Après avoir conçu des manifestations ciblant des publics précis, les entreprises optent pour des événements uniques conçus pour tous.

Dans nos sociétés de consommation de masse, il fut un temps où, prétextant que tout le monde devait avoir accès au bonheur (matériel), chaque grande marque proposait son produit à Monsieur et Madame Toutlemonde. Puis, un jour, les marketeurs s’aperçurent que les consommateurs n’avaient pas forcément les mêmes besoins ni les mêmes envies. Ils inventèrent alors la segmentation et même la sursegmentation : à chaque consommateur correspond un besoin, un produit et un message spécifique. La communication événementielle a suivi la tendance, ravie de voir se multiplier les événements conçus pour des publics trop uniques ou trop « touchy » pour être mélangés à d’autres. Farci de séminaires, d’opérations de motivation, elles-mêmes sous-segmentées car s’adressant aux forces de vente, aux collaborateurs, aux clients, aux distributeurs ou aux partenaires économiques, le paysage événementiel a fini par apparaître particulièrement complexe, voire illisible. Un monde fait de conventions, de congrès ou de symposiums qu’il convenait de ne surtout pas confondre. Mais ça, c’était avant ! Avant que les marchés et les individus, sursollicités par une multiplicité d’événements, comme ils le sont des messages publicitaires, ne saturent. Avant que les crises ne viennent mettre tout le monde d’accord et suggèrent aux organisateurs d’événements de rationaliser leurs prises de paroles et leurs budgets.


C’est dans l’univers de l’événement grand public, notamment sportif, que les professionnels ont trouvé leurs références. Depuis toujours, le Tour de France cycliste, la Coupe du monde de football, les festivals de musique ou les matches de championnat sont autant d’occasions au cours desquelles les marques sponsors peuvent rencontrer tous leurs publics : consommateurs venus par passion, clients, partenaires ou VIP. La marque nourrissant l’espoir de se voir associée à l’émotion vécue pendant la manifestation. « Dès lors que le concept est fort et le dispositif puissant, l’événement est un outil pertinent pour toucher plusieurs cibles », estime Patrick Cauvin, président de Human Live (ex-DDB Live for People). Mais la pertinence ne suffit pas. Pour Ronan Dubois, directeur général de M6 Mobile, organisateur d’une tournée d’été autour des jeux vidéo : « Si l’événement doit toucher plusieurs cibles, il doit alors être pensé et organisé comme tel. Lorsque nous avons décidé que le M6 Mobile Game Contest ne devait plus seulement toucher les jeunes mais aussi leurs parents, nous avons adapté le contenu en intégrant de nouvelles consoles ou de nouvelles animations, par exemple des jeux de plages plus familiaux. »


Finalement, la nouveauté n’est pas tant l’utilisation d’un événement pour toucher plusieurs publics que le fait de recourir à la « technique » dans un cadre professionnel, business to business, pour toucher en une fois des populations sensibles et/ou stratégiques. « La question de la séparation des genres n’est plus pertinente. La porosité des médias permet déjà aux différentes populations d’être en contact, remarque Julien Carette, président d’Havas Event. Twitter et les réseaux sociaux ont fait exploser la frontière d’un terrain jusqu’alors bien balisé. » La question est donc de savoir faire cohabiter les publics sur un même événement. Et dans ce domaine, les Techdays organisés par Microsoft et Le Public Système font référence (lire interview). Mi-congrès, mi-salon professionnel, l’événement – visité par 19 000 professionnels et 70 000 internautes – est devenu le rendez-vous de tout l’écosystème potentiellement concerné par les solutions Microsoft. Dans un autre registre, on peut citer les Journées Particulières LVMH, lancées en septembre 2013 avec Havas Event, dont la dernière édition a permis d’attirer 120 000 personnes tout en plaçant sous les projecteurs le travail des collaborateurs des 42 sites de la marque ouverts pour l’occasion. Ou encore le Show Hello ! d’Orange, également organisé par Havas Event, durant lequel l’entreprise a reçu ses clients, partenaires et collaborateurs, ainsi que des médias et des institutionnels. L’agence a même impliqué les salariés. Certains dans l’animation des espaces ; d’autres pour jouer les journalistes d’un jour et rendre compte de la manifestation auprès des autres collaborateurs. Avec succès, puisque 80 000 d’entre eux ont suivi leurs reportages. « La préoccupation par rapport à l’interne s’est accrue, remarque Patrick Cauvin, même si ce dernier n’est pas toujours aussi bien traité que l’externe. »


En permettant à plusieurs publics stratégiques d’accéder aux mêmes contenus, les entreprises sont perçues comme plus transparentes. Elles évitent aussi les bugs ou courts-circuits de communication émanant d’un contenu démultiplié et mal adressé. Mais la technique n’est pas universelle. Et les sujets sensibles sur lesquels l’entreprise ne veut pas mêler telle ou telle population ne manquent pas. C’est le cas de la réunion ou du lancement ultra confidentiel pour lesquels les participants sont engagés à ne divulguer aucune information sans autorisation. C’est aussi le cas des syndicalistes dans une assemblée générale, à moins qu’ils ne soient salariés ou actionnaires de l’entreprise. De même, il est rare de croiser les clients d’une marque à l’occasion d’une conférence de presse, ne serait-ce que pour laisser la primeur aux journalistes et leur permettre de jouer leur rôle de décrypteur de l’information « Sur des opérations très sensibles, il est possible de procéder par tirs groupés en enchaînant une conférence de presse à 7 h 30, une réunion des top managers à 9 heures et un live broadcast pour l’interne à 10 heures, précise Julien Carette. Mais il ne faut pas céder à la tyrannie de la transparence. Certaines opérations sont là pour valoriser un produit auprès de certains publics mais pas auprès d’autres. »

 

Reste que ces situations sont de plus en plus exceptionnelles. Qu’on le veuille ou non, l’heure est à la transparence et à l’égalité de traitement. « La remarque est d’autant plus vraie dans des univers comme la joaillerie ou les alcools de luxe où les publics concernés par un événement sont assez proches, ajoute Guillaume de Truchis, cofondateur et président de l’agence Parti Pris, spécialisée dans les univers du luxe et du premium. Que la presse découvre l’expérience produit en même temps que les quelques clients réellement concernés par le produit importe peu. Le journaliste est davantage sollicité pour parler de l’image de marque dans son média que du produit. » Et de conclure : « Chaque marque a une histoire qui doit être la même pour tout le monde. » En tout cas, jusqu’au prochain cycle…

 

Interview Sébastien Imbert, directeur marketing digital de Microsoft, en charge des événements

 « Proposer des parcours personnalisés pour chaque public » 

S’adresser à différents publics à travers un seul événement s’est-il logiquement imposé pour Microsoft ?

Sébastien Imbert. C’est en partie ce qui nous a conduit à créer les Techdays en 2007. Nous étions un gros consommateur d’événements au point qu’en 2006, Microsoft en organisait pas moins de 800 par an. En mars 2006, nous avons dû faire face à une situation inédite : gérer trois road shows passant le même mois dans la même ville pour toucher le même public sur des sujets, produits et services différents. Sans le vouloir, nous exercions une pression contreproductive sur nos clients. C’est ainsi que nous avons simplifié notre programmation événementielle au profit d’une plate-forme autour de la marque.


Tous vos publics n’ont pas les mêmes attentes. Comment répondre à chacun d’eux ?

S.I. Durant les trois jours du Techdays, nous nous adressons à tous nos publics professionnels, de l’étudiant au chef d’entreprise. Nous nous appuyons, d’une part, sur l’espace d’exposition organisé en zones thématiques par univers d’usage – la maison, l’école, les TPE… – dans lesquelles s’intègrent les exposants et nos produits. Chacun entre dans son univers comme il l’entend. Parallèlement, nous proposons des conférences et des keynotes, soit 300 sessions permettant d’intéresser tous les profils. Nous avons aussi créé des parcours spécifiques pour que chacun puisse optimiser sa visite.


Quelles sont les évolutions envisagées ?

S.I. Nous avons atteint notre limite en termes de capacité d’accueil. Si nous voulons maintenir un bon niveau de service pour chaque public, nous devons lui proposer des parcours personnalisés et un choix suffisamment large et lisible qui lui donne envie de venir. Comme il n’existe pas actuellement à Paris d’autre lieu que le palais des congrès pour répondre à nos besoins (des salles de plénières et un grand espace d’exposition sur un même plateau), le développement des Techdays va passer par le digital et notamment par la Techdays TV. Ce canal de retransmission permet à l’événement d’élargir son audience pendant mais aussi entre deux éditions : 70 000 personnes ont suivi le Techdays par ce biais en 2014, dont 60 000 pendant l’événement.

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