Métier
Le management de transition élargit sa gamme de compétences, attire de nouveaux profils et se féminise de plus en plus. Une évolution qui tient à une exigence toujours plus forte de résultats rapides mais aussi au désir croissant d’indépendance de cadres expérimentés.

Le management de transition a muté. Vous pensez « réduction des coûts », « recomposition des organisations », « transition numérique »... Il faut désormais ajouter la décarbonation de l’économie. « La décarbonation sera à l'avenir une source de missions très importante, d'autant que beaucoup d'usines obsolètes vont être transformées. Elle entraîne des transformations majeures comme la construction pour un équipementier automobile d'un site qui va fabriquer des centaines de milliers de carters de batteries électriques », détaille Patrick Abadie, fondateur de Delville Management, l’un des acteurs importants de ce marché. La gestion de l'impact du réchauffement climatique devrait lui aussi fournir une importante activité.

Né il y a trente ans dans la foulée des restructurations d'entreprise, le métier de manager de transition pourrait ainsi aller au-delà du simple rôle de colmateur de brêches. La mission-type ? « Il fallait d'abord satisfaire un besoin urgent avant d'effectuer un recrutement par la voie habituelle », résume Patrick Abadie. Ce type de missions qui, entre 2010 et 2020, représentaient encore la moitié de l’activité de Delville Management, a décliné pour laisser la place à de nouvelles activités.

Une évolution que confirme Karina Sebti, directrice de Robert Walters Management de transition : « Aujourd’hui, l'essentiel des missions porte sur la transformation des entreprises, les RH et les enjeux juridiques et fiscaux. Au premier trimestre, 41 % des missions ont porté sur la transformation au sens large, 36 % sur les missions relais (arrêts maladies, etc), 20 % sur l'amélioration de la performance et 4 % seulement pour des missions de redressement. » Qui devraient cependant connaître une progression au second semestre d'après les signaux que la dirigeante dit recueillir auprès du terrain. Chez Delville Management, les missions de transformation des organisations constituent désormais 8 missions sur 10.
Féminisation accrue

L’accélération et l’intensification des mouvements propres à l’économie globalisée viennent aussi nourrir la croissance du management de transition, chargé de recomposer des circuits de production. « La supply chain exige de plus en plus de missions car elle se complexifie du fait de la reconfiguration du sourcing qui impacte les chaînes d'approvisionnement, détaille Patrick Abadie. Hier, un sous-traitant fournissait un câble complet. Aujourd'hui, ce sont plusieurs sous-traitants qui produisent les différents éléments constituant le câble, ce qui rend plus complexe la chaîne logistique. »
Les profils changent aussi. Longtemps réservé aux seniors, le métier commence à se féminiser. « Il compte 20 % de femmes, indique Nathalie Lautour, directrice de la communication et du marketing de Valtus. C'est aujourd'hui un enjeu de faire comprendre que ce n'est pas uniquement un métier d'hommes car de plus en plus de femmes font ce choix.» Si la mobilité géographique, qui va souvent de pair avec la fonction, reste un frein pour beaucoup de femmes, la parité est déjà une réalité dans les domaines de la finance et des RH. Valtus a lancé en juin une série de podcasts qui donnent la parole à des femmes managers de transition pour exposer leur parcours hors-norme et deux autres séries de podcasts seront bientôt disponibles. « Nous souhaitons mieux faire connaître les réalités du métier », explique Nathalie Lautour.

Baisse de la moyenne d'âge

Autre évolution notable : la moyenne d’âge des managers de transition diminue. « Elle tourne autour de la cinquantaine mais elle tend à baisser, note Karina Sebti. Dans le domaine digital, elle est la plus basse, aux alentours de la quarantaine. » Le métier s'étend aussi à de nouvelles strates hiérarchiques, relève Christophe Étienne, président du réseau Oudinot : « Jusqu'à présent, les managers de transition étaient généralement des personnes d'un niveau codir ou comex. Depuis au moins six mois, des missions sont aussi demandées pour des profils de top et de middle management, comme des directeurs financiers ou des directeurs de contrôle interne. » La strate de management placée sous le codir ou le comex est donc elle aussi touchée. « Les clients demandent à ces managers de transition de revoir les process par exemple, de modifier les organisations, ou de trouver de nouveaux outils digitaux », précise Christophe Étienne.

En télétravail
Plus étonnant, le management de transition se convertit aussi au… télétravail. « Aujourd'hui, 70 % des offres de mission comportent un volet télétravail, ce qui était inexistant avant la crise sanitaire, confirme François Decock, manager de transition du réseau Oudinot. Certaines missions, c'est rare, peuvent être même à 100 % en télétravail. Habituellement, cela tourne entre 20 % et 40 %. »
Pour Patrick Abadie, il faut s'attendre à une explosion de la demande : « Aujourd'hui, le management de transition représente 5 000 missions par an. Dans dix ans, il devrait atteindre les 50 000 missions par an. » Un mouvement aussi ample aura des conséquences, prévient le dirigeant de Delville Management : « Le marché est encore très atomisé, réparti entre une centaine d'acteurs, mais les cinq premiers concentrent plus de 50 % de l'activité. » La forte croissance attendue va sans doute attirer la convoitise de protagonistes d’autres secteurs et donner à cette activité encore méconnue une tout autre physionomie.

« Il faut écouter, écouter… et écouter ! »


Guillemette Jacob, chief marketing officer de transition depuis deux ans, détaille le déroulement typique d’une mission dans le management de transition.


« Je suis spécialisée dans le marketing digital, je m’occupe d’acquisition, d’achat média et de réseaux sociaux notamment. Le manager de transition a une posture particulière avec un pied à l’intérieur et l’autre à l’extérieur. C’est une position aidante et facilitante dans les relations internes. Un manager de transition ne gère pas sa propre carrière dans l’organisation. Il n’est ni une menace ni un obstacle et il a une grande liberté de parole. Mais quand on arrive dans une structure, c’est très intense parce qu’on ne connaît personne et qu’il faut assimiler une nouvelle culture. Il faut savoir rester humble, à l’écoute et résister à la tentation de proposer une solution qui semble évidente. Il faut prendre le temps de comprendre pourquoi les gens font ce qu’ils font de telle façon plutôt que de telle autre. Il faut écouter, écouter… et écouter. J’ai l’impression de créer ma vie professionnelle. Avant, j’étais sur des rails, mon job était très dépendant de l’entreprise. »

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