Ressources humaines
La Sacem publie une étude éclairante sur le poids économique et social des industries culturelles et créatives en France. Revue de détails.

Quelque 75 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 1,2 million d'emplois... Le secteur des industries culturelles et créatives est un poids lourd en France, selon le panorama économique réalisé par le cabinet EY (nouveau nom d'Ernst & Young) pour la Société des auteurs, éditeurs et compositeurs de musique (Sacem). En termes de chiffre d'affaires, il devance des mastodontes comme les télécommunications (67 milliards d'euros), la chimie (62 milliards d'euros) ou l'automobile (59 milliards d'euros). L'étude tombe à point nommé: «Cela peut être utile par exemple pour l'Union européenne amenée à renégocier le traité de libre-échange, explique Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem. Nous voulions montrer ce que représentent les industries culturelles en France.»

L'objectif principal de cette étude est clair: faire du lobbying à l'heure des coupes budgétaires et de l'économie mondialisée. Prouver l'utilité économique et sociale de la culture. Et démontrer que son soutien financier par les pouvoirs publics a du sens. Ce que confirme Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, en préambule de l'étude: «Face à la crise que nous traversons, la culture doit être envisagée comme un levier privilégié de développement économique parce que je suis convaincue qu'il n'y aura pas de redressement productif sans redressement créatif. L'investissement créatif contribue à la croissance économique, à l'emploi et à l'image de notre pays.»

Ce panorama des industries culturelles et créatives portant sur l'année 2011, et dressé par le cabinet EY, englobe neuf secteurs différents: la musique, le cinéma, l'audiovisuel (TV et radio), le spectacle vivant, la presse, l'édition, le jeu vidéo et les arts graphiques. Un univers hétérogène qui brasse une soixantaine de métiers différents. «Le point commun de ces univers c'est la créativité, souligne Jean-Noël Tronc. Il s'agit d'emplois pour une bonne part non délocalisables. Alors que de grands acteurs comme Google ne vont créer aucun emploi en France mais vont plutôt en détruire, ce secteur va générer des jobs demain, d'autant qu'il se trouve au cœur de la révolution numérique. A condition que les autorités publiques acceptent qu'il y ait une régulation.»

Idées reçues

L'occasion de tordre le cou à certaines idées reçues, par exemple sur la musique (8,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 240 874 emplois): «On a tendance à assimiler la musique uniquement à la musique enregistrée, or ce secteur emploie beaucoup de monde dans la création digitale, dans la diffusion (avec l'entreprise Deezer, 250 salariés), dans le spectacle vivant..., note Solenne Blanc, directrice associée d'EY et auteur de l'étude. Il y a une vraie tendance au développement de cette activité dans le monde physique et un dynamisme à l'export, avec le succès récent des Daft Punk par exemple.»

Si le gros de troupes est constitué par les auteurs, compositeurs, artistes interprètes et techniciens (187 756 personnes), la musique correspond à 16 000 emplois permanents dans le spectacle vivant (musique actuelle) et près de 2 600 personnes dans les radios musicales et 230 dans les télévisions musicales. La presse spécialisée représente, elle, près de 400 postes. Y compris dans l'industrie de la fabrication d'instruments, à l'instar de Buffet Crampon (près de deux cents ans d'existence), qui développe des instruments à vent, haut de gamme et emploie 750 personnes. Un domaine qui souffre aussi de la concurrence internationale, puisque que le fabricant de pianos Pleyel vient d'annoncer la fermeture de sa manufacture de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis): elle avait été fondée en 1807.

Autre acteur de poids des industries culturelles et créatives, la télévision. Elle a engendré 14,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011, pour 176 000 emplois. Un chiffre auquel on parvient en englobant les emplois indirects: près de 30 000 dans la production de films institutionnels et publicitaires par exemple. Du côté des emplois directs, l'étude recense par exemple près de 8 000 personnes dans la production de films et de programmes pour la télévision. Pour sa part, l'édition-presse (journaux et magazines), a dégagé en 2011, 10,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, pour presque 102 000 emplois. Des effectifs ventilés surtout entre l'élaboration et la production de contenus éditoriaux (39 000), la diffusion et distribution (35 792) et encore les activités marketing, commerciales et publicitaires (2 700). Un secteur bien sûr très fragilisé par la crise: rien que le chiffre d'affaires de la presse écrite est passé de 10,45 milliards d'euros en 2008 à 9,15 milliards en 2011. Pour chaque secteur, l'étude indique également la part des subventions reçues. L'ensemble des aides publiques à la presse, se montaient ainsi à 800 millions d'euros en 2011.

Le poids de la radio dans les industries culturelles est plus modeste selon EY avec 17 450 emplois. A l'inverse le cinéma représente près de 106 000 emplois en France (220 dans la presse cinéma par exemple) pour près de 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2011 (année du succès du film Intouchables en salles). «Le cinéma continue de bien se porter, avec une bonne dynamique des entrées, constate Solenne Blanc, du cabinet EY. Et cela fait travailler un tissu de professionnels assez diversifié: techniciens, exploitants de salle, acteurs...»
Seule limite de cette étude: elle porte sur des données de 2011. Or en deux ans, la conjoncture s'est fortement dégradée dans certains des secteurs étudiés, la presse en particulier. «Il est évident que certains métiers ont été fortement touchés, mais d'autres ont aussi émergé», nuance Solenne Blanc.

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