Dossier
Les places de marché virtuelles d'échange de publicités numériques, ou ad exchange, bousculent le modèle traditionnel de l'achat média en ligne et bientôt, de l'achat média tout court. Visite guidée.

Ad exchange, real time bidding (RTB), trading desk: ces concepts importés des États-Unis agitent le petit monde de la publicité digitale. Tout commence par l'ad exchange, qui est à la fois un média et une technologie. Chaque plateforme est pilotée par un opérateur (Orange, Microsoft, Google, Yahoo, Hi-Media, Facebook, etc.) ou, spécificité hexagonale, par une coalition de régies comme La Place Media et Audience Square.

Leur rôle: centraliser un stock de pages Web apportées par des éditeurs et des régies, appelé inventaire, et les vendre au plus offrant. L'ad exchange se rémunère en prélevant un pourcentage sur les transactions qui transitent par sa plateforme.

La dimension technologique se retrouve dans une place de marché virtuelle équipée de logiciels d'achat et de vente de publicités display (bannières, vidéos). Les acheteurs d'espaces publicitaires disponibles sur ces pages - agences médias, spécialistes du reciblage et trading desks indépendants - se connectent aux ad exchanges pour faire leur marché.
Le mode de vente des pages vues, ou impressions, s'effectue au coût pour mille (CPM). Les transactions se font selon un principe d'enchères (le «bidding») et de manière quasi instantanée: moins de 120 millisecondes entre le moment où l'internaute consulte une page Web et celui où la publicité qui a remporté l'enchère apparaît sur cette page. C'est l'aspect «real time», ou temps réel.
Cet écosystème ne serait pas complet sans les fournisseurs de données sociodémographiques et comportementales issues de l'analyse des cookies, comme Exelate, Weborama, Specific Media, appelés «data provider», qui servent à mieux cibler l'internaute qui va recevoir la publicité sur son écran.
Avantage majeur de ce nouveau modèle: il simplifie et accélère le processus de commercialisation des publicités display, qui, avant l'irruption des ad exchanges et du RTB, était lourd et complexe. «C'est un processus laborieux et chronophage qui a freiné le développement du display», confirme Sophie Poncin, directrice déléguée d'Orange Advertising.

 

Une révolution en marche

Selon Next Mark, spécialiste américain du médiaplanning, un processus traditionnel comporte 42 étapes effectuées par une douzaine d'intervenants. Et d'après Google, cette complexité a un coût: 28% du budget publicitaire global, contre 2% seulement en télévision. NextMark est un peu moins sévère, avec environ 10% à 12% du budget. Des pourcentages qui expliquent cette ruée vers les ad exchanges.
Les ordres d'achat et de vente étant automatisés, le processus de commercialisation est plus simple, plus rapide, moins cher et plus précis grâce aux données de ciblage: le RTB, via les ad exchanges, est paré de toutes les qualités par ses utilisateurs.
Pour Erik-Marie Bion, directeur général de la division advertising et online chez Microsoft, «c'est une révolution qui est en marche. Tous les médias vont passer au digital. D'ici à trois ans, un gros tiers du marché display suivra ce modèle». Une proportion qui pourrait même atteindre 50%, selon Grégoire Peiron, directeur des solutions d'achat média de Google France.
Yann Depoys, responsable publicité Europe chez Ebay, est plus pondéré: «Il s'agit d'une révolution concernant le mode opératoire, mais plutôt d'une évolution de l'achat média, qui continue d'exister sous sa forme traditionnelle.»
D'après l'IAB (Interactive Advertising Bureau), les ad exchanges sont un nouveau modèle économique qui permet de passer d'une logique d'achat d'espaces (les impressions) à une logique d'achat d'audience (les cibles qui regardent les publicités).
«C'est nouveau et cela change tout. Chaque impression est associée à une donnée de ciblage, ce qui améliore fortement les performances des campagnes display», estime Sophie Poncin. Brigitte Cantaloube, directrice générale France de Yahoo, évoque un «effet vertueux: l'annonceur optimise ses achats en temps réel et touche des audiences qualifiées, et l'éditeur peut vendre plus efficacement une partie de son inventaire».
Au départ, les ad exchanges servaient principalement à commercialiser les invendus, ces milliers de pages Web sur lesquelles aucun annonceur ne voulait placer sa bannière.
Mais pour Grégoire Peiron, «cette notion d'invendus ne veut pas dire grand-chose. Ces espaces ne sont pas obligatoirement de mauvaise qualité».

Mickael Ferreira, directeur Europe d'Hi-Media Ad exchange, estime lui que «la question des inventaires peu qualitatifs est en passe d'être réglée avec l'arrivée de nouveaux acteurs, comme La Place Media et Audience Square, qui proposent des contenus premiums et rassurent les annonceurs».

 

L'ad exchange vidéo

La vague du RTB atteint aujourd'hui d'autres formats. Hi-Media a ainsi lancé un ad exchange pour les newsletters, «un moyen de maximiser les revenus des éditeurs sur un inventaire mal monétisé», selon Mickael Ferreira. La vidéo, un support en forte croissance (+50% en 2012 pour le format in stream, selon le Syndicat des régies Internet et Capgemini) et très apprécié des annonceurs, a dorénavant ses ad exchanges spécialisés.
La régie Sticky Ads TV, par exemple, a lancé en novembre dernier Sticky Xchange, «première place de marché vidéo premium en Europe», selon la société. L'ad exchange Alliance marketplace de Piximedia permet de piloter en temps réel l'achat et la vente de formats vidéo et rich media.
Advideum, régie multi-écrans, et Tradelab, trading desk indépendant, viennent de réaliser une campagne vidéo achetée en RTB pour le compte d'un annonceur de l'industrie pharmaceutique. Elle s'est déroulée sur un inventaire «first view», soit la première publicité in stream vidéo vue dans la journée, avec comme cible les femmes âgées de 25 à 49 ans.

Pour Julien Leroy, fondateur d'Advideum, «cette innovation est intéressante pour les éditeurs, car mettre à disposition leur première impression en RTB va leur permettre d'optimiser leur CPM en la proposant à un prix plus élevé que ceux habituellement pratiqués».
Malgré l'engouement général, la part des ad exchanges dans le marché du display (649 millions d'euros en 2012) reste encore modeste, avec environ 8% du total. Pas encore de quoi écraser un médiaplanning à l'ancienne qui reste très important, notamment dans le cadre des opérations spéciales.

Encadré

 

Glossaire

 

Ad exchange : plateforme automatisée de vente et d'achat d'espaces publicitaires.

Ad network : réseau publicitaire constitué d'un ensemble de sites regroupés dans une offre packagée.

Data provider : fournisseur de données tierces.

Demand Side Platform (DSP) : logiciel d'optimisation des achats d'espaces publicitaires display.

Real time bidding (RTB) : vente aux enchères en temps réel.

Supply Side Platform (SSP) : logiciel d'optimisation des ventes d'espaces publicitaires display.

 

Trading desk : agence qui achète sur les ad exchanges pour le compte d'un annonceur. Il peut être indépendant ou intégré à une agence média.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.