Disparition

Marie-Catherine Dupuy, cofondatrice et directrice de la création de la mythique agence BDDP de 1983 à 2001, puis vice-présidente de TBWA\Paris en charge de la création, est décédée. Depuis 2018, elle présidait le Club des DA. Créative multiprimée, elle restera la première femme à avoir occupé un poste aussi haut placé dans la publicité en France et laisse un grand vide dans le monde de la création. 

S'il y avait une femme puissante, c'était bien elle. Marie-Catherine Dupuy est décédée, après avoir marqué de manière indélébile et avec ô combien de brillance la publicité française.

La pub, elle l'avait dans le sang. Tout d'abord parce qu'elle était issue d'une dynastie de publicitaires. Petite-fille de Roger-Louis Dupuy, fondateur de l'agence Dupuy, elle était la fille de Jean-Pierre Dupuy, qui avait repris l’agence, devenue Dupuy-Compton en 1968 après un rapprochement avec l’américain Compton Advertising. C’est Marie-Catherine Dupuy, qui reprendra le flambeau en 1970, en devenant conceptrice-rédactrice chez Dupuy-Compton, où elle sera embauchée par feu Philippe Michel (cofondateur de CLM) – contre l’avis de son père, qui refusait de faire d’elle une « fille à papa ».

Marie-Catherine Dupuy a, depuis cinq décennies, contribué aux riches heures de la pub. Tout d’abord en fondant, aux côtés de Jean-Claude Boulet, Jean-Marie Dru et Jean-Pierre Petit, la brillante agence BDDP, dont elle était le « D ». Puis en présidant aux destinées créatives de TBWA dont elle était la vice-présidente exécutive. En 2001, à l’occasion des 30 ans de Stratégies, celle qui fut nommée « Homme de l’Année » de notre magazine en 1991, elle y délivrait sa ou plutôt ses devises : « J'en ai deux ; une débile et l'autre plus sérieuse. La débile : « Quand y'en a plus, y'en a encore ! » Et la sérieuse : « Fais tout ce qui est en ton pouvoir et pour le reste, reste calme et tranquille. » Je n'y arrive pas toujours.»

Exigence créative

Celle que l’on appelait « Marie-Cath » sera la première femme à présider les Clio Awards. Elle poursuivait, après deux mandats à la tête du Club des DA, sa mission, initiée auprès du ministère de la Culture pour la reconnaissance du Club en tant qu’institution référente des métiers des arts appliqués à la communication. 

Dans un article de Stratégies consacré à l'histoire de l'agence BDDP , nombreux était ceux qui professaient leur éternelle admiration pour l'élégantissime Marie-Cath, petit bout de femme à l'exigence de fer. «Marie-Catherine Dupuy, la création faite femme, qui avait une manière apparemment souple de mener d’une main de fer les créatifs, tout en les protégeant», décrivait Nicolas Bordas, vice-président International TBWA\Worldwide entré en 1994 chez BDDP. «Marie-Cath nous disait toujours : quand on est à 90%, il reste la moitié du chemin, se remémore Natalie Rastoin, ex-vice-présidente de BDDP. Mais surtout, la création de valeur naissait de l’alliance permanente entre la stratégie et la création».

Visionnaire dans l'âme

La dernière fois que Stratégies l’avait rencontrée, c’était en 2019. Lors d’un long entretien, Marie-Catherine Dupuy revenait sur les fondamentaux de la création et offrait ses prédictions sur les futures tendances. Visionnaire dans l’âme, elle restait néanmoins réaliste quant aux limites de la création : « Lorsqu’on examine la liste des 18 présidents qui se sont succédé en cinquante ans, tous les grands ont été présidents : Philippe Michel, Benoît Devarrieux, Pierre Berville, Rémi Babinet, Olivier Altmann, Gabriel Gaultier… Ce qui prouve que ça attire du beau monde. Le revers de la médaille, c’est qu’il y a eu seulement deux présidentes : Anny-Claude Lemeunier il y a très longtemps et moi-même. Mais c’est une problématique plus large, inhérente au secteur. Le plafond de verre, il est là ».

Elle expliquait pourtant l’avoir jamais rencontré de rencontré de difficultés particulières du fait d'être une femme publicitaire. «Pour moi, c'était un métier normal car familial. Je ne me suis jamais servie de mon côté féminin pour obtenir ce que je voulais par la séduction. Je défendais mes idées avec une autorité naturelle, sans surjouer un côté patron.»

Animée jusqu’au bout par la création, elle lâchait, en 1990, avec la drôlerie empreinte de mélancolie qui la caractérisait : «Je crois que je mourrai comme ma grand-mère, des dossiers dans les bras…»

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