Dossier Etudes
Des études en ligne aux récentes avancées des neurosciences en passant par l’émergence du mobile et des réseaux sociaux, jamais le consommateur n'a été autant ausculté.

En ces temps de croissance molle, la consommation reste l'un des derniers bastions de l'activité économique. Logique donc que les marques n'aient de cesse de mieux comprendre le consommateur. Un consommateur qui a connu une évolution à l'ère du numérique. En mode 2.0, il se renseigne via les comparateurs de prix, est alerté par ses amis virtuels et ne manque pas d'être séduit par les e-commerçants. Selon Syntec Etudes marketing et opinion, les dépenses en études en France ont atteint deux milliards d'euros en 2010, en hausse de 5,8%. Et, bien sûr, ce sont les entreprises de la grande consommation qui sont les plus friandes de ces enquêtes (37%).
Cette appétence pour les études est confirmée au niveau mondial, avec un chiffre d'affaires de 31,2 milliards de dollars (22,8 milliards d'euros), en progression de 5,2 % selon Esomar, l'association internationale des professionnels des études.
Parmi les outils disponibles, les entreprises françaises plébiscitent les panels et études quantitatives (dites «quanti») ad hoc (1), qui représentent 8 études sur 10. Les qualitatives (dites «quali») pèsent 10%, à égalité avec les études périodiques, y compris baromètres et omnibus (2).
Les méthodes de recueil des informations pour les études quanti illustrent la prééminence d'Internet, avec 41% d'entre elles réalisées en ligne, suivies du téléphone (25%), des réunions «face-à-face» (28%), des études postales (3%) et des tests en salle (3%).
Côté études quali, les classiques réunions de consommateurs (ou focus groupes) continuent de séduire 48% des entreprises, suivies des entretiens individuels (24%), des études quali via Internet (12%) et des autres techniques (16%).

L'équipement massif des foyers en haut débit a dopé l'usage du Net pour réaliser ces enquêtes. Les études en ligne ont ainsi progressé de 6% pour le quali et de 20% pour le quanti entre 2007 et 2010, selon Syntec Etudes marketing et opinion. Ce qui incite son président, Patrice Bergen, à dire «qu'en misant sur le digital et de nouvelles méthodes de recueil, les instituts ont su répondre à l'attente de clients exigeants, mais confiants dans l'apport des études». Anne Lerner, directrice associée chez GFK ISL, le confirme: «La plupart des recueils d'informations se font en ligne, à l'exception de quelques cibles comme les seniors, car ceux qui sont sur le Net sont atypiques.»

Chez GFK, les panélistes sont «taggués» avec leur accord via un cookie qui permet de faire du profilage. Mais ce système, s'il fonctionne bien pour les sites classiques, rencontre quelques difficultés lorsqu'on l'applique aux réseaux sociaux. Facebook, par exemple, n'aime pas les cookies. «Pour contourner cette difficulté, nous plaçons des questionnaires sur la page Facebook de la marque», explique Anne Lerner.

Des outils en pleine évolution

Le recueil en ligne pour les études quali pose aussi la question de la relance. Une fois la question posée et la réponse apportée, il est en effet difficile de relancer le panéliste internaute déjà passé à autre chose. «C'est pourquoi les réunions en face-à-face sont précieuses. Elles permettent d'analyser le ressenti des panélistes, grâce à leur langage corporel, par exemple», souligne la responsable des études grande consommation de GFK ISL.
Chez TNS Sofres, les études sont entrées en mode Atawad («anytime, anywhere, any device», soit la capacité d'un usager en situation de mobilité à se connecter à un réseau sans contrainte de temps, de localisation ou de terminal.). «Le marché des études peut interroger les gens via plusieurs outils de collecte et surtout en continu», observe Stéphane Marcel, directeur marketing et développement.
Pour lui, le changement de paradigme n'est pas tant l'irruption de la mobilité incarnée par les smartphones et les tablettes que le choix des différents modes de recueil des fameux «consumers insights» (besoins des consommateurs).
Toutefois, l'arrivée massive de terminaux connectés à Internet pousse les instituts à faire évoluer leurs outils de recueil des données consommateurs. Opinion Way a été le premier à lancer un outil d'interrogation sur smartphone, en septembre 2010, baptisé Smartpanel. «Demain, les smartphones seront l'un des principaux outils de recueil de données pour les études marketing», prédisait alors Aurélien Gragnic, directeur général adjoint dans Stratégies (n°1602). Depuis, l'institut a réduit le champ de l'étude aux seuls Iphone et a décliné sa solution en «access panel» spécifique pour une entreprise (My Smartpanel) et en version test d'applications mobiles (Smartuser).

De son côté, TNS Sofres a lancé en début d'année Mobile Behave, qui mesure «l'ensemble des fonctionnalités et applications du mobile», en partenariat avec la société anglaise Lumi Mobile. «C'est une mesure passive sur mobile. Les panélistes téléchargent un logiciel qui enregistre la totalité des actions effectuées sur le terminal», décrit Stéphane Marcel. Les questionnaires sont adaptés à l'appareil (moins de questions, une ergonomie différente), de la même manière que les questionnaires papier ont été revus pour s'adapter au Web.
«L'enjeu étant la façon dont on va maintenir l'attention du panéliste pour une étude quali en ligne. Lors du congrès Esomar, en septembre dernier, la notion de “gamification” [ou «ludification», présenter les enquêtes sous forme de jeu] a été lancée, avec des résultats mitigés», souligne le directeur marketing et développement de TNS Sofres.

Pour sa part, Médiamétrie propose une mesure de l'Internet mobile (smartphones et tablettes) automatique, pour laquelle les trois opérateurs télécoms envoient à l'institut l'ensemble des logs (historiques d'événements) générés sur les réseaux 3G (le Wifi est prévu pour bientôt). «C'est une mesure exhaustive totalement anonyme et sécurisée par un tiers de confiance, validé par la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés]», rassure Tiphaine Goisbeault, directrice du département télécoms et équipements.
Un panel de 10 000 mobinautes permet aux marques et aux médias d'étudier les usages de ces supports mobiles. «Grâce aux logs mélangés avec les données sociodémographiques, on peut tirer des enseignements précieux. Par exemple, les étudiants fréquentent beaucoup plus les sites des réseaux sociaux et des médias radio et télé», analyse Tiphaine Goisbeault.

La révolution des conversations

L'irruption des réseaux sociaux dans le paysage numérique a également changé la donne des études marketing. Publicis a ainsi intégré Free Thinking, un «laboratoire d'études quali 2.0», selon Xavier Charpentier, cofondateur, avec Véronique Langlois, de cette structure dont l'objectif est «d'entrer au cœur des conversations pour mieux détecter les signaux faibles ou les vérités cachées qui font la différence parce qu'ils font la pertinence».
Cette «révolution des conversations» s'incarne dans une plate-forme collaborative de blogs fermée et sécurisée, modérée à partir de guides de conversation. «Les Free Thinking Blogs sont un outil flexible, à mi-chemin des blogs et des forums. Ils permettent d'enregistrer de véritables récits de vie et de redécouvrir les tribus qui forment le Web 2.0», explique Xavier Charpentier.
Concrètement, cette approche 2.0 des études quali a été utilisée par Maggi (Nestlé) sur l'impact de la crise sur les femmes qui gèrent le budget alimentaire du foyer. Elle a permis, par l'écoute du récit de 74 contributrices durant quinze jours, d'apporter à la marque une connaissance plus fine des comportements face à la crise du pouvoir d'achat: congélation, achat en masse, retour du «fait maison», etc. Pour Renault, Free Thinking a étudié l'appréciation par les conducteurs de Twizy, minivoiture urbaine dont le lancement est prévu à la fin de l'année. TNS Sofres devrait également proposer une plate-forme de blogs sécurisée à la fin de l'année. «Mais il ne faut pas confondre les moyens et la finalité. Les nouvelles technologies ne sont pas le Graal et “l'insight” est une matière raffinée qui réclame de l'humain», rappelle justement Stéphane Marcel.

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