TRIBUNE

[Chronique] Jamais le sélectionneur de l'équipe de France n'a dérogé à ses convictions : placer le collectif au dessus des individualités, être proche des joueurs tout en étant exigeant sur les comportements demandés au groupe. Son leadership a bluffé la planète entière.

Moi le premier, reconnaissons qu’on ne donnait pas cher de cette équipe de France, privée au démarrage de la Coupe du monde de la moitié de ses meilleurs éléments, et enrichie de jeunes joueurs sans aucun match de préparation… On connaît la suite de l’histoire.

Bravo au talent de Mbappé, à la force collective exprimée par les joueurs, mais reconnaissons-le : félicitations surtout à Didier Deschamps, dont la science du jeu, et surtout le leadership a bluffé la planète entière.

Remémorons-nous les convictions qu’il a portées ces dernières semaines, sans jamais y déroger. Il a toujours placé le collectif au dessus des individualités, fussent-elles talentueuses, nous rappelant la fameuse phrase d’Aimé Jacquet à Eric Cantona : «tu es peut-être le meilleur de l’équipe, mais l’équipe est meilleure sans toi.» Une somme - certes réduite - d’individus soudés et portés par un projet commun sera toujours plus efficace qu’une somme d’individualités disparates. A ce titre, tergiverser autour de la blessure de Benzema, comme autrefois celle de Zidane, risquait de diluer la concentration du groupe.

Intelligence situationnelle

Didier a su faire preuve d’adaptabilté, d’intelligence situationnelle, de pragmatisme avec ces blessures à répétition, et le besoin de remettre en cause son schéma de jeu en 5-2-3, à quelques jours de la compétition. On remarquera que jamais il ne s’est plaint ou a cherché des excuses, notamment du côté du virus qui a amoindri les organismes lors de la finale.

«Dédé» est un meneur d’hommes et sait être à l’écoute : temps individuel passé avec chacun, onboarding attentif des jeunes, gestion habile des difficultés relationnelles (Mbappé-Giroud par exemple).

Mieux, il sait donner confiance, à l’instar de Griezmann, qu’il a toujours soutenu dans sa longue période de doute en club, au point d’aller le voir en Espagne. Avec à la clé le résultat qu’on sait, et cette phrase : «Je donne tout pour la France et Deschamps.»

Éviter les polémiques

Il sait faire passer un objectif délicat mais réaliste : renoncer au «beau jeu» pour aller gagner en humbles combattants. Mais, s’il est réputé être proche des joueurs, il peut être exigeant sur les comportements demandés au groupe – c’est sans doute la raison de la mise à l’écart de Pavard – et même radical dans certains choix. Quelle audace d’avoir osé changer deux piliers de l’équipe (Griezmann le chouchou et Giroud) dès la 41ème minute, puis de lancer les tout jeunes Kolo Muani et Camavinga en pleine finale.

Enfin, il sait économiser son énergie sur des sujets tentants mais inappropriés : éviter les polémiques sur Benzema ou le Qatar, prendre son temps pour décider de son avenir. La France de Platini et Zidane avait sans doute plus de talent que celle de «Deschamps la gagne», mais celui-ci a su transcender le collectif pour tout ramasser sur son passage. Avec de fortes et claires convictions : donner un cap, mettre le collectif au service d’un objectif qui les dépasse, fournir un cadre de travail clair et exigeant, miser sur le capital humain et savoir trancher, quand il le faut.

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