Tribune

La complémentarité entre télétravail et présence au bureau semble aujourd'hui une évidence. La nouvelle ère du travail qui s'ouvre oblige les DRH mais aussi les managers à repenser leur rôle.

Déjà deux ans ! Deux ans que, face à une pandémie sans précédent, de nombreuses entreprises, au premier rang desquelles les acteurs de la tech, ont fait le choix du 100% télétravail. Un long chemin qui a donné à chacun de nouvelles habitudes et de nouvelles aspirations que les DRH doivent aujourd’hui prendre en compte pour bâtir une nouvelle organisation du travail. Alors que les salariés retrouvent de plus en plus le chemin des bureaux, il apparaît nécessaire de prendre un peu de recul : l'occasion pour les responsables RH d'un retour sur le futur du travail.

Nouvelle donne du travail : choisir, c’est renoncer

Rétrospectivement, cette décision du full remote, initialement dictée par l’urgence, a pris une dimension expérimentale en forme de réflexion sur la mécanique des relations interpersonnelles au travail et sur ce qui fait la nature d’une culture d’entreprise.

Premier enseignement : les collaborateurs ont objectivement gagné en efficacité avec le télétravail, du moins en ce qui concerne la conduite des projets déjà structurés. La phase de structuration des projets complexes semble elle mieux adaptée aux réunions en présentiel, moins rigides, plus propices au débat d’idées et à la réactivité de l’ensemble de parties prenantes. Le télétravail, pour sa part, se révèle particulièrement productif et adapté en ce qui concerne les questions techniques, les réunions bipartites et la collecte d’informations.

Devant l’évidence de cette complémentarité, il n’y a plus de sens à mettre dos à dos collaboration en présentiel et travail à distance. Faire ce choix arbitraire reviendrait à se priver du meilleur des deux mondes. L’environnement de travail, à l'instar du retail aujourd'hui, qui refuse de choisir entre physique et digital, saura accorder les différentes maïeutiques, en présentiel comme en virtuel. Place au «phygitravail».

Évidemment, des ajustements restent à prévoir. Ainsi, avec la raréfaction du présentiel, les équipes devront s’investir pour préparer et donner du sens aux rencontres physiques. À l'inverse, la coordination des équipes devra être repensée pour éviter la réunionite, symptôme récurrent du travail à distance.

Le DRH, un «métacommunicant» en forme de chef d’orchestre

Dans cette culture d’entreprise transformée et cet environnement de travail bouleversé, le DRH a un rôle clé à jouer. Il a en charge d’accompagner, de guider la transformation profonde qui s’opère dans la relation entre les collaborateurs, les managers et l’entreprise au cœur de laquelle la place de l’individu doit être totalement repensée.

La distance impliquée par le télétravail doit en effet nous amener à établir un nouveau contrat moral basé sur la confiance, l’autonomie et la responsabilité. Le DRH doit fixer les règles inédites d’un management à la fois flexible et équitable, indispensable à l’implémentation durable de ce nouvel environnement de travail.

Il fournit aux managers un cadre dans lequel ces derniers pourront librement aménager des contrats d'équipes en fonction des besoins métiers et des aspirations de nos collaborateurs. Pour que cette organisation fonctionne, il doit créer l’harmonie entre tous ces instruments. Il devient un véritable «métacommunicant» au sens où pourrait l'entendre le célèbre théoricien de la communication Paul Watzlawick : celui en charge de trouver un langage commun capable d’accorder pratiques managériales autonomes, culture d’entreprise et aspirations des salariés.

C'est en somme l’antithèse des politiques RH traditionnelles dictées par des pratiques standardisées et inflexibles, complètement inadaptées à l'entreprise post-crise qui privilégie pour sa part l’horizontalité à la verticalité, l’adaptabilité au dogme, la différenciation à l’indifférencié.

Manager les talents, un travail de haute couture

La nouvelle donne du travail, les nouvelles aspirations des collaborateurs et la diversification des profils ont ajouté de nouvelles variables à une équation managériale qui était déjà complexe dans la société d’avant covid. Être manager, aujourd’hui consiste en un véritable travail d'orfèvre où la différenciation doit se substituer à l’indifférencié. Chaque profil est en effet unique et aucune situation de vie n’est identique. Pour le DRH, ce passage de l’égalité à l’équité relève de la haute couture : un mélange de passion et de complexité qui fait tout le sel de la profession.

Pour cela, les outils RH doivent pouvoir s’adapter à chacun, à chaque parcours. Les rites classiques de la vie professionnelle – tels que la formation ou les évaluations – doivent retrouver leur sens en s’inscrivant dans le projet de carrière des collaborateurs. Ils ne doivent plus simplement être considérés comme des cases à cocher. De la même manière, un bon manager n’est pas une machine aux ordres : il doit être capable, aujourd'hui encore plus qu'hier, de faire preuve d’empathie et de créativité tout en créant les conditions d'un collectif performant. Manager, c'est avant tout ménager et aménager.

Nous le voyons, ces nombreux retours signent une mutation durable de l’environnement de travail. En transformant l’essai de cette phase expérimentale, nous pouvons donc aborder avec enthousiasme le retour au bureau. Et si le contact humain retrouvé est un bien collectif inestimable, si les risques, notamment psychosociaux, inhérents au full remote sont incontestables, cette transition dans le monde - du travail - d'après ne saurait constituer un simple retour à la normale. Le futur du travail, c'est bel et bien maintenant.

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