devrait permettre de réaliser 6 millions d'euros sur la masse salariale. Nous nous sommes dit que c'était le moment ou jamais pour négocier.» Les grévistes réclamaient une augmentation de 150 euros, une prime de déménagement de 1 500 euros et un plan de rattrapage pour les salaires les moins élevés: in fine, les salariés ont obtenu une augmentation de 106 euros brut en mars, sans conditions, pour les salaires allant jusqu'à 3 000 euros. Pour les salaires plus élevés, entre 3 000 euros et 4 500 euros, le relèvement sera de 70 euros immédiatement, et de 36 euros en décembre, conditionnés à la stabilité du chiffre d'affaires.

Climat tendu

À Montrouge (Haut-de-Seine), de l'autre côté de Paris, les salariés de Mondadori n'ont pas tardé à suivre, le 14 mars, avec à peu près les mêmes revendications: une augmentation de 150 euros par mois pour tous les salariés (un millier dans l'Hexagone). «Ce qui s'est passé chez Prisma a pesé, reconnaît Dominique Carlier, délégué SNJ-CGT. D'autant que nous avons également déménagé en octobre pour des locaux plus petits, ce qui a occasionné une grande fatigue nerveuse.» Le salaire moyen, chez Mondadori, s'élève à 3 500 euros bruts, avec 27% des salaires entre 2 500 et 3 000 euros, et 20% entre 3 000 et 3 500 euros. «Ces dernières années, les salariés étaient augmentés de 0,5 à 1,5%, ce qui ne correspond pas du tout à l'inflation, ni à la vie en région parisienne, alors que Mondadori se porte bien et n'hésite pas à investir dans de nouveaux projets», souligne Dominique Carlier. Au moment où nous écrivons, la direction proposait une augmentation collective de 50 euros, et le climat restait tendu.

On risque d'assister à d'autres conflits de ce type dans les mois qui viennent. Selon une étude du cabinet Aon Hewitt, «les prévisions d'augmentation globale restent toujours en dessous des niveaux observés avant la crise», avec un taux de 2,6% et des prévisions de hausses salariales fixes en 2011 comparables à celles pratiquées en 2010. Les entreprises mettent l'accent sur les augmentations collectives, tout en étant, selon Ariane de Calbiac, responsable du conseil en politique de rémunération chez Aon Hewitt, «confrontées au double enjeu de motiver l'ensemble de leurs salariés, tout en devant retenir les plus performants pour préparer l'avenir».

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