Tribune

Avec la crise sanitaire, des milliers de salariés ont remis en question leur rapport au travail, au point de démissionner en masse. Pour les entreprises, le défi est majeur : réparer le pacte social et moral qui les lie à leurs collaborateurs.

Ces derniers mois, ils sont de plus en plus nombreux à quitter un emploi qui ne leur convient plus et à congédier leur employeur, parfois en live sur les réseaux sociaux. Depuis la pandémie, les démissions se comptent en millions. Un camouflet d’ampleur mondiale qui laisse les entreprises dans un état de sidération. Et même si le phénomène est plus nuancé en France qu’aux États-Unis, cette « grande démission » est symptomatique d’une société en quête de sens.

La crise sanitaire a créé une distance entre les collaborateurs et leur entreprise. Et nombreuses ont été celles à ne pas avoir su gérer « l’après », imaginant qu’il y aurait un retour à la normale. La prise de conscience environnementale et la crise sanitaire ont fait émerger de nouvelles aspirations : plus de sens, de flexibilité, de meilleures conditions de travail… Des revendications qui résonnent particulièrement chez les moins de 25 ans, avec lesquels le rapport de force semble s’inverser. Aujourd’hui, ce sont eux qui choisissent leur entreprise et non l’inverse. Avant de s’engager, ils questionnent les engagements RSE, car ils veulent être fiers de leur entreprise, participer à son impact.

Face à ce séisme social, les entreprises se doivent de réagir et de se transformer. Aux États-Unis, Airbnb vient de proposer à tous les collaborateurs qui le désirent le télétravail à 100%. Si elle favorise l’autonomie (et réduit le budget de fonctionnement de l’entreprise), cette organisation principalement distancielle soulève la question de la cohérence du projet collectif de l’entreprise dont les salariés sont individualisés, coupés de la proximité physique avec leurs équipes.

« Salarié liquide »

Chaque entreprise doit aujourd’hui repenser le contrat social et moral qui la relie à ses salariés. Le sociologue Zygmunt Bauman avait anticipé ce phénomène dès 2013 avec son concept de société « moderne liquide ». Cette société a engendré « le salarié liquide », qui entretient une relation consumériste à l’entreprise, où ses propres aspirations priment sur le collectif.

Mais qu’advient-il du cadre collectif quand ce salarié s’inscrit dans une logique purement personnelle ? Comment peut-il se placer au service d’une vision d’entreprise et d’une stratégie ? Deux options s’offrent alors aux employeurs : surfer sur le mouvement de liquéfaction du marché du travail avec des stratégies de fidélisation à court terme, sur un projet précis, ou réinventer le rapport à leurs salariés sur la durée, en leur donnant des perspectives durables, communes et responsables.

Dans les deux cas, la question du sens est centrale. Les collaborateurs doivent comprendre le cadre global de leur activité quotidienne et leur rôle dans ces rouages. Nombre d’entreprises ont commencé à s’interroger sur leur utilité sociétale, notamment les entreprises à mission, qui font en sorte que la société réponde aux attentes de la Société. Si elle souhaite devenir attractive, toute entreprise, quelle que soit sa dimension, son ancienneté ou son secteur d’activité, doit réintroduire du sens dans son activité et s’appuyer sur une stratégie RSE qui se traduit par des actes concrets. Mais pas seulement.

Le nouveau contrat moral s’appuie aussi sur une autonomisation plus forte des salariés. Atténuer la hiérarchie pour créer des clusters de compétences, lisser les process pour plus d’agilité, associer les salariés aux décisions stratégiques… Le nouveau contrat moral, c’est d'offrir la possibilité de monter en compétences, de faire grandir et contribuer à un projet commun, de s’affranchir aussi des notions de territoires pour favoriser la valeur ajoutée de chacun. Autant d’ingrédients indispensables pour booster l’engagement des salariés et s’assurer de leur fidélité à l’entreprise.

 

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