Les 9 et 10 septembre, entreprises, associations, agences et médias sont invités dans le Lubéron à débattre lors de l'Université d'été de la communication pour le développement durable. L'événement est organisé depuis huit ans par Gilles Berhault (lire entretien ci dessous), président de l'Association communication et information pour le développement durable (Acidd), qui célèbre ses dix ans.

L'occasion de revenir en dix grandes dates sur un concept nouveau défini en 1987 par le rapport Brundtland et qui, lentement mais sûrement, bouleverse les entreprises et notamment les pratiques du secteur de la communication et des médias.

Ces dix ans sont faits de petits et grands événements, des écogestes aux rendez-vous planétaires, d'avancées législatives et politiques, mais aussi scientifiques. Sans oublier des actions de sensibilisation, tels la Semaine du développement durable, le pacte de Nicolas Hulot ou le film d'Al Gore Une vérité qui dérange. L'action des associations a également été importante. Ainsi, Alliance pour la planète, en s'attaquant dès 2006 au «greenwashing» (écoblanchissement), a-t-elle poussé la profession à modifier ses pratiques.

Où en est-on aujourd'hui? Après l'échec du sommet de Copenhague, l'abandon de la taxe carbone, les films alarmistes Home et Le Syndrome du Titanic, les discours publicitaires inadaptés ou encore la forte médiatisation des climato-sceptiques, beaucoup pensent comme Nicolas Sarkozy que «l'environnement, ça commence à bien faire».

Malgré tout, ce mouvement de fond est irréversible. «En dix ans, nous sommes passés du discours à l'action. Aujourd'hui, les services achats, les équipes de recherche et développement, mais aussi les directions marketing ont intégré cette nouvelle donne. Le développement durable n'est plus perçu comme une contrainte, mais comme une opportunité. Elle pousse les entreprises à innover pour rester dans la course», explique Leslie Pascaud, experte en marketing responsable chez Added Value.

Et la communication dans tout ça? «Le secteur avance, mais reste à la traîne», regrette Alice Audouin, responsable développement durable d'Havas Media. Peut mieux faire, donc…

 

2001 - La loi NRE enclenche le mouvement

Votée en 2001, avec un décret d'application en 2002, la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) rend obligatoire l'intégration d'informations sociales et environnementales dans les rapports d'activité des sociétés cotées. Un élément clé qui va les pousser à s'intéresser à une notion encore nouvelle: le développement durable. Depuis, la loi du 10 juillet 2010, élaborée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, est allée plus loin: les sociétés de plus de 500 salariés et d'un bilan supérieur à 43 millions d'euros sont désormais concernées. La nouvelle loi intègre également des critères sociétaux à renseigner (droits de l'homme, corruption, relation avec les consommateurs…), en plus des aspects sociaux et environnementaux. Enfin, pour éviter tout «greenwashing», le rapport doit dorénavant donner la parole aux parties prenantes (ONG, syndicats…). Mieux: ses informations, non contrôlées jusqu'à présent, seront, à l'avenir, certifiées par un «tiers indépendant». De quoi pousser l'ensemble des entreprises à faire toujours plus et mieux: des premiers de la classe, comme Carrefour, prix de l'Ordre des experts-comptables du meilleur rapport développement durable 2010 aux mauvais élèves. Le secteur des médias et de la communication en fait partie. En 2010, seules deux agences ont publié des rapports spécifiques de développement durable: BETC Euro RSCG et Havas Media.

 

2002 - Première Université d'été

Peut-on réaliser un évenement écoconçu en trois jours? Quelle tonalité donner à la communication sur le développement durable? Les ONG vont-elles prendre la place des agences de communication? Depuis huit ans, une foule de sujets sont débattus à l'Université d'été de la communication pour le développement durable. La première édition a lieu en 2002, date du sommet mondial de Johannesburg. A cette époque, seule une poignée de convaincus osent le terme de communication responsable. Depuis, les associations, instances ou clubs de réflexions se sont multipliés chez les communicants. L'année 2007 voit ainsi la naissance d'Adwiser, collectif d'experts «engagés mais pas enragés», dont deux de ses membres, Alice Audouin (Havas Media) et Agnès Rambaud (Des enjeux et des hommes) ont publié aux éditions Eyrolles le premier livre sur la communication responsable. Il fera l'objet, fin septembre, d'une réactualisation. Autre groupe d'échange et de réflexion: le collectif des éco-socio-innovants, créé en 2008 par une dizaine d'agences (Limite, Econovateur, Inoxia, Icom, Eco & Co…). Il se réunira fin septembre pour former créatifs et commerciaux de ses agences membres à la conception de campagnes écocompatibles, sur le fond comme sur la forme.

 

2003 - Sus au sac plastique!

Alors que la première édition de la Semaine du développement durable familiarise le grand public avec ce concept, le sac plastique cristallise les critiques. Erigé en symbole de l'hyper-consommation polluante, ce déchet à base de pétrole, non biodégradable et particulièrement résistant, devient la bête noire de Serge Orru, le directeur général du WWF, à l'origine de son interdiction en Corse en 2003. En France, E.Leclerc, bientôt suivi par ses concurrents, inaugure dès 1996 la guerre au sac plastique jetable à grand coup de publicité, se dotant d'une image de grand défenseur de l'environnement. Le sac plastique, c'est aussi l'emblème du produit jetable qui dépense sans compter des ressources naturelles pourtant limitées. En octobre 2009, Stratégies consacrait sa une à «la fin du jetable», menant l'enquête sur une grande tendance du moment: le produit durable ou comment faire du neuf avec du vieux en offrant une deuxième vie aux objets, vêtements, meubles et autres emballages (Stratégies n°1562). Avec des coups de projecteur sur des entreprises innovantes ou en mutation: Patagonia, pionnier des produits recyclés et recyclables ou Bic, icône du produit jetable qui cherche aujourd'hui à diminuer ses impacts environnementaux.

 

2004 - La Halde ouvre sur la diversité

L'année voit la naissance de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), présidée par Louis Schweitzer, l'ancien patron de Renault, et le lancement de la Charte de la diversité. L'objectif de cette dernière: inciter les entreprises à garantir la promotion et le respect de la diversité dans leurs effectifs. En 2010, le secteur des médias et de la communication reste, encore une fois, en retrait, malgré quelques nominations symboliques, comme celle d'Harry Roselmack (2006), premier journaliste noir à présenter le 20 Heures de TF1. Seize médias ont ainsi été invités, cette année, à rejoindre les 2 800 entreprises signataires: seuls huit avaient jusque-là franchi le pas. Ce qui, en soi, ne veut rien dire: France Télévisions, signataire dès 2004, a été épinglé par le Club Averroes en 2010 pour son manque d'ouverture. Le dossier diversité, point faible du groupe, est aujourd'hui sur le bureau de Rémy Pflimlin. Côté publicité, le dernier bilan sur la diversité présenté par l'ARPP en 2009 fait état d'une lente progression de la représentation ethnique dans les annonces. Certes, il est de moins en moins rare de voir un Noir, un Arabe ou un Asiatique dans un spot ou une affiche. En 2009, le bébé Cadum était ainsi, pour la première fois dans l'histoire de la marque, un métis. Mais les «non-blancs» jouent encore les rôles secondaires, quand ils ne sont pas cantonnés à représenter des sportifs et des rappeurs.

 

2005 - La Toyota Prius fait sensation

Elue voiture de l'année en 2004 aux Etats-Unis, puis en Europe en 2005, la voiture hybride du constructeur japonais (moteur thermique et moteur essence) rappelle que développement durable rime aussi avec innovation et conquête de part de marché. La stratégie marketing de Toyota peut faire des envieux chez les constructeurs automobiles qui, dans l'ensemble, ont pris un sérieux retard en matière de véhicules respectueux de l'environnement. La voiture préférée de Leonardo di Caprio, écologiste convaincu, fait encore aujourd'hui de plus en plus d'adeptes, notamment au Japon, où elle est le modèle le plus vendu. Avec le lancement de la Prius en 1997 au Japon, le constructeur, qui a écoulé plus de deux millions de véhicules hybrides dans le monde, s'est par ailleurs bâti une image de groupe respectueux de l'environnement qui a profité à l'ensemble de sa gamme.

 

2006 - L'événementiel en pointe

Les professionnels de l'événement ont très tôt souhaité s'inscrire dans une démarche responsable. En 2006, l'Anaé (Association des agences de communication événementielle) réussit à convaincre l'ensemble de la filière (traiteurs, prestataires audiovisuels, standistes, loueurs de matériels, etc.) de signer une charte développement durable qui donnera lieu en juin 2007 à l'élaboration d'un guide de l'écoévénement et, en 2009, au lancement sur Internet d'un outil permettant de mesurer, limiter ou supprimer l'impact des événements sur l'environnement. Baptisé Adere, pour Autodiagnostic environnemental pour les responsables d'événements, il a permis l'évaluation de 3 000 événements en 2009. En attendant l'arrivée d'une nouvelle norme internationale, qui sera appliquée pour la première fois en 2012 pour les Jeux olympiques de Londres, les professionnels travaillent aujourd'hui sur les aspects sociaux et sociétaux du développement durable.

 

2007 - La bataille du Grenelle

La campagne pour l'élection présidentielle de 2007 donne lieu à une importante action de lobbying des écologistes, donnant naissance au Grenelle de l'environnement. Nicolas Hulot donne le «la» avec son pacte écologique qui, dans la foulée du Défi pour la terre, mobilise l'opinion publique pour mieux toucher les politiques à la veille de l'élection. En 2006, une coalition d'ONG environnementales baptisée Alliance pour la planète est également créée pour peser sur le débat public. Consciente de l'impact de la publicité, elle s'attaque au «greenwashing», épinglant une trentaine d'annonceurs. Le secteur de la publicité va ainsi se retrouver au cœur du Grenelle de l'environnement. Ce qui aura de multiples conséquences. Le BVP (Bureau de vérification de la publicité) jugé inefficace par les ONG, est appelé à renforcer son système de contrôle. Rebaptisé en 2008 ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité), il s'ouvre à la société civile, examine avant diffusion les campagnes avec arguments écologiques, affine et enrichie ses règles déontologiques, rend des avis sur les plaintes d'associations ou de particuliers. Un bilan maison a prouvé l'efficacité de son système fondé sur l'autodiscipline de ses membres (médias, annonceurs et agences). Mais il reste encore critiqué par bon nombre d'associations.

 

2008 - Premier «Monsieur DD» dans les agences de publicité

Alice Audouin, première responsable du développement durable du secteur de la publicité, un poste créé en 2006 par Havas Media France, ne tarit pas d'éloge sur l'action de Loïc Fel, nommé à cette fonction en 2008 chez BETC Euro RSCG. Une première dans la publicité. «Ce qu'il a réalisé en un an est spectaculaire», explique-t-elle. Le livre d'Alice Audoin sur La Communication responsable, à paraître fin septembre dans une édition réactualisée, fait le point sur les actions d'une poignée d'agences particulièrement motivées: Sidièse, Icom, Inoxia, Le Public Système… Ce qui ne saurait cacher l'inactivité ou la faiblesse des engagements d'une grande partie du secteur. Le développement durable est tout de même devenu stratégique pour les grands groupes: ces deux dernières années, ils se sont organisés pour le mettre en œuvre en interne et auprès de leurs clients. De nombreuses initiatives sectorielles les ont incité à franchir le pas, du côté de l'AACC et de l'UDA (formation, charte d'engagement, etc.). Des outils inédits ont également vu le jour, comme Ecopublicité, premier instrument de mesure de l'impact environnemental d'une campagne. L'AACC travaille actuellement sur une version simplifiée et accessible à l'ensemble de la profession de cet outil commercialisé par Havas Media France. Enfin, la communication sera, fin 2010, le tout premier secteur d'activité à transposer la nouvelle norme ISO 26000, qui définit et clarifie le concept de responsabilité sociétale des entreprises. Un groupe de travail animé par Frédéric Petit, directeur développement durable d'Icom, planche sur le sujet avec diverses parties prenantes (UDA, AACC, Ujjef, WWF…).

 

2009 - Le «greenwashing» a la vie dure

Pour certains, il serait quasiment en voie de disparition, notamment pour l'ARPP. Pourtant Renault, premier annonceur français, continue d'être pointé du doigt pour plusieurs de ses publicités. On se souvient en 2009 du spot vantant les vertus écologiques de sa gamme Eco 2 avec Ellen MacArthur et un véhicule faisant repousser l'herbe sur son passage. En 2010, c'est pour un 4X4 Dacia Duster montré dans un espace boueux que le JDP (Jury de déontologie publicitaire) a épinglé le constructeur: la recommandation développement durable de l'ARPP stipule en effet clairement que les véhicules à moteur doivent être représentés sur des voies ouvertes à la circulation. Enfin, la marque au losange utilise à l'envi les termes «zéro émission» pour qualifier son ambitieux programme de voitures électriques. Ce qui, là aussi, fait bondir certains professionnels. Avec l'avènement du développement durable et de l'analyse des cycles de vie, la promotion d'un produit doit tenir compte de ses conditions de fabrication et de destruction. Renault, pour le 4x4 Dacia Duster, a reconnu un «dysfonctionnement dans le processus de validation de la campagne» tout en rappelant les efforts engagés par l'entreprise pour diffuser des publicités responsables. Notamment la mise en place de sessions de sensibilisation, en 2009, pour ses agences Publicis Conseil et Publicis Dialog. Et une validation de 100% des supports. Comme quoi communiquer de manière responsable n'a rien d'évident.

 

2010 - L'emballage se repense

«Emballage allégé, nature préservée.» Depuis 2010, ce logo estampille plusieurs produits de la marque Repère des centres E.Leclerc. Le distributeur a décidé de réduire ou de supprimer ses emballages pour minimiser ses déchets. Sans oublier de le faire savoir via un spot sur un dentifrice sans étui. Même chose chez Auchan, qui communique depuis février en télévision sur le «discount responsable» et la réduction d'emballage. Danone a, pour sa part, annoncé la disparition des enveloppes en carton recouvrant certains packs de ses marques phares Activia et Taillefine (voir Stratégies n°1585). Système de recharge, produit grand format, matériau allégé ou recyclable… le packaging se met à l'heure du développement durable. Mais le plus innovant reste à venir. «Une véritable révolution industrielle est en cours chez les entreprises, révolution qui va bien au-delà de la réduction ou du recyclage des emballages», explique Fabrice Peltier, fondateur de l'agence Préférence et spécialiste en écodesign. Le packaging d'aujourd'hui a en effet été pensé pour un modèle de grande distribution en libre service accessible en voiture qui est lui-même dépassé. «Il s'agit d'inventer de nouveaux modes de conditionnement, de distribution, de consommation en sachant que le vrai problème, pour l'industriel, n'est pas l'emballage, mais le transport», poursuit Fabrice Peltier. Le consommateur ne devrait pas tarder à s'en apercevoir avec l'avènement de l'étiquetage (ou affichage) environnemental, qui fera l'objet d'une expérimentation en juillet 2011.

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