Ressources humaines
L’indépendance fait rêver mais elle a aussi ses servitudes… Pour éviter les déconvenues sévères, quelques étapes méritent d'être respectées.

Devenir indépendant se prépare. Guillaume Peter, fondateur de Timber Conseil, agence de conseil en intelligence collective, a su saisir le bon moment : « J’ai créé ma structure il y a quatre ans à la suite d'une opportunité : un plan de départ volontaires proposé par mon employeur. » Il faut aussi bien calculer toutes les implications, précise de son côté Aurélie Foulon, consultante en stratégie de marque depuis trois ans : « Il faut supporter de ne pas avoir de salaire fixe, ni les mêmes droits que les salariés. Un indépendant n'a pas de congés payés, ni le même montant d'indemnités en cas d'arrêt maladie car cela dépend du chiffre d'affaire, et les cotisations sociales ouvrent des droits inférieurs à ceux des salariés. » Avant de quitter son statut de salarié, elle a négocié une rupture conventionnelle. Pour elle, il importe de « bien réfléchir » à toutes les implications et de « faire un plan financier détaillé avant de se lancer ». Conseils pour réussir la mise en œuvre d'un projet. 

1) Mobiliser son réseau
Indépendante à la tête du collectif Farénis après un parcours en agence de communication, Estelle Berthier réalise après cinq ans l’importance du capital d'image qu’elle a su accumuler durant sa période de salariat : « Il faut se construire une bonne réputation professionnelle. Durant les deux premières années, c'est ma réputation qui m'a apporté la majorité des affaires à travers d'anciens clients, d'anciens partenaires et même d'anciens stagiaires que j'avais connus en agence et qui étaient désormais en responsabilité dans un service communication. » Une démarche similaire pour Alexis Mersch, gestionnaire d’édition de magazine d’associations depuis 2017, qui a mobilisé ses anciens collègues et fournisseurs, tout en mettant à jour et en enrichissant son profil LinkedIn. Depuis un an, il a aussi intégré un groupe local de BNI, un réseau qui fonctionne sur le « marketing de la recommandation » : « Cela évite l'isolement en tant que chef d'entreprise indépendant. »

 

2) Faire preuve de patience au démarrage

Le démarrage de l’activité n’a rien d’une sinécure, prévient Guillaume Peter : « Quand on est salarié d'un grand groupe, on nage dans une piscine olympique. Devenir indépendant, c'est se retrouver dans le grand océan, la nuit, en pleine tempête et on ne sait plus nager ! » Autre leçon à retenir : le business plan est toujours trop… optimiste. Il faut savoir patienter et persévérer : « Certains mois, il ne se passe rien, c'est paniquant. Il faut prospecter. Une centaine de contacts peut ne déboucher que sur une ou deux rencontres. Et les processus de décision sont longs car il faut convaincre les dirigeants, mais aussi les RH, voire d'autres directions. »

 

3) S'associer

Devenir indépendant n’implique pas forcément de travailler seul. Estelle Berthier a ainsi créé un collectif : « J'ai quitté le salariat pour mettre un terme à une forme de servitude qui m'éloignait de mes valeurs. Je voulais retrouver une liberté de décision, sans être seule. Le collectif permet de retrouver le fonctionnement d'une agence avec la liberté de se choisir. » Le noyau dur comporte quatre membres permanents qui restent des indépendants autonomes : « En parallèle de nos projets communs sous la marque Farénis, chacun conserve sa liberté de travailler en solo avec d'autres clients. » C’est Estelle Berthier qui remplit la fonction de dirigeante du collectif. Elle accueille notamment les prospects et débusque les affaires. Elle n’impose cependant aucune décision : « Avant d'accepter une offre, je m'assure que tout le monde est d'accord. »

 

4) Faire appel à des plateformes

Si elles proposent des services [lire encadré] et suscitent l’intérêt des indépendants, les plates-formes ne sont pas pour autant l’alpha et l’omega pour trouver des clients. Les seniors s’en passent très bien. Plus jeune, Aurélie Foulon s’est inscrite sur Malt et CremedelaCreme : « Les plates-formes m'apportent environ un tiers de mes clients mais c'est surtout le bouche-à-oreille et LinkedIn qui y contribuent, l'un nourrissant l'autre. Les clients viennent aussi depuis mon site web. »
 
5) Adopter un nouveau rythme
Devenir indépendant, c’est perdre tout un environnement qui marque le tempo… Attention à la perte de repères, prévient Alexis Mersch : « Pour travailler depuis chez soi, il est fondamental d'avoir une routine : se lever à heure fixe, s'habiller comme si on allait au bureau, avoir un lieu spécifique dédié à son activité. » L'idée est d'entrer dans une nouvelle vie, estime Guillaume Peter : « Une des difficultés est de gérer son temps. Il faut donc une vraie discipline, s'imposer des horaires, des pauses déjeuner, finir à telle heure. Et il faut alterner des activités intellectuelles et physiques pour maintenir son tonus. Il est nécessaire de rester ouvert, degarder du recul et d'entretenir son réseau, de voir des gens pour ne pas être uniquement en numérique, d'aller à des rencontres professionnelles. »
 
6) Prendre des précautions 

Au-delà des variations d’activité, Guillaume Peter conseille de « bien border les contrats afin d’avoir un préavis ». Aurélie Foulon rappelle que le paiement des factures est parfois difficile, surtout lorsque les clients sont installés à l’étranger : « Il vaut mieux se faire payer au fur et à mesure du déroulement de la mission. » Enfin, le plus difficile : rester lucide. « Il faut savoir renoncer à une affaire, même si le budget est alléchant, si on n'a pas la disponibilité temporelle - et surtout mentale ! -  pour bien la réaliser, rappelle Estelle Berthier. Cela peut mettre en danger la réputation du collectif. Il est indispensable d'avoir du discernement et d'être assez conscient de ses propres biais pour ne pas mettre sous le tapis ce qu'on ne veut pas voir. »

Les atouts des plateformes
Arrêter de courir après les impayés et recevoir plus tôt leurs émoluments. Voilà le premier argument de plateformes telles que Malt ou Onemansupport. Une forte exposition à de très nombreux clients est le suivant. « Les indépendants ont le choix de travailler avec des dizaines de milliers de clients, de secteurs très différents, explique Camille Léage, responsable de la gestion de la communauté des freelances de Malt. Aujourd'hui, plus de 40 000 clients utilisent Malt. » OneManSupport met en avant son modèle économique : « Nous adoptons un modèle économique transparent : 80 % du montant facturé va à l'indépendant et 20 % à la plate-forme pour financer l'effort commercial et les services offerts aux indépendants », explique son fondateur Arnaud Sourisseau. Les plates-formes proposent aussi des formations ainsi qu’un accès privilégié à des services connexes.

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