De ses petites culottes aux T-shirts taille 18 ans, Petit Bateau a su innover pour éviter le naufrage. Une marque patrimoniale qui fête cette année ses 120 ans.

«Maman les p'tits bateaux qui vont sur l'eau ont-ils des jambes?». De cette comptine sont nés un produit phare et une marque célèbre. Nous sommes en 1918 lorsque Pierre Valton, dont la bonneterie inaugurée en 1893 fonctionne à merveille, inspiré par cette chansonnette, décide de donner un coup de ciseau révolutionnaire dans les caleçons longs de l'époque, donnant naissance à la petite culotte. Un sous-vêtement récompensé quelques années plus tard d'un grand prix de l'innovation lors de l'Exposition universelle de Paris en 1937. L'influence des paroles de la comptine ne s'arrête pas là puisqu'elles soufflent aussi à Pierre Valton le nom de sa marque, qu'il déposera peu après. En 1920, Petit Bateau voit le jour, et 120 ans après la naissance de l'usine de Troyes, toujours en activité, la marque écoule 3,7 millions de petites culottes par an.

Depuis ses débuts en 1893, l'usine de bonneterie de Pierre Valton révolutionne le monde du textile avec des matières et des techniques sans cesse améliorées, glanées au fil de voyages à l'étranger. Si Petit Bateau change en profondeur le style des sous-vêtements, la marque entame aussi une véritable révolution du confort, abandonnant la laine rugueuse au profit d'un coton blanc résistant et confortable. Après l'invention remarquée de la petite culotte, la marque sera popularisée avec l'arrivée de Marinette, sa première égérie. Créée par la dessinatrice Béatrice Mallet en 1920, cette petite fille potelée qui pousse la chansonnette restera pendant des années la porte-parole de la marque sur les affiches et encarts presse de l'époque qui mettent en scène la rondelette souriante et malicieuse.

Pendant près de cinquante ans, la marque trace son sillon et prospère, faisant fi de la concurrence qui reprend rapidement ses bonnes idées, telles que le body à pressions né dans les années 1980. Mais les marques bas de gamme vendues en hypermarchés arrivent en masse et mettent à mal la santé de la maison française. Dans les années 1990, l'entreprise, en plein naufrage, est sauvée des eaux par le groupe Yves Rocher, qui l'acquiert et impulse un changement de cap salvateur. Il commence par introduire la marque en grande distribution, une idée qui permettra à Petit Bateau de redresser la barre grâce à une sélection de vêtements de nuit pour enfants à prix abordables, pensée spécialement pour ce circuit de vente.

 

Casser l'image d'enfant sage

Côté communication, de 1990 à 1993, la marque mise sur la candeur de l'enfance avec des campagnes orchestrées par l'artiste Sarah Moon qui mettent en scène des enfants sages comme des images. Un peu trop éthérées, elles ne reflètent pas l'énergie qui se cache derrière la marque. En 1994, BETC remporte le budget et son directeur de la création Rémi Babinet formule de nouvelles propositions. «Il nous a dit que pour exister, ils nous fallait une communication différente, surprenante, en dehors des codes habituels de la communication pour enfants, se rappelle Patrick Pergament, directeur général de Petit Bateau. C'est à ce moment-là qu'ils ont eu l'idée de la fameuse campagne "Fais pas ci, fais pas ça".»

Cette publicité, diffusée à la télévision et au cinéma en 1996, fait prendre un nouveau virage à la marque. «Avec cette campagne, nous sommes sortis de Sarah Moon et de ses enfants hypersages. Nous avons renversé la vapeur en disant que les enfants ne ressemblaient plus à ces images d'Epinal. Il nous fallait de la vraie vie», poursuit-il. Rythmé par la chanson de Jacques Dutronc, le spot marque son époque, notamment grâce à cette signature particulièrement longue et sous forme interrogative «A quoi ça sert d'avoir des vêtements si l'on ne peut rien faire dedans?». Le film, qui montre les enfants dans toute l'espièglerie et la turbulence dont ils sont capables, permet à Petit Bateau de renouer avec le succès.

Mais si la cote de la marque remonte, c'est aussi grâce aux effets de mode. En 1994, lors d'un défilé, Karl Lagerfeld habille Claudia Schiffer d'un T-shirt Petit Bateau. Il n'en faudra pas plus pour que les adultes aient envie de flirter avec ce sous-vêtement, disponible en tailles 14, 16 et 18 ans. Le phénomène inspire alors la marque qui lance en 1996 sa gamme de T-shirts colorés pour adultes. Pendant des années, les spots s'enchaînent, toujours sur ce même ton enjoué et avec le cri de ralliement, «Petit Bateau!», poussé dans chacun des films.

 

Renouer avec le côté bébé

Dès les années 2000, la marque renforce ses gammes textiles à destination des adultes et commence à communiquer sur ses T-shirts, robes et autres pulls pour hommes qui diffèrent de la marinière ou du pyjama en éponge bouclette. En 2008, BETC imagine une nouvelle campagne. Objectif, «activer l'enfant qui est en chacun de nous», explique Patrick Pergament. Pour Muriel Fagnoni, vice-présidente de l'agence, il devenait nécessaire que la communication traduise le fait que la marque s'adresse aux personnes de 0 à 924 mois. «Le poids des adultes dans la consommation de la marque rendant impossible de ne parler que des enfants.»

La campagne «Les mois» est née. «Convertir son âge en mois ramène inévitablement à l'enfance et cette campagne renoue avec les valeurs d'ancrage de la marque comme la qualité, le peau à peau et ce côté bébé», analyse le directeur de Petit Bateau. Le slogan évolue et devient «Pour toujours».

Mais rapidement, l'entreprise a besoin de se renouveler et décide de donner un coup de fouet à sa collection. «Nous avons développé la créativité au travers de collections, qui révèlent une plus grande liberté de style, mais aussi de nos partenariats avec des créateurs, comme Carven ou Tsumori Chisato, indique Patrick Pergament. Nous avons sollicité des personnes qui ne mettent en général pas les pieds dans des usines de production industrielle pour développer des collections capsules.» De ces collaborations, au rythme de trois par an, naissent des pièces différentes de ce que l'usine a l'habitude de produire, comme des robes de haute couture, loin des nuisettes en coton.

A la recherche permanente de créativité, Petit Bateau marque cette rentrée 2013 et ses 120 ans d'existence en laissant pour trois ans les rênes de la direction artistique de sa collection pour adultes à la Maison Kitsuné, après une première collaboration en 2009. «Nous leur avons demandé de partir des codes de la marque et de moderniser nos produits iconiques», explique Patrick Pergament. En vente dès septembre, la nouvelle collection pour adultes replonge les amateurs de la marque doudou dans ses archives, notamment avec un ancien logo revisité pour un sweat-shirt qui casse les codes habituels de Petit Bateau.

Nouvelle étape pour la communication de la marque qui réalise 45% de ses venteshors de l'Hexagone (300 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012) une campagne internationale, toujours signée BETC, inaugure cette année la nouvelle signature «Jamais vieux pour toujours» qui évoque la dimension transgénérationnelle de Petit Bateau.Et qui  «dans sa syntaxe incorrecte, rend plus clairement hommage à l'enfance» souligne Muriel Fagnoni

Les photographies, dans la continuité de la campagne «Les mois», mettent en lumière des modèles de 0 à 924 mois au caractère bien trempé, qui sautillent, tirent la langue ou dansent. Car, après tout, à quoi ça sert d'avoir des vêtements si on ne peut rien faire dedans?

 

(encadré)

 

Dates et chiffres clés

 

1893. Pierre Valton ouvre son usine de bonneterie à Troyes.

1918. Création de la petite culotte. 

1920. Naissance de la marque Petit Bateau, dont Marinette devient l'égérie.

1988. Rachat de Petit Bateau par le groupe Yves Rocher.

1996. Lancement des T-shirts colorés.

3 933. Nombre d'employés dans le monde.

5 790. Nombre de points de vente, répartis dans 71 pays.

??%. Part des ventes réalisée à l'étranger. 

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