TRIBUNE

[Tribune] Si l’intelligence artificielle bouleverse les pratiques, le design reste avant tout une affaire d’hommes et de femmes, avec leur talent, leur audace, leur créativité et surtout leur liberté.

Après le design durable, c’est sur le thème de la liberté que la 6e édition de notre rencontre annuelle In Design We Trust s’est tenue le 19 octobre dernier à Paris, en présence de 350 professionnels du secteur. Vaste sujet ! Sur scène, les treize binômes qui ont planché sur la question (1) et se sont produits en format de cinq minutes chrono s’en sont donnés à cœur joie pour traiter le sujet avec audace, humour, pertinence et en totale liberté. Lors de cette soirée jubilatoire, c’est bien du métier de designer qu’il fut question, avec tous ses talents, ses audaces, sa créativité.

Designer, un métier de créativité

Dieu et designer, même combat ? Le designer, « cette créature toute puissante, à l’ego en roue libre et dont la parole est d’évangile », mériterait sa place tout en haut de la pyramide hiérarchique, selon Sabrina Pedroso et Yoann Douillard. Sans aller jusque-là, la prestation désopilante du duo fut un condensé de toutes les ressources, intellectuelles, culturelles, visuelles, auditives, qu’un designer est capable de mobiliser sur un sujet imposé.

Misant sur la dérision ou l’absurdité, les designers ont ainsi expliqué, illustré et dessiné leur réalité quotidienne. S’ils ont pointé par le rire les inévitables contraintes du métier, ils ont rappelé que la contrainte évite l’uniformisation et encourage la créativité. « Les créatifs ont toujours su aller au-delà des contraintes et s’en servir », dixit Laurent Cochini, et « plus les moyens sont limités, plus l’expression est forte », ont souligné Anne Cornetto et Aurélien Fogielman, citant Pierre Soulages.

Sortir du cadre : le devoir de rébellion

Ainsi la liberté du designer s’est-elle invitée dans les propos d’Arthur Schwarz évoquant les « libertés que l’on peut prendre lorsqu’on choisit les bonnes polices », et dans ceux d’Anne Cornetto et Aurélien Fogielman digressant sur la puissance de la couleur noire, ou encore de Frédéric Granon et Stéphane Allary sur l’importance du choix des outils de la création. Mais, ont rappelé Matthieu Le Coz et Bruno Zobec, « la liberté est une notion qui a à voir avec la révolte et la rébellion ». Pas de design, pas de liberté créative, sans « accepter une forme de transgression, une façon d’utiliser le vandalisme comme créativité », ont estimé Aryas Abdollatti et Julian Mathis.

Oser « sortir du cadre », casser les codes, lever les barrières, tenter de nouvelles expériences : l’appel à la rébellion anime les designers. Cela devient une nécessité et un devoir envers les marques que nous conseillons. À trop vouloir se protéger, elles ont tendance à se dissoudre, se confondre et peuvent manquer d’impact et de singularité. C’est à nous, designers, de « faire crier de nouveau les marques d’envie, de joie, d’innovation, de les aider à faire bouger les lignes et à trouver le juste cri, à nous refaire rêver ».

Enfin, il a été question d’intelligence artificielle et de ses algorithmes génératifs. Ils posent question en termes de créativité, de productivité, de légitimité, de propriété. L’IA est-elle un simple outil ? Un super pouvoir ? « Pour le moment, cela reste un outil, comme l’appareil photo pour le photographe, mais ce sera demain notre terrain de jeu », ont tranché Margaux Crahay et Jessica Bensadoun. « Nous n’avons d’autre choix, nous designers, que de nous approprier ce nouvel outil et de dompter l’IA qui libère le créatif et permet de pousser les murs », ont affirmé aussi Géraldine Karolyi et Laurent Cochini. Une chose est sûre : avec l’IA, une nouvelle esthétique, de nouvelles images et de nouveaux talents sont en train de naître.

(1) Louise Laclautre (Namibie) et François Gioux (Sixième Son); Anne Cornetto et Aurélien Fogielman (Extrême); Arthur Schwarz (Production Type); Aryas Abdollahi et Julian Mathis (Dragon Rouge); Géraldine Karolyi (17 Mars) et Laurent Cochini (Sixième Son); Margaux Crahay et Jessica Bensadoun (Blackandgold); Matthieu Le Coz (4uatre) et Bruno Zobec (Pixelis); Grégoire Bucher et Thomas Ferret (CBA); Frédéric Granon et Stéphane Allary (Landor & Fitch); Marc Schreiber et Aurélien Blanchetière (Luciole); Lucas Vitale et Sabrina Terras (SGK Brandimage); Sabrina Pedroso (Team Créatif) et Yoann Douillard (Atelier Casanova); Virginie Cai et Camille Prieux (école E-artsup).

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