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En 2012, Facebook s’est entièrement réorganisé pour suivre des utilisateurs devenus mobinautes. Retour avec Laurent Solly, directeur général de Facebook France, sur les enjeux d’une transformation digitale.

Quand Facebook a-t-il réorienté sa stratégie vers le mobile ?
Laurent Solly. En 2012, alors que les smartphones, tablettes ou feature phones se multipliaient, Mark Zuckerberg a compris que le mobile allait devenir incontournable. Et force est de constater qu’il est aujourd’hui l’un des tout premiers supports de connexion et de communication dans le monde. Pour le secteur du digital, c’est un peu la révolution dans la révolution.


Comment avez-vous réagi ?
L. S. En juillet 2012, Mark Zuckerberg a annoncé que Facebook devenait « mobile first ». A partir de là, tous les développements technologiques ont été effectués en priorité sur le mobile. Ça paraît simple, mais cela revient à passer d’un monde web fixe au monde en silos des applis. C’est un énorme travail de conserver la même expérience utilisateur que l’on soit sur Android, IOS ou Windows. Nous avons par ailleurs accéléré le développement d’applications indépendantes adaptées à chaque usage : Instagram pour l’image et les vidéos, Messenger pour la messagerie instantanée… Nous sommes, à notre tour, devenus un acteur incontournable de la transformation mobile. En 2012, le chiffre d’affaires de Facebook issu du mobile était inexistant. Il représente aujourd’hui 62 % de ses revenus.


Quels sont les enjeux publicitaires pour les mobiles ?
L. S. Ils sont énormes car le mobile a ses spécificités : la taille réduite de son écran impose de repenser les messages, les créations. Et il remet en cause la traditionnelle coupure publicitaire de la télévision ou des multiples pre-rolls avant une vidéo. C’est un changement important dans la réflexion marketing. Pour une marque, cela implique de concevoir des messages personnalisés, de cibler les bons utilisateurs en leur parlant comme à des amis. Par ailleurs, pour éviter la saturation, nous tenons à ne pas dépasser les 10 % par jour de communication de marques dans le fil d’actualité.


Vous avez dû inventer de nouveaux formats. Quels sont-ils ?
L. S. Le plus puissant, qui va fortement se développer en France, c’est le format publicitaire Video Premium que Guerlain a utilisé pour sa campagne « L’Homme idéal ». C’est un format vidéo engageant, mais non intrusif, qui s’insère dans le fil d’actualité sans interrompre l’expérience utilisateur. La vidéo se met en route automatiquement sans le son : si vous ne voulez pas la voir, vous passez ; si vous voulez l’écouter, il suffit de cliquer, et la vidéo prend tout l’écran avec le son.


Quelles sont les implications en matière de création ?
L. S. L’enjeu pour les marques est d’être positivement perçues et d’émerger alors qu’elles sont en hypercompétition avec une grande diversité de contenus souvent très personnels. Elles doivent donc proposer des contenus qui engagent le consommateur, l’incite à partager et à liker. Il est aussi nécessaire de personnaliser les communications. C’est pourquoi nous avons chez Facebook, des « creative shop » : une équipe d’une soixantaine de personnes, dont deux en France, accompagne les annonceurs et agences dans la création des contenus de marques pour le fil d’actualité.


Avez-vous un exemple ?
L. S. Coca-Cola a conçu un très beau film pour le dernier Super Bowl : il célèbre le melting-pot, la diversité des communautés américaines (les Blancs, les Chinois, les surfers, les mamans, les homosexuels…). Il voulait le diffuser sur Facebook. Nous leur avons donc proposé de découper le spot en dix films, chacun représentant une communauté particulière, et de le diffuser auprès des utilisateurs concernés. Il faut arriver à personnaliser, à contextualiser les messages. Plus vous personnalisez le message, plus le contenu est engageant, et plus la performance est forte.


Quels autres grands formats sont spécifiques à Facebook ?
L. S. Facebook a évolué. Depuis l’origine, les marques l’utilisent pour rassembler de grandes communautés qui s’intéressent à elles, pour engager la conversation. Les fans ont une valeur: en recommandant une marque à leurs amis, ils dynamisent les ventes de l’entreprise. C’est la fonction plateforme sociale. Mais Facebook, c’est aussi aujourd’hui une plateforme de branding où les marques travaillent leur histoire, leur notoriété, leurs préférences, où elles font connaître leurs produits chaque jour auprès de 20 millions de Français. C’est enfin une plateforme de performance où vous parlez de vos produits en enclenchant une action concrète du consommateur comme l’achat. Ce n’est pas un hasard si le premier secteur qui investit majoritairement sur Facebook dans le monde sont les e-commerçants tels Amazon ou Saranza. Maintenant, la tête de gondole est le téléphone mobile.


Vous permettez également aux annonceurs de faire découvrir leur application…
L. S. Oui, depuis janvier 2013, nous proposons aux marques de faire découvrir leur application et de la télécharger en un seul clic. C’est un des formats publicitaires stars de Facebook. La « mobile app install » de Showroom Privé a généré 400 000 téléchargements. Soit quinze fois plus qu’une campagne mobile classique menée ailleurs. Ils ont recruté ainsi 160 000 nouveaux membres en Europe.


On a récemment pu suivre le paiement d’amis à amis révélé sur un blog américain, le buy button et l’embauche du patron de Paypal. Préparez-vous une offre de m-paiement ?

L. S. A ce jour, nous ramenons du trafic sur le site des e-commerçants ou en magasin. Le buy button existe effectivement aux Etats-Unis où il est testé sur certains produits. C’est une fonctionnalité supplémentaire apportée à une marque qui communique, comme l’ensemble de nos boutons « click-to-action ». Au Royaume-Uni, nous expérimentons le « book now » pour réserver une place de concerts ou de match. Facebook a le culte du « test and learn ». L’entreprise ne fait pas d’études de marché sur des panels secrets. Elle teste ses innovations, ce qui fait naître parfois beaucoup de rumeurs. Au final, c’est l’utilisateur qui décidera de leur généralisation.


Quel est l’intérêt d’Atlas, présenté en octobre ?
L. S. Atlas, c’est tout d’abord un outil de mesure et d’activation. Nous passons d’un monde où la mesure était fondée sur des panels extrapolés à un monde de l’exhaustivité. Aujourd’hui, vous avez la possibilité de savoir exactement combien de Français ont été touchés par une publicité, combien l’ont aimé, ce qu’ils ont dit, ce qu’ils ont partagé. Atlas va pouvoir le mesurer précisément sur l’ensemble des devices et des canaux, alors que les marques ne pouvaient jusqu’ici obtenir aucune mesure de ROI sur les terminaux ou équipements mobiles où les cookies ne fonctionnent pas. Atlas fonctionne également sur l’ensemble du parcours client. Il peut mesurer l’engagement des utilisateurs sur leur parcours digital, plus seulement sur Facebook. L’activité hors ligne est aussi prise en compte. Atlas permet de distinguer l’efficacité du digital en liant les campagnes publicitaires en ligne aux ventes en magasin, grâce notamment à l’utilisation de données comme la carte de fidélité. Il s’agit de connaître, in fine, le « consumer journey », le processus de décision du consommateur.


Cela est-il compatible avec la protection de la vie privée ?
L. S. Oui, Facebook respecte et protège les données privées de ses utilisateurs. Les annonceurs peuvent choisir leur public par lieu, données démographiques ou mentions J’aime, mais ces informations restent anonymes. La protection des données personnelles est une priorité pour Facebook. Nous avons d’ailleurs développé une politique très claire et responsable sur le sujet basée sur la transparence, la confiance et la pédagogie. Nous avons par exemple donné à nos utilisateurs les outils pour bien gérer leurs données. C’est notamment la mission de Charlie, le dinosaure bleu, qui va inciter et aider les plus jeunes – mais pas seulement – à mieux gérer leurs publications et leurs paramètres de confidentialité.


Entretien : Mehdi Guiraud

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