Alors que les crises écologique et sociale s’entremêlent et se nourrissent entre elles, on découvre, ébahis, que des professionnels du marketing se creusent les méninges pour enlever des chips des paquets familiaux et chercher à duper les consommateurs.
Nous sortons groggys d’un été caniculaire et de plus en plus de gens commencent à percevoir que notre discours sur le dérèglement climatique n’est pas un concept, un mantra d’écolos dépressifs. Quand l’eau ne coule plus au robinet de certains villages, quand on se planque pour arroser son jardin, quand la rivière d’à côté n’offre plus les baignades d’antan, on se réveille avec la gueule de bois et un certain effarement. Les Français, avant même cet été de feu, pressentaient les risques de la crise écologique. La Fondation pour la Nature et l’Homme révélait dans son baromètre avec Odoxa, au printemps dernier, que 71% des Français ressentent le changement climatique dans leur quotidien et qu’ils sont près de la moitié (4 Français sur 10) à avoir déjà̀ pensé à changer de lieu d’habitation à cause du réchauffement climatique... Cela ne va pas s’arranger.
Mais, on le sait, les crises ne s'effacent pas entre elles, elles se juxtaposent, elles s'additionnent. La crise sociale rampante dépasse les digues de la pauvreté « supportable ». Celle, avouons-le, à laquelle nous nous sommes lentement habitués. Des gens vivent dehors, dans des baraquements de fortune dans le bois de Vincennes, aux abords du périphérique. On ne les voit plus. On s’habitue. Mais quand le Secours Populaire publie, avec Ipsos, la 17e édition de son Baromètre sur la pauvreté et la précarité, les chiffres nous pètent au nez. Un Français sur trois (32 %) n’est pas toujours en capacité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour manger trois repas par jour. Ils sont 36 % à se priver pour que leurs enfants ne se retrouvent pas devant une assiette vide… L’explosion des prix de l'alimentation (+21,3 % depuis août 2021) fait glisser toute une partie de la population dans la précarité et le stress de la fin du mois. Au niveau mondial, les prix du riz ont bondi de 9,8% en août. C’est l’annonce en juillet par l’Inde, qui représente 40% des exportations mondiales de riz, d’une interdiction des ventes de riz non basmati à l’étranger, qui a affolé les marchés. New Delhi a justifié cette mesure par une flambée des prix du riz sur son marché intérieur provoquée par le phénomène climatique El Nino.
Une «shrinkflation» révélatrice
Les crises s’entremêlent et se nourrissent entre elles. Les crises écologiques sont une menace majeure sur le pouvoir d'achat, puisqu'elles raréfient et renchérissent les ressources. Et c’est dans cette spirale infernale que nous, ici, devons réfléchir, agir et tenter de faire notre part. Et c’est dans ce monde-là, dans cette époque-là, alors que l'enjeu central est la solidarité, la cohésion, la qualité des liens entre les membres du corps social, que l’on découvre, ébahis, le beau travail d’innovation de certains professionnels du marketing qui se sont creusé les méninges pour enlever des chips des paquets familiaux et chercher à duper à grande échelle les citoyens consommateurs. En changeant les formats, les grammages, les formules, pour afficher des prix constants tout en augmentant (beaucoup !) leurs marges et en bernant leurs propres clients. Du grand art ! Ce sont les mêmes qui, il y a vingt ans, agrandissaient les trous de leurs flacons de shampoing pour que le produit dégueule dans nos mains et qu’on le vide en dix jours. Des petits génies, je vous dis. Cette « shrinkflation » (réduflation en bon français, si si !) est une défaite de notre secteur, le symptôme de notre incurable compromission. Comment peut-on, collectivement, se donner tant de mal à construire de belles images de marque, des engagements de responsabilité et laisser ces incendiaires trahir l’intérêt collectif et la relation avec nos publics sur l’autel d’un profit opportuniste et immédiat ? Franchement, renvoyons ces incendiaires à leurs chères études et posons-nous la seule question qui compte : comment ma marque, mon entreprise peut-elle être utile au monde ?