Management
En période de confinement, les salariés doivent plus que jamais s’appuyer sur des compétences d’adaptation pour trouver le juste équilibre qui préserve les intérêts de leur entreprise autant que leur vie privée.

Jeudi 26 mars, le groupe Les Échos Formation organisait un webinar intitulé « Maîtriser son stress en période de confinement, comment retrouver l’apaisement en télétravail ». Nul doute qu’il a été très suivi tant les Français qui expérimentent le télétravail à temps complet sont aujourd’hui en attente de conseils d’organisation pour structurer leur temps entre labeur, école à domicile et vie de famille.

Maîtriser son temps, c’est d’ailleurs la première chose sur laquelle insiste la sophrologue Marie-Françoise Crouail, en charge de cette formation à distance en partie gratuite. Cette spécialiste du télétravail bénéficie d’un solide retour d’expériences pour éviter les pièges que peut rencontrer tout individu qui travaille à domicile - ou tente de le faire. « Au départ, les gens sont très emballés, ils ne se déplacent plus, gagnent des heures de transport, mais on en trouve aussi qui très vite n’en peuvent plus quand il doivent à la fois gérer un conf call et leur gamin, d’autant que tout le monde n’a pas une pièce à soi pour en faire un bureau », explique-t-elle.



Bore ou burn out

D’où l’importance de savoir planifier ses tâches en organisant son espace autant que son emploi du temps. Une nécessité dans bien des foyers où, en temps normal, deux personnes ne peuvent pratiquer une journée de télétravail le même jour, sauf à avoir un habitat à la mesure. « Le télétravail peut exacerber les attitudes excessives, poursuit Marie-Françoise Crouail, certains ont le sentiment qu’ils doivent en faire encore plus car on passe à un télétravail par objectifs et résultats. » Ce qui vient ajouter une contrainte supplémentaire alors même qu’ils doivent supporter l’inconfort d’une vie confinée qui peut engendrer bore ou burn out. Des pros du télétravail n’hésitent pas à mettre un réveil pour mettre des limites à leur travail à distance.

Sur le plan managérial, la communication à distance doit être tout autant finement pensée. La spécialiste conseille de maintenir de petits signes et des rituels d’échange qui constituent l’ordinaire de la vie en entreprise. Ainsi, une ou deux réunions à heure régulière dans la journée, et plutôt par visioconférence (Skype ou Teams par exemple), sont jugées préférables à un simple coup de téléphone ou un contact audio. Pas évident pourtant de montrer l’arrière-plan de sa cuisine ou de sa chambre à la caméra de ses collègues. « Il faut s’adapter aux besoins avec un management personnalisé, c’est la clé, précise Marie-Francoise Crouail. Certains souffrent de l’isolement ou de la solitude, d’un sentiment de perte d’appartenance à un groupe, et ont besoin d’une communication qui passe par le non verbal ». Mais pour les collaborateurs qui cherchent à protéger leur espace privé, les conf-call doivent laisser à chacun la liberté d’actionner ou non sa caméra.

Car tout est là : en période de chamboulement des habitudes et de profonde remise en question, ce sont encore les soft skills qui font la différence. Les soft skills ? Si 70 % des Français ignorent encore le sens de ce mot, selon un sondage récent d’OpinionWay (lire encadré), c’est toujours sur ce type de compétences non techniques que les entreprises s’appuient en période exceptionnelle. Vertu cardinale par excellence, l’adaptabilité est fortement sollicitée. « Qu’est-ce qu’on me demande ? Interrogeait le sociologue Dominique Turcq le 12 mars, lors d’un déjeuner de presse de Dropbox. Du travail d’équipe, la capacité de former les autres, de bien gérer le client... Un freelance qui n’a pas les bons soft skills, il ne revient pas dans l’entreprise. Mais il y a aussi la faculté de gérer son double digital et de vivre en bonne santé en mangeant sainement, en faisant du sport... Ou encore la capacité à travailler sur ses biais, à écouter les autres quand on prend une décision avec des biais. »



Place aux introvertis

Thibaut Champey, directeur général France de Dropbox, confirme qu'« encourager les gens à prendre soin de leur santé fait partie de la responsabilité de l’entreprise ». Seulement, comment assurer ce « rôle sociétal de l’employeur » en restant à distance ? Ni salle de gym ou yoga, ni course à pied ou match à promouvoir... Une communication interne pour donner quelques conseils d’organisation et de forme peut s’avérer utile.

Les périodes de confinement ont aussi l’avantage de redonner toute leur place aux introvertis, qui sont essentiels au fonctionnement de l’entreprise, mais moins mis en valeur et parfois déconsidérés par le management au profit des collaboratifs. « On les oublie trop souvent mais ils sont capables de penser leur métier », rappelle Dominique Turcq. A l’inverse, les forts en gueule et ceux qui misent tout sur le présentiel, leur sociabilité physique ou leur intelligence politique de proximité doivent réinventer leurs codes. Quoi qu’il en soit, les collaboratifs restent précieux. A Dropbox, Thibaut Champey reconnaît recruter des salariés qui citent un projet collectif comme motif de fierté dans leur carrière : ils ont peu d’égo et savent s’adapter à la tempête quand le bateau tangue. Quant au télétravail, il importe de garder à l’esprit qu’il reste un compromis entre deux hémisphères : son foyer et sa profession. Et que l’un ne doit pas l’emporter sur l’autre. « On ne vit pas bien si on est en lutte avec ce qu’on subit » insiste la sophrologue Marie-Françoise Crouail.

Les soft skills, un regard ambivalent

Un sondage OpinionWay, auprès de 1030 personnes du 21 au 27 février, montre que les soft skills (implication dans le travail, esprit d’équipe, créativité, intelligence émotionnelle...) sont appréciées de façon assez clivantes, en positif comme en négatif. Une majorité, notamment chez les jeunes, jugent ce critère « bénéfique » et « motivant ». Mais 52% des cadres le voient comme « pénalisant » et les deux tiers des salariés pointent le risque d’arbitraire lié à une appréciation subjective. Surtout, 58% des salariés refusent l’idée qu’il devrait jouer un rôle dans le recrutement de leur entreprise alors que dans le même temps 61% le juge indispensable pour briguer un poste et 65% que les recruteurs devraient lui accorder plus de place. Les deux tiers pensent que cela introduit un biais dans l’entretien et 51% que cela favorise l’homogénéisation sociale en faveur des milieux favorisés, mais 70% de ceux qui ont été évalués sur des soft skills trouvent cela bénéfique et motivant. Enfin, 68% dénoncent les conséquences pour l’ambiance de l’entreprise de telles évaluations (qui favoriseraient hypocrisie, courtisanerie et copinage) mais 64% reconnaissent que cela permet de détecter un potentiel d’évolution et d’améliorer le fonctionnement des équipes.

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