Ressources humaines
Stratégies Emploi et Aquent organisaient une conférence sur le thème de la transformation des organisations et des métiers, le 24 juin dernier, avec les retours d’expériences de la Fnac et de Pernod Ricard.

Perrine Grua, directrice générale d'Aquent, a des chiffres éloquents pour exprimer l'extraordinaire mutation à laquelle a laquelle ont été soumis les métiers: «70 % des missions que nous effectuons pour les entreprises correspondent à 3% des recrutements il y a trois ans», souligne-t-elle. Autrement dit, le gros des embauches aujourd'hui a lieu sur des nouveaux jobs. A l'heure où data-scientists, community manager et autres UX designer s'invitent dans l'entreprise, le virage digital est-il pour autant assuré? Cinq défis majeurs devront être relevés avant de parvenir à une mue digitale en profondeur. La conférence «Big bang dans le digital», organisée en partenariat avec Aquent, le 24 juin dernier, en atteste.

 

1 - Remodeler l'organisation
«L'organisation du travail en silos, c'est terminé, nous allons vers une structure plus plate avec le consommateur au centre » , constate Antonia McCahon, responsable du marketing digital groupe chez Pernod Ricard. Une mutation de grande ampleur pour des sociétés habituées à fonctionner avec une organisation pyramidale depuis des décennies. Du côté de la Fnac, même remède de cheval: «La transformation digitale est une question de survie, et cela se traduit concrètement par des décisions fortes, comme la suppression de la distinction entre le digital et le physique, illustre Philippe Canonne, le DRH groupe. Tout comme la disparition des chefs de projet, que nous avons redéployés dans l'entreprise.» Comme le digital est partout, à tous les niveaux, il doit rayonner et ne peut plus être cantonné à un étage de l'entreprise ou à une fonction.

 

2 - S'appuyer sur les datas

71% des directeurs de départements marketing, finances et RH, pensent que l'explosion des volumes de données aura un impact sur les compétences métiers, selon une étude IDC-Microsoft. Et 22% des directions marketing auront développé des postes de data-scientist dans les deux ans. Après les réseaux sociaux et le mobile, la révolution des datas est celle qui aura le plus d'impact sur les organigrammes dans les années à venir.

Dans cette mue, Gilles Babinet, digital champion, fondateur de Captain Dash, et auteur de L'Ere numérique, un nouvel âge pour l'humanité (éditions Le Passeur) «recommande de créer une fonction de CDO (chief data officer), idéalement intégrée au comex, avec le droit d'utiliser toutes les données de l'entreprise, où qu'elles soient. Et faire comprendre à tous que la valeur peut largement être issue des données.» Chez Pernod Ricard, les data-scientists sont déjà intégrés aux équipes de marketing/communication, «un parti-pris du management», selon Antonia McCahon.

 

3 - Former à tous les étages

«Nous avons mis en place du reverse-mentoring, ce qui permet à des experts du digital de former des membres du top management, pour accélérer l'adoption du numérique, dit Antonia McCahon de Pernod Ricard. Nous nous appuyons sur une équipe spécifique, la “digital acceleration task force” et un Mooc (massive open online course) interne, baptisé digital fitness, pour accompagner la transformation. Des formations à l'utilisation de Facebook ou Google sont aussi déployées. Enfin nous avons identifié 80 digital champions partout dans le monde, qui portent le sujet.» La réponse dans toutes les entreprises est la même: accompagner les salariés en les faisant monter en compétences. «Il faut former les collaborateurs», insiste Gilles Babinet.

 

4 - Adopter un management «digital friendly»

«Il ne suffit pas de disposer un baby-foot au milieu des bureaux pour incarner un nouvel idéal de management, et je ne suis pas un adepte de ces modèles californiens, dit Philippe Canonne, DRH groupe de la Fnac. Je ne crois pas non plus à l'e-management: c'est de la foutaise. Le mode d'évaluation des collaborateurs aussi doit évoluer: le management des salariés à la performance est mort, il faut en inventer un autre, en s'appuyant sur le management de proximité qui porte la responsabilité et la capacité d'accompagner la transformation digitale de l'entreprise».

Le management doit aussi tenir compte d'une nouvelle donne spécifique, aux profils digitaux. «On recrute et on “décrute” aussi vite sur ces fonctions, constate Philippe Canonne. Le turn-over sur cette population est très au-dessus de la moyenne. Il faut savoir intégrer la mobilité de cette population et intégrer ce mouvement, sans chercher à les retenir à tout prix.» Sur les métiers de la data, la surenchère peut être forte. «Un data scientist qui gagnait 45000 euros a été débauché par une entreprise londonienne et désormais il gagne plus de 200000 euros», se lamente Gilles Babinet, fondateur de Captain Dash.

 

5 - Ne laisser personne au bord de la route

«Il y a un vrai risque d'implosion sociale, si l'on ne s'occupe pas des métiers non concernés par le digital, et si l'on ne prend pas en compte l'impact de ces transformations, insiste Philippe Canonne, de la Fnac. L'un des défis, c'est aussi de former nos vendeurs pour qu'ils soient plus à même de gérer les interactions avec des clients eux-mêmes ultraconnectés et qui en savent souvent plus qu'eux sur les produits.» La révolution digitale doit donc aussi concerner les magasins. Même si pour tous les acteurs, la mesure de la transformation digitale des organisations est complexe: il n'existe pas encore d'indicateurs qui prennent en compte à la fois l'acquisition des nouvelles compétences, l'évolution du mode de management, ou de la culture d'entreprise...

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