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Pour devenir de véritables partenaires stratégiques pour les directions des entreprises, certains acteurs du secteur des études font le choix de développer le conseil, d’autres misent sur la technologie. Une émulation qui porte le secteur.

Ça plane pour les instituts d’études. Le marché s’est établi à 2,2 milliards d’euros en France en 2021, rejoignant presque son niveau d’avant crise (2,3 milliards en 2019), après une année 2020 à -12 %. Pour 2022, la croissance pourrait dépasser les 10 %, selon Luc Laurentin, président de la commission études du Syntec Conseil et vice-président de BVA Group. Les acteurs prévoient des embauches, à l’instar d’Harris Interactive, qui compte 200 salariés en France et qui souhaite ouvrir 30 postes supplémentaires cette année, indique Jean-Daniel Lévy, son directeur délégué. Une bonne dynamique pour le secteur qui pourrait être contrariée par l’inflation, la pénurie des matières premières ou la crise énergétique.

« Devancer la demande du client »

Durant la crise sanitaire, les études ont démontré leur utilité auprès des marques. On peut citer l’institut CSA (groupe Havas), qui a mis en place en 2020 « Brands & You », un baromètre hebdomadaire sur la perception des marques GMS par les Français durant la période des confinements. « L’objectif est de devancer la demande du client. L’idéal est de lui apporter une réponse avant même qu’il ne se soit posé une question », développe Alexandre Devineau, general manager de YouGov France. C’est ce positionnement de partenaires privilégiés des marques que veulent cultiver les instituts d’études. « Auparavant, on faisait des études mais derrière, il n’y avait pas de notion d’accompagnement, explique Luc Laurentin. Les instituts historiques ont revu leur façon de travailler et se tournent davantage vers le conseil. »

C'est une compétence de plus en plus recherchée par « les directions corporate, les PDG ou même les réseaux de magasins », complète Alexandre Guérin, directeur général d’Ipsos France. Cela se traduit par la création d’offres pour aider les entreprises à repenser leur organisation, leur raison d’être, imaginer de nouveaux concepts ou produits via des ateliers et des workshops. Le commerce a un besoin de données et « les instituts développent le conseil objectivé par l’analyse statistique », expose Bernard Sananès, président de l’institut Elabe, dont l’activité est composée aux deux tiers de conseil. Sans oublier que les études servent aussi les communications d’entreprise : « les études sont des messages », affirme Yves Del Frate, CEO de l’institut CSA.

Bons élèves de la RSE

Avec la crise sanitaire, les acteurs des études ont aussi vu se multiplier les demandes clients autour des enjeux RSE. OpinionWay a créé une communauté « GreenLab » composée de 100 personnes interrogeables sur des insights autour de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. À l’Ifop, Stéphane Truchi, président du directoire, affirme : « On travaille beaucoup sur la dimension citoyenne. Chez Sociovision, c’est la vision sociologique : comment les valeurs telles que la responsabilité et l’engagement s’expriment dans la sociologie de consommation. Et au niveau de l’Ifop, on a lancé un observatoire du développement durable très tôt, au début des années 2000. » Dans une course à l’exemplarité, tous les instituts d’études se présentent en bons élèves de la RSE, certains allant jusqu’à embrasser le statut « d’entreprise à mission ».

C’est notamment le cas de BVA. Après avoir traversé une année 2020 chaotique avec une baisse de son activité de 30% et la gestion d’un conflit avec le fonds britannique Alcentra (contre lequel les actionnaires de BVA ont obtenu gain de cause en 2021), le groupe a souhaité démontrer sa résilience en adoptant ce statut en janvier dernier. BVA, qui a réalisé un rebond de 25% en 2021, avec un chiffre d’affaires de 145 millions d’euros, a pour nouveau claim « the human advantage ». En pratique, c’est la mise en place d’un comité de 15 personnes pour statuer sur les appels d’offres et ne répondre qu’à ceux « en faveur d’un futur responsable », selon Éric Singler, directeur général de BVA Group.

Plateformisation

Autre phénomène, la montée en compétence technologique via la plateformisation. Ipsos a créé la plateforme « Ipsos Digital », un service d’étude entièrement automatisé, de la commande à la livraison. Kantar a mis en place la plateforme « My World Panel » dédiée à la consommation des ménages. « L’un des enjeux sur le marché des études actuellement c’est le "do it yourself" : le fait de donner la capacité aux clients de mener leurs études eux-mêmes, en autonomie, en interrogeant le panel avec des paramètres (choix du segment et des questions) pour un résultat en moins d’une heure », commente Alexandre Devineau, de YouGov France. Plus original, l’institut CSA a lancé en 2021 « Virtual Markets », une plateforme d’intelligence artificielle pour créer « un jumeau digital d’un marché d’un client », selon Yves Del Frate, qui comprend toutes les données historiques et qui permet de « simuler des scenarii », comme l’arrivée d’un nouvel entrant sur le marché, cela, afin d’en visualiser les implications.

Les capacités d’exploitation de la data restent également l’un des grands enjeux des instituts d’études, même si l’ensemble des professionnels relativisent l’apport de cette denrée technologique qui, si elle a permis des avancées grâce à la géolocalisation, peut aussi comporter des biais. « La data ne fait sens que s’il y a une intelligence humaine derrière pour la faire parler », résume Luc Laurentin. « La data me donne le what mais pas le why. Et le why, c’est notre métier », surenchérit Luc Balleroy, directeur général d’OpinionWay. La fin annoncée des cookies tiers de Google en 2023 a aussi donné des idées à certains acteurs du marché, propriétaires de panels. L’institut CSA prévoit comme alternative la mise en place de « trackers online » sur des panélistes volontaires. De même, YouGov prépare la sortie de « YouGov safe » pour récupérer sur des panélistes consentants « leur Google search, les données de leurs plateformes de streaming et d’autres informations de navigation », selon Alexandre Devineau, qui insiste sur la conformité RGPD. Du conseil à la data, les instituts d’études n’ont donc pas fini de se mesurer entre eux.

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