Face à l'inflation langagière de notre société actuelle, nos pratiques de communicant auraient tout à gagner à se recentrer sur ces quatre éléments clés du célèbre dictionnaire : précision, compréhension, nuance et reconnaissance.

Il y a des mots qui apparaissent, se font une place dans le débat, que l’on remarque et puis que l’on abîme. C’est évidemment le cas de la bien nommée bienveillance ou encore celle de la résilience. On a aussi au catalogue le mot de durable, celui de réforme et on craint désormais le pire pour «l’impact», encore plus s’il a le malheur d’être positif.

À force d’être répétés à tout vent, les mots s’usent, se galvaudent. Ils tournent à vide, et ne disent plus rien. Ils ne parlent plus à ceux qui les écoutent. Ils se déconnectent de la réalité. Les politiques abusent par exemple du mot «territoire» mais aucun Français aujourd’hui ne l’utilise jamais. On se définit par sa région, sa ville, son terroir, son pays, jamais par son territoire. On habite à la campagne, pas «en ruralité». Les mots technocratisés éloignent, et finalement actent la fracture grandissante entre gouvernants et gouvernés.

Ces mots doivent nous en vouloir. La chute du podium fait mal. Après avoir été adulé, on les maudit. Ils n’existent plus pour eux-mêmes mais seulement comme, au pire, la marque d’un parisianisme distant, au mieux, celle d’une époque et de ses obsessions. Les mots se périment aux mauvais usages.

Risque de l'IA

Un autre piège est tendu à la valeur des mots et plus encore des récits qu’ils permettent de construire, celui de la grande intelligence. Ou du moins telle qu’elle nous est vendue. La fameuse IA. Tellement talentueuse qu’elle n’a même plus besoin de se présenter dans sa forme développée pour être reconnue de tous. L’IA, donc, déshumanise, du moins à ce stade, la chair des mots et standardise la pensée et le langage.

Les mots éculés, les mots lessivés, les mots délavés nourrissent une novlangue, politique, managériale, qui ne parle plus à personne. Une novlangue qui dénie ou euphémise le réel, une novlangue qui simplifie et découpe le langage en éléments, une novlangue qui ne capte plus l’attention de ses publics, et tourne à vide, sur elle-même. Clap de fin.

Les mots ont pourtant du pouvoir. Du «J’accuse» de Zola à «La force tranquille» ou dans un autre registre «Je suis Charlie», ils sont capables d’avoir de l’écho, de mobiliser, de rassembler. Encore faut- il savoir les choisir, et éviter les effets de mode et de facilité.

Quatre leçons

Et si on respectait les mots ? Qu’est-ce que cela apporterait à nos pratiques de communicant ? Les leçons du Petit Robert en quatre points :

- De la précision. Oui, toute construction de récit doit commencer par une réflexion sur la justesse du propos bien sûr mais aussi sur le poids des mots et sur la quête de nouveaux mots, loyaux, plus parlants, plus conformes aux représentations des publics. Dire juste, avec des mots vrais.

- De la compréhension. Bien énoncé, avec des mots qui font sens, le récit devient plus facilement compris et se partage d’autant mieux.

- De la nuance. Un récit soutenu par les bons mots évite les anathèmes, les simplifications, les clashs et rouvre la possibilité de débattre, en nommant bien les choses. Le désaccord devient alors une piste.

- De la reconnaissance. Peut-être que les publics y verraient une forme de soin dans la manière de s’adresser à eux, quand aujourd’hui ils pensent les dirigeants si éloignés de leurs préoccupations et de leur quotidien.

Les mots occuperaient alors leur fonction première, celle du langage. Nous relier.

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