Développement durable
Si l’écoconception a longtemps été un leurre de communicant, les commandes de bols en bambou venant de l’autre bout du monde et autres stands en carton font désormais place à une conscience citoyenne écologique profonde et réelle de la part de la profession. La question reste à quel prix.

Si concilier caractère éphémère et conscience écologique ressemble davantage à une antithèse qu’à un idéal, la filière événementielle veut y croire. À écouter Gildas Bonnel, président de l’agence Sidièse et de la commission développement durable de l’AACC, il s’agit même d’une préoccupation centrale : « La prise de conscience est exponentielle depuis quatre ans. La bascule s’opère dans le secteur de la communication et de l’événement, avec des dispositifs bien plus évolués en termes d’écoconception. » Malgré des niveaux de maturité disparates, cette nouvelle manière de travailler dans le respect de l’environnement s’impose progressivement. Fait encourageant, les normes, labels et outils 

d’évaluation se multiplient : labels RSE Agence active de l’AACC
ou Prestadd, outils d’évaluation Cleo d’Unimev ou d’autodiagnostic ADERE, sans oublier la norme internationale ISO 20121. 

La main aux donneurs d’ordre

Autre signe fort, les gros porteurs s’emparent du sujet, à l’image d’Hopscotch ou encore d’Auditoire, qui depuis l’année dernière passe au crible du développement durable l’ensemble de ses méthodes, cabinet d’audit à l’appui. Un bon point, puisque après la première impulsion générée par la prise de conscience collective, c’est aujourd’hui aux donneurs d’ordre de prendre le relais. « La systématisation de nos demandes peut influencer l’ensemble de l’écosystème événementiel », assure Dan-Antoine Blanc-Shapira, fondateur de l’agence Sensation!, pionnière dans ces démarches depuis vingt ans. 

Mais une dernière idée reçue pourrait encore freiner les attentistes : le coût. Ligne à ligne, c’est un fait, l’utilisation de matériaux recyclés, leur revalorisation, le bio ou encore le tri coûtent plus cher. À ces charges s’ajoutent évidemment celles liées au temps passé à sourcer les bons partenaires et à concevoir les bons process. Autre source de dépense moins connue, celle que Christophe Bruyelle, directeur technique free-lance, appelle « le surcoût de l’expérience » : « Sortir des sentiers battus, rechercher de nouvelles solutions plus durables pour les tester et espérer leur démocratisation implique parfois d’aller les chercher à l’étranger avec un impact financier et écologique nécessaire. »

Penser au budget global

Mais n’en déplaise aux amateurs du tableau Excel, qui estiment en moyenne à 30 % le surcoût lié à l’écoconception, le ligne à ligne s’arrête ici et constitue une approche incomplète. « Un budget se travaille de manière globale, rappelle Dan-Antoine Blanc-Shapira. Il ne s’agit pas forcément de dépenser plus, mais différemment. Réduire les matériaux, dématérialiser l’édition… Certains réflexes peuvent faire gagner des milliers d’euros à réinjecter ensuite dans des surcoûts liés à la durabilité. » Pour Aurore Deliancourt, directrice de projet de l’agence Auditoire, « il faut même intégrer une autre logique, celle de l’économie circulaire. Un projet événementiel durable inclut de nouveaux acteurs qui créent de la valeur par la redistribution. » 

Enfin, selon Marie Sabot, fondatrice du festival We Love Green, le recul, dans une phase considérée comme transitoire, reste de rigueur : « Le problème, c’est la grille de lecture temporelle. À quel niveau se situe la performance, dans le budget ou dans cinq ans ? En outre, notre société, peu équipée, freine la généralisation de nouveaux réflexes. Les surcoûts disparaîtront quand lieux et villes seront en pointe. » Un besoin de normalisation partagé par Béatrice Eastham, fondatrice de Green Evénement, cabinet qui accompagne les entreprises du secteur dans leur démarche de transition écologique : « Lorsqu’on écoconçoit, on traque le gaspillage et l’inutile. Il n’y a donc pas d’autre issue à terme que la diminution des coûts, à condition d’en faire une norme, avec un alignement de l’ensemble des acteurs. Le reste suivra rapidement, car nous connaissons déjà la plupart des moyens. » 

Ce qui coûte le plus cher… à la planète

Les transports de personnes et de marchandises

C’est encore le premier poste en termes d’impact. « Il peut représenter jusqu’à 95 % des coûts énergétiques sur un événement international », rappelle Dan-Antoine Blanc-Shapira. Ses conseils : mutualiser les camions, favoriser le ferroutage (train et camion), choisir des sites faciles d’accès, inciter au covoiturage et aux transports en commun. 

L’énergie 

Poste crucial pour la réussite de l’événement, c’est là où l’innovation reste la plus forte. Parmi les plus actives en France, Marie Sabot a fait plusieurs expériences sur We Love Green : « Nous venons de tester deux nouveaux types de carburant non autorisés en France, l’un à l’huile végétale, l’autre à l’huile alimentaire recyclée, avec autorisation spéciale du ministère des Finances. Et pour la première fois en Europe, nous avons également expérimenté un
groupe électrogène à hydrogène, solution très prometteuse. »

Les déchets

Point noir du secteur, le sujet progresse, avec des parcours normalisés sur les déchets courants, mais aussi des logiques de traitement des matériaux ou des circuits de dons qui se créent. En 2017, l’ONG Zero Waste pointait néanmoins le point particulier de la moquette, en dénonçant le faible taux annuel de tonnages recyclés en
Europe, qui ne dépasse en effet pas 3 %. 

La restauration

Le poste se réinvente depuis peu. Contenants recyclables, intégration du bio et du local, biodéchets, fontaines
à eau, traçabilité, préparation sur place… Les pistes ne manquent pas.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.