Ancienne responsable du développement durable chez Havas Media, Alice Audouin est aujourd'hui consultante indépendante. Elle publie un livre intitulé «L'écologie, c'est fini. Qu'en pensent les experts?» (1)

L'écologie décline depuis 2009, expliquez-vous dans votre livre. Pourquoi?


Alice Audouin. Cela tient à plusieurs événements: l'échec du sommet de Copenhague puis de Rio +20, les attaques répétées contre des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), l'essoufflement du Grenelle de l'environnement, le faible engagement du nouveau gouvernement et la stigmatisation du «greenwashing» dans les publicités. De plus, avec la crise, la menace sur l'emploi supplante la question de l'environnement. L'écologie apparait comme un ennemi possible de la croissance.


Ce déclin n'est-il pas symbolisé en France par l'échec cuisant des écologistes lors de la présidentielle de 2012?

 

A.A. Eva Joly a préféré défendre des thématiques sociales. Il est dommage que Nicolas Hulot ait été mis hors-jeu. C'est quelqu'un qui a une valeur iconique grâce à son émission. L'écologie a disparu aujourd'hui des débats à l'exception des sujets de discorde, elle a cessé d'être consensuelle pour devenir controversée.


La consommation dite responsable ne marque-t-elle pas aussi le pas?


A.A. La société ne s'est jamais autant définie que par la consommation dans tous ses excès, l'accélération des nouveautés, la dévalorisation des marchandises engendrée par la gratuité, le succès des produits jetables ou encore l'obsolescence programmée. Cette consommation entraîne une augmentation des émissions de CO2. Seuls les produits bio progressent. En 2011, le marché a crû de 10% pour atteindre les 4 milliards d'euros.


Le prix apparaît comme un frein au développement des produits verts.


A.A. Les Français pensent que les produits écologiques sont destinés à une population aisée. La consommation écologique est perçue comme une niche. Il y a aussi un doute sur la valeur de la démarche, dû aux controverses sur les bienfaits du bio, à la multiplication des labels ou encore à la suspicion d'opportunisme de la part des grandes entreprises qui concentrent souvent leur effort écologique sur une seule gamme, un seul produit, une seule dimension du produit - le packaging par exemple - ou sur la publicité. Les consommateurs ne comprennent pas qu'acheter aujourd'hui très bon marché des produits importés, carbonés et transformés, signifie une aggravation de la pollution et du réchauffement climatique, des conséquences qui demain contribueront à faire augmenter les prix de ces produits.

 

Dans l'entreprise, la dimension environnementale est perçue à la fois comme une opportunité et une contrainte.


A.A. Oui. C'est l'opportunité de répondre aux attentes de consommateurs, de bénéficier d'un surcroît de croissance et d'améliorer l'image de marque de l'entreprise. Mais la préservation de l'environnement est également perçue comme un coût. Selon une étude d'Accenture, une majorité de responsables d'entreprises pensent que cela coûte plus cher d'intégrer le développement durable dans leur business. Un investissement que l'entreprise ne veut pas répercuter sur les prix. Elle préfère ne pas entreprendre d'efforts environnementaux décisifs. Ce sont les décisions de court terme qui prévalent.


Heureusement des contre-tendances et des entrepreneurs d'un nouveau genre donnent des raisons d'espérer.


A.A. Des marques écoresponsables, comme les baskets Veja, les vêtements Kami, les bijoux JEM ou la Bluecar, mettent fin à la vision moraliste de la consommation durable. Si les produits désirables ne font pas beaucoup d'efforts pour devenir plus écologiques, c'est aux produits écologiques de devenir plus désirables. De nouveaux modes de consommation favorisés par Internet apparaissent. Le troc, les ventes et les achats en ligne de produits d'occasion, la location et le partage se développent. Enfin, le boom du retour au local et du Made in France signifie moins de transports, un bon point pour l'écologie.

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