Dossier
Toujours pas de plans de recrutement massifs à venir dans la communication, le marketing ou les médias. En revanche, le digital crée des opportunités. Tour d’horizon des secteurs qui recrutent.

La reprise en cette rentrée, c'est l'Arlésienne: tout le monde en parle mais personne ne l'a encore aperçue. Certes, l'Insee a bien révisé à la hausse le PIB du deuxième trimestre (+0,5%, contre une prévision de +0,2%). Certes, PWC évoque bien une croissance annuelle de 10% dans le digital pour l'industrie des médias et des loisirs au cours des cinq prochaines années. Mais, pour l'heure, pas de quoi enclencher un rebond important du marché de l'emploi. A fortiori dans le secteur de la communication et des médias, toujours en bout de chaîne en matière de reprise économique - les annonceurs attendent que tous leurs voyants soient au vert avant de relancer leurs investissements publicitaires...

Résultat, dans les agences ou les médias, aucune trace pour l'instant de plans de recrutement dignes de ce nom, qui génèreraient des dizaines de créations de postes. Sur la trentaine d'entreprises que nous avons interrogées, rares sont celles qui ont des actions concrètes à annoncer. Et la plupart se refusent à se projeter en 2014. Leurs échéances semblent de plus en plus proches: comme si leurs activités s'apparentaient aux prévisions météorologiques, avec très peu de visibilité au-delà de sept jours.

 

La révolution des ad exchanges

Il faut dire que les chiffres de 2013 incitent à la prudence: l'emploi salarié dans le secteur de l'information et de la communication a gagné 0,6% au premier trimestre, puis reperdu 5,4% entre avril et juin. Sur un an, à fin juin, il représente 701 000 emplois salariés et a régressé de 5,6%. Une mauvaise conjoncture qui se retrouve dans le nombre d'offres diffusées par l'Association pour l'emploi des cadres (Apec): sur 12 mois (entre juillet 2012 et 2013), les offres dans la fonction communication sont en recul de 14%, dans l'édition et le journalisme de 1% - mais à un niveau traditionnellement très faible, de 529 offres. Et ce n'est pas mieux côté marketing: - 10%. Seule la fonction création voit ses offres augmenter: +7%, mais avec un volume également peu significatif. Comment cela se traduit-il concrètement dans les entreprises du secteur de la communication et du marketing?

D'abord, il y a peu d'embauches du côté des médias, qui sont toujours confrontés à une conjoncture difficile (voir article p.38). Les régies commencent à souffrir de la montée en puissance des «ad-exchange» (place de marché automatisant l'achat et la vente des espaces publicitaires). «D'ici à la fin de l'année, les effectifs dans les régies auront reculer de 30%, prédit même Damien Crequer, associé du cabinet de recrutement Taste RH. Déjà, depuis quelques mois, les embauches de commerciaux ont été stoppées net.»
En parallèle, les nouveaux acteurs du secteur des ad-exchange (Appnexus, la Place Media, Audience Square, Rubicon Project...) continuent de créer des emplois mais dans des niveaux relativement limités : «Il s'agit en majorité de profils technologiques, mais il y a aussi des postes de commerciaux, de consultants...», complète l'associé de Taste.

 

Multiplication des expertises 

Pour leur part, les agences de publicité restent prudentes et n'envisagent bien souvent des embauches qu'en cas de gains de nouveaux budgets. Or, en ce moment, il y a beaucoup de compétitions d'agences, et le digital en est l'un des principaux enjeux. «Avec la multiplication de nouvelles expertises (gestion de la relation client, e-commerce...), le même annonceur a en moyenne dix agences pour le même budget, là où il n'y en avait que quatre il y a une dizaine d'années, constate Fabrice Valmier, directeur associé du cabinet de conseil VT Scan. J'ai récemment réalisé une mission chez un gros distributeur qui manageait dix-huit agences digitales...»
Pour ne pas passer à côté d'une compétition, «les agences classiques complètent leurs équipes en intégrant des expertises techniques: mobiles, réseaux sociaux, e-commerce ou gestion de la relation client, constate Pierre Cannet, fondateur du cabinet de recrutement Blue Search. Et quand elles gagnent de nouveaux budgets, elles recrutent des teams digitales».
Même si les cabinets constatent un début de reprise sur certains segments: «L'activité commence à redécoller depuis avril en particulier dans le design ou la santé, remarque Damien Crequer. On nous confie à nouveau des missions pour des postes de directeur artistique ou directeur de clientèle... mais orientés Web.»
Du côté des agences digitales, après plusieurs années de croissance rapide, l'heure est à la stabilisation du périmètre, même s'il y a encore un peu de recrutements.
Les agences médias, pour leur part, renforcent leurs équipes digitales, avec des créations de postes sur des expertises pointues (voir p.38) comme le data-mining (analyse de données), le trading (ad-exchange) ou les médias sociaux...

«Chez l'annonceur, on compte peu de recrutements dans les départements marketing et communication depuis la fin d'année dernière, cela s'est particulièrement ralenti dans les secteurs des services et de la grande consommation, constate Martin Villelongue, directeur de la division digitale, médias et communication du cabinet de conseil en recrutement Michael Page. Même si cela va un peu mieux côté banque et assurance, énergie et industrie.» Le cabinet se voit confier davantage de mandats pour des postes opérationnels (attaché de presse, chargé de communication) que pour des fonctions de direction de la communication. «Les activités liées au e-commerce ou au marketing digital (social media management, optimisation du référencement...) continuent de se renforcer», poursuit Martin Villelongue.

 

Des spécialistes du e-commerce 

Au sein des grands groupes, la connaissance du client exige encore des experts: «Les sociétés sont en quête de "data-miner" ou chargé d'études en "data-mining", de responsables fidélisation ou de directeurs marketing client», enchaîne Pierre Cannet. Certains grands groupes qui ont ouvert récemment leurs propres boutiques en ligne, à l'instar de L'Oréal voilà quelques mois, se mettent à chercher les mêmes profils que les acteurs du e-commerce, en matière d'acquisition de clients en ligne ou de gestion du site. «Il y a pas mal de postes d'"e-merchandiser" à pourvoir actuellement, constate le dirigeant de Blue Search. Cet expert est chargé de gérer le magasin virtuel: mise en ligne des produits, gestion des promotions...»

Par ailleurs, de nombreux pure-player continuent à se structurer et à étoffer leurs équipes marketing, qu'ils exercent dans l'e-commerce, les applications mobiles, les réseaux sociaux... Cinq exemples: les français Showroom privé ou le Bon coin, qui continuent de croître, ou les américains Facebook, Twitter ou Pinterest qui renforcent les équipes de leurs -tous nouveaux- bureaux français (voir P.X).

En traversant l'Atlantique et en débarquant dans l'Hexagone, ces stars du Net ont-elles apporté la reprise dans leurs valises? «Comme les entreprises ont manqué de visibilité durant le premier semestre 2013, cela a eu un impact sur les prises de décision et a rallongé les processus de recrutement, en particulier pour les postes de direction, constate Marc de Torquat, directeur France du cabinet international de conseil en recrutement Shefferd. Illustration avec Twitter, qui a eu du mal à embaucher son dirigeant français. Mais, en septembre, les sociétés sont poussées par la dynamique positive de l'été et commencent à plancher sur leurs plans de développement 2014, et elles ont envie d'y croire.» C'est parti?

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