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Alors que le marché de l’achat d’espace est dynamisé par une multitude de compétitions, les agences médias font assaut de recrutements, de nouvelles structures et de nouvelles offres.

Morose, l'année 2013? La conjoncture économique est de fait préoccupante, tout comme les derniers chiffres de diffusion de la presse. Pourtant, en réaction peut-être à la bourrasque ambiante, les agences médias font preuve d'une certaine vitalité: nouvelles offres, nouvelles structures, rachats, redécoupage de leurs activités, recrutements de haut niveau... Et ce, alors que le marché est agité par l'organisation de plusieurs grosses compétitions.

Notamment à l'initiative de grands annonceurs français (Danone, Groupe La Poste, Chanel, Aéroports de Paris, RATP, Service d'information du gouvernement, EDF à l'échelle européenne...) mais aussi de marques internationales comme LG et HSBC. Certains annonceurs mènent aussi des «reviews» faisant un tour de table des propositions d'agences sans pour autant lancer de compétition formelle: ce serait ainsi le cas d'Orange, actuellement chez Havas Media, qui n'a toutefois pas souhaité faire de commentaire à ce sujet.

Outre ce volet business (lire aussi l'encadré), les rapprochements, rachats et autres entrées au capital ont tout autant agité le secteur. A commencer par la finalisation, fin avril, du rachat du groupe Aegis par le géant japonais de la publicité Dentsu, pour un montant de 3,16 milliards de livres, soit 3,73 milliards d'euros. Vincent Bolloré, principal actionnaire d'Havas, ayant décidé de se désengager du géant britannique du conseil média et de l'achat d'espace. Cette acquisition a débouché sur la création de Dentsu Aegis Network, basé à Londres.

Entre les désormais collègues des deux groupes, «la réflexion est engagée sur des sujets comme le développement du portefeuille clients, le digital, le mobile - dont les usages en Asie sont plus développés - le marketing sportif sur lequel Dentsu a un coup d'avance», explique Thierry Jadot, président d'Aegis Media France, par ailleurs à la tête du groupe pour la Belgique, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Après avoir cherché en vain un partenaire en 2011, via la banque d'affaires Bryan Garnier, l'agence indépendante My Media s'est renforcée en 2013 avec l'arrivée à son capital de Dzeta Conseil, fonds d'investissement créé par Claude Darmon, qui prend plus de 50% du capital, pour un montant non communiqué. Elle affiche 10 millions d'euros de marge brute pour 2012. «Nous avons parmi nos clients historiques des pure players comme Zalando, qui a doublé son budget media, et venons de gagner Sixt», précise Anthony Ravau, PDG de My Media qui n'exclut pas de croître à l'international et de se lancer dans des acquisitions, «par exemple dans le CRM ou le digital».

Changements de dirigeants

Autres faits marquants de ces derniers mois, les changements de dirigeants. Le 19 mars dernier, un communiqué de Group M annonçait les départs du duo historique Eryck Rebbouh et Bruno Kemoun, coprésidents de KR Media et de Group M France depuis juillet 2011. Le tandem s'oriente vers «un nouveau projet entrepreneurial axé sur le conseil stratégique à forte valeur ajoutée destiné aux entreprises et aux médias», précisait alors le communiqué, qui prenait soin d'ajouter qu'ils continueront d'accompagner les clients du groupe. Depuis, Jean-Philippe Bertaux a été nommé directeur général de KR Media, la présidence de Group M France est à ce jour encore vacante.

«Eryck Rebbouh et Bruno Kemoun restent contractuellement attachés au groupe. Mais leur départ était planifié dès le rachat de KR Media par Martin Sorrell, il y a deux ans: ils prenaient la présidence de Group M, le temps de le redresser», explique Alexandra Chabanne, co-présidente de Group M Interaction.

Dans le même groupe, Arnaud Serre a quitté la présidence de MEC (ex-Mediaedge-CIA). Il a été remplacé par Dominique Guérin, directrice générale adjointe, et Axel Dumont, directeur général adjoint en charge de l'international, tous deux promus directeurs généraux. Selon nos informations, Arnaud Serre pourrait annoncer cette année la création d'une agence de conseil.

Havas Media, lui, s'est offert une belle prise en annonçant, début avril, l'arrivée de Raphaël de Andréis. Un retour au bercail pour ce dernier, après quatorze mois passés chez Canal+ pour diriger les activités de télévision payante du groupe, puisqu'il a passé près de seize ans chez BETC.

«Yannick Bolloré et Dominique Delport m'ont appelé courant mars [alors que Dominique Delport venait d'être promu patron du réseau mondial de Havas Media]. J'ai été un homme de programmes pendant plus d'un an. Or, l'enjeu pour demain sera de savoir comment les marques articuleront leur communication autour d'une plateforme d'engagement, des programmes», précise Raphaël de Andreis.

Bon nombre d'agences ont également revu leur organisation ou se sont dotées de nouvelles entités. Havas Media a rapproché fin 2012 l'ensemble de ses équipes au sein de Havas Village, à Puteaux. «Le concept de Village, qui permet d'intégrer conseil média et création, va être répliqué à Milan et à New York en mai», précise Dominique Delport, PDG de Havas Media France et nouveau patron opérationnel de Havas Media Group.
Zenith-Optimedia, de son côté, s'appuie plus que jamais sur ses structures existantes: Moxie, son agence de «creative entertainment» (création et brand content) créée en mars 2012, Performics (marketing à la performance), MFCG (structure créée en 2012 pour gérer le budget Ferrero) ainsi que Casablanca, agence spécialisée dans le placement de produits. «Casablanca a intégré nos locaux en avril. Cela nous permettra de mieux intégrer notre offre cinéma par rapport à nos métiers et nos réseaux», précise Sébastien Danet, président de Zenith-Optimedia.

Création sociale enrichie

Omnicom Media Group, pour sa part, s'est réorganisé en se dotant de nouveaux pôles. Révolution, créée en février et dirigée par Christophe Dané, directeur général en charge des activités digitales d'OMG, est consacrée à la performance. Une autre entité consacrée au social media, dont le nom et la fonction n'ont pas été précisés, va voir le jour. Elle englobera l'agence de brand content Fuse et sera supervisée par Yannick Wittenauer, DG de cette dernière. Enfin, bientôt une nouvelle structure sera consacrée à la data, dirigée par Corinne Abitbol, jusqu'alors directrice générale du département Etudes et Recherche. «Nous avons restructuré nos métiers autour de ces pôles au lieu des traditionnelles activités search, display, etc.», résume Bertrand Beaudichon, vice-président d'OMG, par ailleurs président de l'Udecam.
Parallèlement, comme OMG avec Fuse, plusieurs agences ont engagé une réflexion sur l'évolution de leurs structures consacrées au brand content, créées pour la plupart il y a environ deux ans. Chez Group M, l'équipe d'Arthur Schlovsky a été fusionnée avec celle de conception-rédaction digitale au sein d'une nouvelle entité social media, dont le nom n'a pas été précisé. Dirigée par Jean Nasr, Laure Tainturier et Laurent Buanec, elle est intégrée au sein de Group M Interaction.

Enfin au sein de Vivaki (Publicis Groupe), «l'équipe de création de Moxie a été étoffée. Il faut s'éloigner de l'opération spéciale et s'orienter vers de la création sociale enrichie, essentiellement digitale», explique son président Sébastien Danet.

Le social média et le brand content sont des sujets encore neufs sur lesquels les agences médias construisent leur courbe d'expérience. «Aucune agence média n'est parvenue à être légitime sur le brand content. Notre métier consiste à garantir une visibilité. On a fait des opérations sans en mesurer l'efficacité additionnelle par rapport à nos plans médias», tranche Bertrand Beaudichon.

«On doit ouvrir les silos, aller vers le social media, la création et se rapprocher du planning stratégique», estime Thomas Jamet, président de Moxie et de la commission Brand content et innovation à l'Udecam.
Au final, la crise n'épargne toutefois pas les agences qui restent attentistes et recrutent peu. Les embauches qui sont faites visent en priorité de nouveaux types de profils, liés au développement des activités technologiques, aux data et aux ad-exchanges: développeurs, statisticiens, ingénieurs, économètres... «On regarde attentivement les profils issus de filières des troisième cycle statistiques ou diplômés de l'ENSAE [Ecole nationale de la statistique et de l'administration des entreprises]», précise Olivier Mazeron, co-président de Group M Interactive.

 

Encadré

Les principaux gains de budgets

Zenith-Optimedia: GDF-Suez, Omega Pharma et Kayak

Starcom: Heineken, Europcar et Novartis

Havas Media: General Mills (Häagen-Dazs, Old El Paso, Géant vert), Philips et Crédit agricole.

Group M: SFR, Fiat, Johnson & Johnson, Allianz, Bose, Vivarte et Ecosystème

Universal Media: Bwin pour l'Europe

OMG:

Aegis Média: Mondelez International, Europe hors Grande-Bretagne (Carat), Burberry International, niveau monde (Vizeum)

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