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Depuis la pandémie et les confinements à répétition, les régions se tirent la bourre en publicité pour attirer le chaland, surtout quand il est Parisien.

« Marketing territorial ». Il y a encore quelques années, ce terme était considéré par les élus locaux comme un gros mot. Entre-temps, des villes ont franchi le cap, notamment Lyon et son fameux label Only Lyon. Reconnue à l’international, son attractivité est devenue un modèle pour de nombreuses métropoles. Et ce n’est pas la seule. « Tout commence en Finistère », « Aveyron, vivre vrai », « Esprit de Picardie », « I love Roubaix », nombreuses sont les régions à avoir interrogé agences et cabinets de conseil pour se créer une identité propre. Entre celles qui s’amusent avec des jeux de mots invraisemblables et celles qui se la jouent sobre, il y en a vraiment pour tous les goûts.

« Ce n’est pas un phénomène nouveau, depuis 2012, on observe de plus en plus de territoires qui veulent attirer différentes CSP pour s’y installer, réagit Frédéric Chaigne. Au départ, nous étions plus dans une mode de “city branding” ou marketing territorial sans fond derrière. Quand on actionne une prise de parole, il ne faut pas être creux, il faut des actions concrètes. Les campagnes “one shot” ne marchent pas car il faut s’inscrire dans la durée et voir cela comme un investissement. Le défaut des territoires, c’est qu’ils veulent tout dire en une fois et pour preuve 90% des marketing territoriaux de l’époque sont morts. On se souvient de Montpellier Unlimited… ». Cette marque ombrelle créée par l’ancien maire Jean-Pierre Moure aurait coûté 11 millions d’euros à la métropole héraultaise.

Ces deux dernières années ont, semble-t-il, marqué un tournant particulier dans la prise de parole des régions. Étant donné les pertes financières entraînées par la pandémie et ses nombreux confinements, ces collectivités ont mis les bouchées doubles pour sauver le tourisme local. L’agence Notchup, qui travaille notamment avec Tourisme Bretagne et Pays de la Loire, ont lancé deux phases de communication. « La première phase durant l’été 2020 était dédiée au tourisme français, la deuxième l’année d’après était à destination des pays limitrophes », avance Marjolaine Roy, directrice du planning stratégique de Notchup. Avec ses messages humoristiques et décalés : « Cet été, surfez en Kerlifornie », « Ce week-end, naviguez aux Caraibzh », la Bretagne a su se démarquer parmi la faune. « Nous avons lancé cette campagne digitale à l’issue du premier confinement pour sauver l’été. Elle invitait les Français et même les Bretons à découvrir la région. Nous avons enregistré une bonne saison compte tenu de la situation », rapporte Charlotte Le Thiec, directrice adjointe en charge de la promotion et de la communication de Tourisme Bretagne. Du côté de la Normandie, la presqu’île du Cotentin s’est présentée auprès de l’agence nantaise LMWR pour lui demander de communiquer sur sa qualité de vie. « Si on écoute toutes les villes, il fait bon vivre partout. Nous avons donc fait le choix de miser sur le développement économique en montrant que le Cotentin recrute avec 5 000 postes à la clé. Et lorsqu’il y a peu d’attributs sur le territoire, nous jouons avec, exemple avec la Haute-Marne », argumente Frédéric Chaigne.

Le grand déplacement ?

En plus des régions, un nouveau profil a émergé dans le paysage publicitaire. En effet, dans les couloirs de métro ou en gare, nombreuses sont les affiches qui vantent les moyennes et petites villes. « Après le premier confinement, nous devions relancer la machine, c’est pourquoi nous avons réalisé une offre promotionnelle aux annonceurs. Cette action a permis à de nouveaux acteurs, plus petits, de communiquer. Je me souviens d’une campagne pour Alès, “La capitale qui ne manque pas d’air”, pour Reims, “L’Art de vivre”, ou encore la Haute-Marne, “Si loin des bouchons, au cœur de la création” », énumère Alexandra Lafay, directrice déléguée de Mediatransports. L’opération séduction est lancée. Une fois l’envie de se délocaliser instaurée, reste aux territoires à redoubler de courbettes pour fidéliser leurs cibles.

Dans le territoire du Grand Reims, élus locaux, acteurs économiques, associatifs ou universitaires s’activent pour attirer le chaland. Mercredi 23 février auront donc lieu leurs premières Assises de l’Attractivité où l’élaboration d’une stratégie et la création d’une marque seront débattues, avec pour objectif un lancement à l’automne prochain. « Certes, nous sommes le dernier territoire à ne pas avoir structuré notre marketing territorial mais nous pouvons nous appuyer sur des exemples qui ont marché et d'autres qui ont périclité. Nous sommes accompagnés par un cabinet d’audit, en plus de nos citoyens, qui nous permettra d’avoir toutes les cartes en main pour être compétitif localement, nationalement et au niveau européen », rapporte la présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin.

Tout lâcher pour tout recommencer ? Tel a été ou est encore l’état d’esprit de bon nombre de Français et notamment des Parisiens. Même si l’absence de données récentes sur les mobilités résidentielles ne permet pas de parler d’exode urbain, on observe toutefois une envie d’évasion chez les Franciliens. C'est ce qu'espèrent les villes limitrophes. « Entre l’été et l’automne 2020, il y a eu un boom des communications des destinations proches de la région parisienne, comme Provins ou encore l’Oise. Avec ce genre de messages “à seulement 45 minutes de Paris”, les Parisiens étaient clairement ciblés », analyse Alexandra Lafay. En plus des lignes à grande vitesse, l’émergence du télétravail a participé à cette envie de délocalisation. « Le télétravail impose maintenant une réflexion sur l’habitat, les espaces de coworking ou les tiers lieux à proximité directe des lieux de vie. Sans compter que le confinement a généré un véritable besoin d’extérieur. À savoir, il faut en moyenne 13 ans de revenus pour acquérir un T3 dans le neuf à Reims contre plus de 16 à Bordeaux, 18 à Lille, plus de 19 à Lyon, plus de 16 à Bordeaux, 26 à Nice… », pointe Catherine Vautrin. C’est forcément tentant. En attendant de voir les chiffres de l’Insee pour déterminer s’il s’agit d’un effet de mode ou d’une réelle tendance de fond, les Parisiens peuvent pour l’instant rêver d’un ailleurs.

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