En janvier dernier, l’Anaé, Le Raffût et la délégation événementielle de l’AACC fusionnaient pour créer L’Evénement, unique représentation du métier des agences événementielles. Rencontre avec son président Bertrand Biard, par ailleurs cofondateur de Manifestory.

En fédérant 80% des agences, L’Evénement occupe une position privilégiée pour analyser le marché. Comment se porte-t-il ?

Bertrand Biard. Il vit dans le paradoxe. Nous sommes soutenus par le besoin qu’ont les communicants de créer de plus en plus l’évènement. Tous les feux au vert pour parler d’un marché de croissance. Pour autant, il existe aussi des contraintes très fortes. Elles sont structurelles, avec des délais de conception et de production de plus en plus courts. Elles sont aussi conjoncturelles, avec une crise financière qui a encore un impact sur le montant des budgets et la visibilité des opérations. Plus récemment,  le climat de crainte n’a pas aidé notre métier. Mais ce moment est particulier, car nous démontrons aussi que notre media est stratégique pour rassembler dans ces périodes de crise. Dans un monde où chacun cherche à créer des aspérités relationnelles, il ne représente plus une dépense mais un investissement.

 

Une profession longtemps complexée se sent donc enfin reconnue ?

B.B. La profession ne s’est pas décomplexée, elle s’est technicisée et répond simplement à la nouvelle réalité des briefs. Nos clients demandent aujourd’hui des réponses globales par problématique. Les appels d’offres mettent pour cela en concurrence différents ADN. Or, nous avons dans nos gènes le savoir-faire de l’agrégation des expertises et des talents. Nous  avons également beaucoup évolué en matière de stratégie et de création. Nous sommes donc très bien placés dans cette nouvelle configuration.

 

Une nouvelle configuration qui génère une concurrence plus ouverte, donc plus dangereuse…

B.B. Il existe un décloisonnement du marché, c’est vrai. C’est peut être un danger, forcément un enjeu. Mais nous avons une vraie carte à jouer, celle de savoir à la fois créer et assembler. Notre profession reste l’une des seules à savoir aussi bien parler à un électricien, qu’à un DA, un réalisateur vidéo ou un community manager. C’est une force.

 

Pour beaucoup, la tendance du brand content ouvre un nouveau marché porteur. Partagez-vous ce point de vue ?

B.B. Ce sujet consacre surtout la prise de pouvoir très forte de l’individu, qui, avec son seul smartphone, détient une force de frappe plus puissante que le plan de communication d’un annonceur. Dans cette mouvance, le storyliving, le fait de vivre une expérience, devient forcément plus crédible que le storytelling, qui se résume à la seule histoire. Mais cette tendance me fait peur. Avec des canaux qui se développent à l’infini, la prise de parole permanente devient la norme, alors qu’elle dessert les annonceurs comme les agences. Restons intelligents et intelligibles. Le silence aussi est un vrai message, et nous avons, en tant qu’agences, un rôle de conseil en la matière.

 

Quels prochains grands défis pour les agences d’événement ?

B.B. Le modèle structurel et économique. Reposant essentiellement sur un mode collaboratif sans récurrence, il nous pénalise sur tous les plans : visibilité, gestion, développement, investissement et bien sûr recrutement.  

 

Ce modèle de collaboration semble pourtant indétrônable. Comment changer les choses?

B.B. Dialoguons d’abord avec les annonceurs pour instaurer les mêmes modes relationnels que ceux des autres métiers de communication.  Mais cela ne suffit pas. Les agences auront à terme beaucoup de mal à se différencier dans un environnement de plus en plus concurrentiel. Nous devons repenser nos modèles. Je crois notamment beaucoup en nos qualités de concepteur-producteur. En inventant nos propres événements, nous créerons à la fois des marques et de l’actif. Les événements propriétaires représentent un risque, mais peuvent aussi rapidement devenir vertueux, en proposant de nouvelles opportunités économiques et créatives pour les agences, mais aussi de nouveaux territoires pour les annonceurs.

 

Mais que pensez-vous de cette logique d’appel d’offres imposée par l’annonceur ?

B.B. Personne ne sort gagnant de ces appels d’offres qui nous coûtent très cher, pas même les annonceurs. Les dispositifs proposés ne sont pas conçus pour être les plus pertinents mais pour être gagnants. En parallèle, il n’est pas rare de voir des enveloppes de 25 à 30 000 euros investis sur des compétitions de moyenne envergure, et cette course épuise nos équipes sur le plan créatif. Des centaines de milliers d’euros et des ressources se volatilisent dans la nature chaque mois sans rien produire.

 

Essayez-vous de changer les choses ?

B.B. Nous dialoguons, encore, pour démontrer qu’un contrat pluriannuel n’entrave pas le challenge créatif. Et quand un grand patron m’appelle spontanément pour retravailler ses process d’appels d’offres, je me dis que nous sommes sur la bonne voie. Mais nous devons aussi agir à titre individuel, faire preuve de courage, de solidarité. Nous devons accepter en tant qu’agence de ne pas rentrer sur certaines compétitions, mais également expliquer à nos clients ce que nous attendons. Quand cent entreprises répéteront la même chose, nous aurons du poids. Enfin, L’Evénement met à la disposition de ses adhérents un système d’alerte protégée par l’anonymat pour agir à posteriori. Une alerte vérifiée dans sa réalité déclenche a minima un courrier de notification, et peut aller jusqu’à la saisie de la Présidence de la société commanditaire ou la publication d’un communiqué de presse.

 

Quelles sont vos autres grandes priorités pour cette année ?

B.B. D’abord celui de la définition du ROI spécifique à nos métiers. Le rassemblement et l’événement ont une valeur économique, même si elle ne rentre pas dans les scopes analytiques des entreprises. Nous travaillons donc à la création d’un outil de mesure pour la fin de l’année, capable d’intégrer des critères objectifs autant qu’immatériels, comme la force de l’émotion ressentie par exemple. Nous menons également un grand chantier innovation et créativité, pour continuer à nourrir les agences, et pourquoi pas définir leur nouveau rôle d’incubateur dans l’écosystème. Tout reste ouvert. Enfin, nous devons réfléchir à une nouvelle manière de communiquer sur notre profession pour casser les idées reçues.

 

A six mois d’existence, quels sont vos premiers succès pour la profession ?

B.B. Nous avons réalisé une web-émission montée avec beaucoup de réactivité sur l’état d’urgence qui a fortement mobilisé la profession. Un projet d’école dédiée aux métiers de l’événementiel se dessine également. En parallèle, nous avons une présence active dans les réseaux européens de référence, comme le réseau Live Com Alliance et le board de l’European Best Event Awards pour porter la french touch et échanger sur de bonnes pratiques avec nos homologues européens. Nos actions auront plus de poids qu’elles pourront se généraliser et s’internationaliser.

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