La crise n'épargne aucun marché, pas même le luxe. Sauf en Chine, pays aux 500000 millionnaires et nouvelle terre promise des marques haut de gamme.

«Le consommateur chinois de luxe a changé à tous les niveaux.» C'est le constat de Hans Lopez-Vito, directeur du planning stratégique chez BBDO China. S'appuyant sur l'expertise de ses agences locales et de Proximity Live Shanghai, le réseau publicitaire d'Omnicom voit la Chine comme «le nouvel eldorado des marques de luxe».

Aisé, jeune, de moins en moins «bling-bling», le CSP+ de Pékin, Shanghai ou Shenzen est devenu une cible de choix pour les fabricants de produits haut de gamme. D'autant que les nouveaux riches "made in China" semblent peu affectés par la crise qui secoue l'économie mondiale depuis un an. Interrogés par BBDO en septembre dernier, ils étaient 47% à déclarer que leur situation financière était meilleure qu'un an auparavant, et même 67% à penser qu'elle sera encore meilleure en 2010 !

Autre enseignement intéressant: ces nouvelles fortunes sont jeunes. L'âge moyen du millionnaire chinois est de 39 ans et 7 des 10 plus grandes fortunes ont moins de 45 ans. Dans l'ex-Empire du milieu, l'acheteur de Ferrari a entre 35 et 45 ans, soit 10 ans de moins que son homologue américain ou européen.

Une aubaine pour les marques automobiles haut de gamme, dont les ventes chutent sur les marchés américain, japonais et européen, alors qu'elles décollent en Chine. Porsche a par exemple choisi de présenter sa Panamera (premier modèle quatre portes de la marque) au Salon de Shanghai en avril dernier plutôt qu'à celui de Genève, qui avait lieu en mars.

L'amateur de luxe chinois est également moins adepte du clinquant. «Il est de plus en plus exposé à autre chose que des marques: l'art, avec une scène artistique locale très dynamique, la culture, les voyages, etc. La connaissance est devenue la nouvelle valeur», estime ainsi Hans-Lopez Vito.

Une connaissance que le consommateur chinois aisé va d'abord chercher sur Internet, devenu le principal outil pour trouver aussi de l'information sur les centres d'intérêt des consommateurs chinois, dont le luxe: 45% des 360 millions d'internautes (contre 227 millions aux États-Unis) visitent des sites de marques, 35% fréquentent les forums et 34% les blogs.

"Made for China"

D'après le Hurun Report, un éditeur spécialisé dans le secteur du luxe en Chine, à la question «Quel est votre loisir préféré ?», les CSP+ chinois répondent voyages, natation, golf, vie de famille et… dégustation de thé. Une occupation au goût nippon qui dénote une vraie sophistication, héritée des mandarins et autres lettrés, qui existait déjà au VIIIe siècle avant notre ère. Les riches consommateurs de Pékin ou Shanghai réclament désormais aux marques de luxe plus d'histoires et de mythes et moins de logos tape-à-l'œil.

Bien sûr, la Chine est multiple, et les consommateurs de marques haut de gamme aussi. BBDO a défini une typologie qui classe les amateurs de produits de luxe en quatre catégories: l'arrière-garde (28%) peu sensible aux marques, les intellectuels (35%), adeptes de produits classiques, les suiveurs (22%) et les passionnés (15%), plus démontratifs.

Mais ces catégories évoluent. Les Chinois aisés redécouvrent leur culture: «On passe du made in China au made by China et même au made for China», estime Angelito Tan, managing partner chez Proximity Live. Ainsi, des marques comme Gucci ou Cartier intègrent des symboles chinois (dragons, idéogrammes) à certains de leurs produits.
Autre tendance forte: l'émergence d'un consommateur «vert», soucieux d'environnement mais également de responsabilité sociale de la part des entreprises, face aux nombreux scandales qui ont récemment secoué le pays (lait frelaté, fonctionnaires corrompus, magnats emprisonnés, etc.). «C'est un style de vie scandaleux que de conduire une BMW quand on n'a que de l'eau sale à boire», a déclaré Zhou Shengxian, ministre de la Protection de l'environnement, en juin dernier.

Désir identitaire

Pour communiquer vers ce riche client en pleine évolution, BBDO propose aux fabricants de produits de luxe de mettre l'accent sur le design, la qualité, l'héritage et la performance. Moins d'événements extravagants et plus de RP traditionnelles, c'est l'une des recettes de l'agence. Sans oublier de renforcer la distribution, de flatter le nationalisme et surtout de parler mandarin (ou cantonais dans le sud), l'immense majorité des Chinois ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare.

Autre stratégie de communication efficace: utiliser les célébrités locales, particulièrement les stars de cinéma. C'est ce qu'a fait Versace en s'associant à l'acteur spécialiste des arts martiaux Jet Li. Après le terrible séisme du Sichuan en mai 2008 (70000 victimes, 4000 orphelins), la marque italienne a créé une édition limitée de sa collection dont les bénéfices ont été reversés à la fondation One de l'acteur.

Pour Ferrari, l'agence a collaboré avec des artistes chinois pour, là encore, créer une série limitée de 12 bolides, dont l'une a été mise aux enchères, sur le thème de la Renaissance.

Fiers de leur réussite symbolisée par le succès des Jeux olympiques de 2008, les consommateurs chinois aisés ne veulent plus imiter les Occidentaux. Aux marques de luxe de répondre à ce désir identitaire, car l'émergence de produits haut de gamme made in China est programmée d'ici 10 à 15 ans, selon Hans-Lopez Vito.

 

 

 

La Chine du luxe en chiffres

3e plus grand marché du luxe après le Japon et les États-Unis.

175 millions de Chinois assez riches pour acheter des produits de luxe (250 millions en 2010).

4,7 millions de foyers gagnent plus de 30000 dollars par an.

500000 millionnaires (en dollars).

400 «super-riches» qui possèdent au total 75 milliards de dollars.

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